Imaginary Lives - The Art and Popular Culture Encyclopedia (2024)

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(Redirected from Celles qui hantent l’entour des villes de France, assises sur les pierres des cimetieres, pour donner du plaisir a ceux qui passent)

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"The science of history leaves us uncertain as to individuals, revealing only those points by which individuals have been attached to generalities. History tells us that Napoleon was ill on the day of Waterloo; that we must attribute Newton’s excessive intellectuality to the absolute consistency of his temperament; that Alexander was drunk when he killed Klitos; and that the fistula of Louis XIV was perhaps the cause of certain of his resolutions. Pascal speculates on the length of Cleopatra's nose . . . the possible consequences had it been a trifle shorter; and on the grain of sand in Cromwell’s urethra. All these facts are valued only when they modify events or alter a series of events. They are causes, established or possible. We must leave them to savants."--Imaginary Lives (1896) by Marcel Schwob

"Enfin Katherine se lassa de vivre close dans une chambre carrée; elle s'enfuit sur les routes. Et, dès lors, elle ne fut plus Parisienne, ni dentellière; mais semblable à celles qui hantent à l'entour des villes de France, assises sur les pierres des cimetières, pour donner du plaisir à ceux qui passent." --Imaginary Lives (1896) by Marcel Schwob

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Rhombicuboctahedron by Leonardo da Vinci

Imaginary Lives (1896, Vies imaginaires ), is a collection of twenty-two semi-biographical short stories by Marcel Schwob, first published as a book in 1896. Mixing known and fantastical elements, it was the first of the genre of biographical fiction. The book was an acknowledged influence in Jorge Luis Borges’s first book A Universal History of Infamy. Borges also translated the last story "Burke and Hare, Assassins" into Spanish.

Most had been published individually in the newspaper Le Journal between 1894 and 1895. For the collected edition he substituted “Vie de Morphiel, démiurge” with ‘’Matoaka’’ which had appeared in 1893 in L'Echo de Paris and that he renamed Pocahontas, princesse.

The book features twenty-two literary portraits of figures from ancient history, art history, and the history of crime and punishment. From demi-gods, sorcerers, incendiaries, wantons and philosophers of the ancient world, to the "poet of hate" Cecco Angiolieri and the painter Paolo Uccello, through to the pirates William Kidd and Major Stede-Bonnet, and finally Burke and Hare, the serial killers; Schwob presents an array of characters who display all that is macabre, deviant and magnificently terrifying in human beings and in life.

The work is reminiscent of other biographical glossaries such as Jorge Luis Borges' A Universal History Of Infamy and Alfonso Reyes' Real And Imagined Portraits.

Contents

  • 1 Contents
  • 2 Full text of French original
    • 2.1 PREFACE
    • 2.2 Empédocle, Dieu supposé
    • 2.3 Erostrate, Incendiaire
    • 2.4 Cratès, Cynique
    • 2.5 Septima, Incantatrice
    • 2.6 Lucrèce, Poète
    • 2.7 Clodia, Matronne impudique
    • 2.8 Pétrone, Romancier
    • 2.9 Sufrah, Géomancien
    • 2.10 Frate Dolcino, Hérétique
    • 2.11 Cecco Angiolieri, Poète haineux
    • 2.12 Paolo Uccello, Peintre
    • 2.13 Nicolas Loyseleur, Juge
    • 2.14 Katherine la Dentellière, Fille amoureuse
    • 2.15 Alain le Gentil, Soldat
    • 2.16 Gabriel Spenser, Acteur
    • 2.17 Pocahontas, Princesse
    • 2.18 Cyril Tourneur, Poète tragique
    • 2.19 William Phips, Pêcheur de trésors
    • 2.20 Le Capitaine Kid, Pirate
    • 2.21 Walter Kennedy, Pirate illettré
    • 2.22 Le Major Stede Bonnet, Pirate par humeur
    • 2.23 MM. Burke et Hare, Assassins
  • 3 Full text of English translation by Lorimer Hammond
    • 3.1 PREFACE
    • 3.2 EMPEDOCLES
    • 3.3 EROSTRAT
    • 3.4 CRATES
    • 3.5 SEPTIMA
    • 3.6 LUCRETIUS
    • 3.7 C L O D I A
    • 3.8 PETRONIUS
    • 3.9 S U F R A H
    • 3.10 FRA DOLCINO
    • 3.11 CECCO ANGIOLIERI
    • 3.12 PAOLO UCCELLO
    • 3.13 NICOLAS LOYSELEUE
    • 3.14 KATHERINE THE LACEMAKER
    • 3.15 ALAIN THE GENTLE
    • 3.16 GABRIEL SPENCER
    • 3.17 POCAHONTAS
    • 3.18 CYRIL TOURNEUR
    • 3.19 WILLIAM PHIPS
    • 3.20 CAPTAIN KIDD
    • 3.21 WALTER KENNEDY
    • 3.22 MAJOR STEDE-BONNET
    • 3.23 BURKE AND HARE
  • 4 See also

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Contents

Original French title English translation (2013) Central characters
Empédocle, Dieu supposé Empedocles, Supposed God Empedocles
Erostrate, Incendiaire Erostate, Incendiary Herostratus
Cratès, Cynique Crates, Cynic Crates of Thebes
Septima, Incantatrice Septima, Enchantress
Lucrèce, Poète Lucretius, Poet Lucretius
Clodia, Matronne impudique Clodia, Impure Woman Clodia
Pétrone, Romancier Petronius, Romancier Petronius
Sufrah, Géomancien Sufrah, Geomancer Sorcerer from Aladdin
Frate Dolcino, Hérétique Fra Dolcino, Heretic Fra Dolcino
Cecco Angiolieri, Poète haineux Cecco Angiolieri, Poet of Hate Cecco Angiolieri
Paolo Uccello, Peintre Paolo Uccello, Painter Paolo Uccello
Nicolas Loyseleur, Juge Nicolas Loysenleur, Judge Judge of Joan of Arc
Katherine la Dentellière, Fille amoureuse Katherine the Lacemaker, Girl of the Streets
Alain le Gentil, Soldat Alain the Gentle, Soldier
Gabriel Spenser, Acteur Gabriel Spencer, Actor Gabriel Spencer
Pocahontas, Princesse Pocahontas, Princess Pocahontas
Cyril Tourneur, Poète tragique Cyril Tourneur, Tragic Poet Cyril Tourneur
William Phips, Pêcheur de trésors William Phips, Treasure Hunter William Phips
Le Capitaine Kid, Pirate Captain Kidd, Pirate William Kidd
Walter Kennedy, Pirate illettré Walter Kennedy, Unlettered Pirate Walter Kennedy (pirate)
Le Major Stede Bonnet, Pirate par humeur Major Stede-Bonnet, Pirate by Fancy Stede Bonnet
MM. Burke et Hare, Assassins Burke and Hare, Assassins Burke and Hare murders

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Full text of French original

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PREFACE

La science historique nous laisse dans l’incertitude sur les individus. Elle ne nous révèle que les points par où ils furent attachés aux actions générales. Elle nous dit que Napoléon était souffrant le jour de Waterloo, qu’il faut attribuer l’excessive activité intellectuelle de Newton à la continence absolue de son tempérament, qu’Alexandre était ivre lorsqu’il tua Klitos et que la fistule de Louis XIV put être la cause de certaines de ses résolutions. Pascal raisonne sur le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, ou sur un grain de sable dans l’urètre de Cromwell. Tous ces faits individuels n’ont de valeur que parce qu’ils ont modifié les événements ou qu’ils auraient pu en dévier la série. Ce sont des causes réelles ou possibles. Il faut les laisser aux savants.

L’art est à l’opposé des idées générales, ne décrit que l’individuel, ne désire que l’unique. Il ne classe pas; il déclasse. Pour autant que cela nous occupe, nos idées générales peuvent être semblables à celles qui ont cours dans la planète Mars et trois lignes qui se coupent forment un triangle sur tous les points de l’univers. Mais regardez une feuille d’arbre, avec ses nervures capricieuses, ses teintes variées par l’ombre et le soleil, le gonflement qu’y a soulevé la chute d’une goutte de pluie, la piqûre qu’y a laissée un insecte, la trace argentée du petit escargot, la première dorure mortelle qu’y marque l’automne; cherchez une feuille exactement semblable dans toutes les grandes forêts de la terre: je vous mets au défi. Il n’y a pas de science du tégument d’une foliole, des filaments d’une cellule, de la courbure d’une veine, de la manie d’une habitude, des crochets d’un caractère. Que tel homme ait eu le nez tordu, un oeil plus haut que l’autre, l’articulation du bras noueuse; qu’il ait eu coutume de manger à telle heure un blanc de poulet, qu’il ait préféré le malvoisie au château-margaux, voilà qui est sans parallèle dans le monde. Aussi bien que Socrate, Thalès aurait pu dire Gnôthi seauton (1); mais il ne se serait pas frotté la jambe dans la prison de la même manière, avant de boire de la ciguë. Les idées des grands hommes sont le patrimoine commun de l’humanité: chacun d’eux ne posséda réellement que ses bizarreries. Le livre qui décrirait un homme en toutes ses anomalies serait une oeuvre d’art comme une estampe japonaise où on voit éternellement l’image d’une petite chenille aperçue une fois à une heure particulière du jour.

Les histoires restent muettes sur ces choses. Dans la rude collection de matériaux que fournissent les témoignages, il n’y a pas beaucoup de brisures singulières et inimitables. Les biographes anciens surtout sont avares. N’estimant guère que la vie publique ou la grammaire, ils nous transmirent sur les grands hommes leurs discours et les titres de leurs livres. C’est Aristophane lui-même qui nous a donné la joie de savoir qu’il était chauve, et si le nez camard de Socrate n’eût servi à des comparaisons littéraires, si son habitude de marcher les pieds déchaussés n’eût fait partie de son système philosophique de mépris pour le corps, nous n’aurions conservé de lui que ses interrogatoires de morale. Les commérages de Suétone ne sont que des polémiques haineuses. Le bon génie de Plutarque fit parfois de lui un artiste; mais il ne sut pas comprendre l’essence de son art, puisqu’il imagina des " parallèles " - comme si deux hommes proprement décrits en tous leurs détails pouvaient se ressembler! On est réduit à consulter Athénée, Aulu-Gelle, des scoliastes, et Diogène Laërce qui crut avoir composé une espèce d’histoire de la philosophie.

Le sentiment de l’individuel s’est développé davantage dans les temps modernes. L’oeuvre de Boswell serait parfaite s’il n’avait jugé nécessaire d’y citer la correspondance de Johnson et des digressions sur ses livres. Les Vies des personnes éminente par Aubrey sont plus satisfaisantes. Aubrey eut, sans aucun doute, l’instinct de la biographie. Comme il est fâcheux que le style de cet excellent antiquaire ne soit pas à la hauteur de sa conception! Son livre eût été la récréation éternelle des esprits avisés. Aubrey n’éprouva jamais le besoin d’établir un rapport entre des détails individuels et des idées générales. Il lui suffisait que d’autres eussent marqué pour la célébrité les hommes auxquels il prenait intérêt. On ne sait point la plupart du temps s’il s’agit d’un mathématicien, d’un homme d’Etat, d’un poète ou d’un horloger. Mais chacun d’eux a son trait unique, qui le différencie pour jamais parmi les hommes.

Le peintre Hokusaï espérait parvenir, lorsqu’il aurait cent dix ans, à l’idéal de son art. A ce moment, disait-il, tout point, toute ligne tracés par son pinceau seraient vivants. Par vivants, entendez individuels. Rien de plus semblable que des points et des lignes: la géométrie se fonde sur ce postulat. L’art parfait de Hokusaï exigeait que rien ne fût plus différent. Ainsi l’idéal du biographe serait de différencier infiniment l’aspect de deux philosophes qui ont inventé à peu près la même métaphysique. Voilà pourquoi Aubrey, qui s’attache uniquement aux hommes, n’atteint pas la perfection, puisqu’il n’a pas su accomplir la miraculeuse transformation qu’espérait Hokusaï de la ressemblance en la diversité. Mais Aubrey n’était pas parvenu à l’âge de cent dix ans. Il est fort estimable néanmoins, et il se rendait compte de la portée de son livre. "Je me souviens, dit-il, dans sa préface à Anthony Wood, d’un mot du général Lambert - that the best of men are but men at the best -, ce dont vous trouverez divers exemples dans cette rude et hâtive collection. Aussi ces arcanes ne devront-ils être exposés au jour que dans environ trente ans. Il convient en effet que l’auteur et les personnages (semblables à des nèfles) soient pourris auparavant."

On pourrait découvrir chez les prédécesseurs d’Aubrey quelques rudiments de son art. Ainsi Diogène Laërce nous apprend qu’Aristote portait sur l’estomac une bourse de cuir pleine d’huile chaude et qu’on trouva dans sa maison, après sa mort, quantité de vases de terre. Nous ne saurons jamais ce qu’Aristote faisait de toutes ces poteries. Et le mystère en est aussi agréable que les conjectures auxquelles Boswell nous abandonne sur l’usage que faisait Johnson des pelures sèches d’orange qu’il avait coutume de conserver dans ses poches. Ici Diogène Laërce se hausse presque au sublime de l’inimitable Boswell. Mais ce sont là de rares plaisirs. Tandis qu’Aubrey nous en donne à chaque ligne. Milton, nous dit-il, "prononçait la lettre R très dure". Spenser "était un petit homme, portait les cheveux courts, une petite collerette, et des petites manchettes". Barclay "vivait en Angleterre à quelque époque tempore R. Jacobi. C’était alors un homme vieux, à barbe blanche, et il portait un chapeau à plume, ce qui scandalisait quelques personnes sévères". Erasme "n’aimait pas le poisson, quoique né dans une ville poissonnière". Pour Bacon, "aucun de ses serviteurs n’osait apparaître devant lui sans bottes en cuir d’Espagne; car il sentait aussitôt l’odeur du cuir de veau, qui lui était désagréable". Le docteur Fuller "avait la tête si fort en travail que, se promenant et méditant avant dîner, il mangeait un pain de deux sous sans s’en apercevoir". Sur Sir William Davenant il fait cette remarque: "J’étais à son enterrement; il avait un cercueil de noyer. Sr. John Denham assura que c’était le plus beau cercueil qu’il eût jamais vu." Il écrit à propos de Ben Johnson: "J’ai entendu dire à M. Lacy, l’acteur, qu’il avait coutume de porter un manteau pareil à un manteau de cocher, avec des fentes sous les aisselles." Voici ce qui le frappe chez William Prynne: "Sa manière de travailler était telle. Il mettait un long bonnet piqué qui lui tombait d’au moins deux ou trois pouces sur les yeux et qui lui servait d’abat-jour pour protéger ses yeux de la lumière, et toutes les trois heures environ, son domestique devait lui apporter un pain et un pot d’ale pour lui refociller ses esprits; de sorte qu’il travaillait, buvait, et mâchonnait son pain, et ceci l’entretenait jusqu’à la nuit où il faisait un bon souper." Hobbes "devint très chauve dans sa vieillesse; pourtant, dans sa maison, il avait coutume d’étudier nu-tête, et disait qu’il ne prenait jamais froid mais que son plus grand ennui était d’empêcher les mouches de venir se poser sur sa calvitie". Il ne nous dit rien de l’Oceana de John Harrington mais nous raconte que l’auteur "A° Dni 1660, fut envoyé prisonnier à la Tour, où on le garda, puis à Portsey Castle. Son séjour dans ces prisons (étant un gentilhomme de haut esprit et de tête chaude) fut la cause procatarctique de son délire ou de sa folie qui ne fut pas furieuse - car il causait assez raisonnablement et il était de société fort plaisante; mais il lui vint la fantaisie que sa sueur se changeait en mouches et parfois en abeilles, ad cetera sobrius; et il fit construire une maisonnette versatile en planches dans le jardin de M. Hart (en face de St. Jame’s Park) pour en faire l’expérience. Il la tournait au soleil et s’asseyait en face; puis il faisait apporter ses queues de renard pour chasser et massacrer toutes les mouches et abeilles qu’on y découvrirait; ensuite il fermait les châssis. Or il ne faisait cette expérience que dans la saison chaude, de façon que quelques mouches se dissimulaient dans les fentes et dans les plis des draperies. Au bout d’un quart d’heure peut-être, la chaleur faisait sortir de leur trou une mouche, ou deux, ou davantage. Alors il s’écriait: "Ne voyez-vous pas clairement qu’elles sortent de moi?’’ "

Voici tout ce qu’il nous dit de Meriton. "Son vrai nom était Head. M. Bovey le connaissait bien. Né en... Etait libraire dans Little Britain. Il avait été parmi les bohémiens. Il avait l’air d’un coquin avec ses yeux goguelus. Il pouvait se changer en n’importe quelle forme. Fit banqueroute deux ou trois fois. Fut enfin libraire, ou vers sa fin. Il gagnait sa vie avec ses griffonnages. Il était payé 20 sh. la feuille. Il écrivit plusieurs livres: The English Rogue, The Art of Wheadling, etc. Il fut noyé en allant à Plymouth par la pleine mer vers 1676, étant âgé d’environ 50 ans."Enfin il faut citer sa biographie de Descartes:

Monseigneur RENATUS DES CARTES."Nobilis Gallus, Perroni Dominus, summus Mathematicus et Philosophus, natus Turonum, pridie Calendas Apriles 1596. Denatus Holmiae, Calendis Februarii, 1650. (Je trouve cette inscription sous son portrait par C. V. Dalen.) Comment il passa son temps en sa jeunesse et par quelle méthode il devint si savant, il le raconte au monde en son traité intitulé De la Méthode. La Société de Jésus se glorifie que l’ordre ait eu l’honneur de son éducation. Il vécut plusieurs années à Egmont (près la Haye) d’où il data plusieurs de ses livres. C’était un homme trop sage pour s’encombrer d’une femme; mais, étant homme, il avait les désirs et appétit* d’un homme; il entretenait donc une belle femme de bonne condition qu’il aimait, et dont il eut quelques enfants (je crois deux ou trois). Il serait fort surprenant qu’issus des reins d’un tel père ils n’eussent point reçu une belle éducation. Il était si éminemment savant que tous les savants lui rendaient visite, et beaucoup d’entre eux le priaient de leur montrer ses... d’instruments (à cette époque la science mathématique était fortement liée à la connaissance des instruments, et ainsi que le disait Sr. H. S. à la pratique des tours). Alors il tirait un petit tiroir sous la table et leur montrait un compas dont l’une des branches était cassée; et puis, pour règle, il se servait d’une feuille de papier pliée en double."

Il est clair qu’Aubrey a eu la conscience parfaite de son travail. Ne croyez pas qu’il ait méconnu la valeur des idées philosophiques de Descartes ou de Hobbes. Ce n’est pas là ce qui l’intéressait. Il nous dit fort bien que Descartes lui-même a exposé sa méthode au monde. Il n’ignore pas que Harvey découvrit la circulation du sang; mais il préfère noter que ce grand homme passait ses insomnies à se promener en chemise, qu’il avait une mauvaise écriture, et que les plus célèbres médecins de Londres n’auraient pas donné six sous d’une de ses ordonnances. Il est sûr de nous avoir éclairés sur Francis Bacon, lorsqu’il nous a expliqué qu’il avait l’oeil vif et délicat, couleur noisette, et pareil à l’oeil d’une vipère. Mais ce n’est pas un aussi grand artiste que Holbein. Il ne sait pas fixer pour l’éternité un individu par ses traits spéciaux sur un fond de ressemblance avec l’idéal. Il donne la vie à un oeil, au nez, à la jambe, à la moue de ses modèles: il ne sait pas animer la figure. Le vieil Hokusaï voyait bien qu’il fallait parvenir à rendre individuel ce qu’il y a de plus général. Aubrey n’a pas eu la même pénétration. Si le livre de Boswell tenait en dix pages, ce serait l’oeuvre d’art attendue. Le bon sens du docteur Johnson se compose des lieux communs les plus vulgaires; exprimé avec la violence bizarre que Boswell a su peindre, il a une qualité unique dans ce monde. Seulement ce catalogue pesant ressemble aux dictionnaires mêmes du docteur; on pourrait en tirer une Scientia Johnsoniana, avec un index. Boswell n’a pas eu le courage esthétique de choisir.

L’art du biographe consiste justement dans le choix. Il n’a pas à se préoccuper d’être vrai; il doit créer dans un chaos de traits humains. Leibnitz dit que pour faire le monde, Dieu a choisi le meilleur parmi les possibles. Le biographe, comme une divinité inférieure, sait choisir parmi les possibles humains, celui qui est unique. Il ne doit pas plus se tromper sur l’art que Dieu ne s’est trompé sur la bonté. Il est nécessaire que leur instinct à tous deux soit infaillible. De patients démiurges ont assemblé pour le biographe des idées, des mouvements de physionomie, des événements. Leur oeuvre se trouve dans les chroniques, les mémoires, les correspondances et les scolies. Au milieu de cette grossière réunion le biographe trie de quoi composer une forme qui ne ressemble à aucune autre. Il n’est pas utile qu’elle soit pareille à celle qui fut créée jadis par un dieu supérieur, pourvu qu’elle soit unique, comme toute autre création.

Les biographes ont malheureusem*nt cru d’ordinaire qu’ils étaient historiens. Et ils nous ont privés ainsi de portraits admirables. Ils ont supposé que seule la vie des grands hommes pouvait nous intéresser. L’art est étranger à ces considérations. Aux yeux du peintre le portrait d’un homme inconnu par Cranach a autant de valeur que le portrait d’Erasme. Ce n’est pas grâce au nom d’Erasme que ce tableau est inimitable. L’art du biographe serait de donner autant de prix à la vie d’un pauvre acteur qu’à la vie de Shakespeare. C’est un bas instinct qui nous fait remarquer avec plaisir le raccourcissem*nt du sterno-mastoïdien dans le buste d’Alexandre, ou la mèche au front dans le portrait de Napoléon. Le sourire de Mona Lisa, dont nous ne savons rien (c’est peut-être un visage d’homme) est plus mystérieux. Une grimace dessinée par Hokusaï entraîne à de plus profondes méditations. Si l’on tentait l’art où excellèrent Boswell et Aubrey, il ne faudrait sans doute point décrire minutieusem*nt le plus grand homme de son temps, ou noter la caractéristique des plus célèbres dans le passé, mais raconter avec le même souci les existences uniques des hommes, qu’ils aient été divins, médiocres, ou criminels.

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Empédocle, Dieu supposé

Personne ne sait quelle fut sa naissance, ni comment il vint sur terre. Il apparut près des rives dorées du fleuve Acragas, dans la belle cité d'Agrigente, un peu après le temps où Xerxès fit frapper la mer de chaî- nes. La tradition rapporte seulement que son aïeul se nommait Empédocle: aucun ne le connut. Sans doute, il faut entendre par là qu'il était fds de lui-même, ainsi

2i VIES IMAOIN AIRES

qu'il convient à un Dieu. Mais ses disciples assurent qu'avant de parcourir dans sa gloi- re ks campagnes de Sicile, il avait déjà passé quatre existences dans notre monde, et qu'il avait été plante, poisson, oiseau et jeune fille. Il portait un manteau de pourpre sur lequel retombaient ses longs cheveux; il avait autour de la tête une bande d'or, aux pieds des sandales d'airain, et il tenait des guirlandes tressées de laine et de lau- riers.

Par l'imposition de ses mains il guéris- sait les malades et récitait des vers, à la fa- çon homérique, avec des accents pompeux, monté sur un char, et la tête levée vers le ciel. Une grande troupe de peuple le suivait et se prosternait devant lui pour écouter ses poèmes. Sous le ciel pur qui éclaire les blés, les hommes venaient de toutes parts vers Empédocle, leurs bras chargés d'offrandes. Il les tenait béants en leur chantant la voù-

VIES IMAGINAIRES 25

te divine, faite de cristal, la masse de feu que nous nommons soleil, et l'amour, qui contient tout, semblable à une vaste sphère. Tous les êtres, disait-il, ne sont que des morceaux disjoints de cette sphère d'amour où sinsinua la haine. Et ce que nous appe- lons amour, c'est le désir de nous unir et de nous fondre et de nous confondre, ainsi que nous étions jadis, au sein du dieu globulaire que la discorde a rompu. Il invoquait le jour où la sphère divine se gonflerait, après toutes les transformations des âmes. Car le monde que nous connaissons est l'oeuvre de la haine, et sa dissolution sera l'œuvre de l'amour. Ainsi il chantait par les villes et par les champs; et ses sandales d'airain ve- nues de Laconie tintaient à ses pieds, et devant lui sonnaient des cymbales. Cepen- dant de la gueule de l'Etna jaillissait une colonne de fumée noire qui jetait son om- bre sur la Sicile.

3

20 VIKS IMAGINAIRES

Semblable ù un roi du ciel, Empéclocle était roulé dans la pourpre et ceint d'or, tandis que les pythagoriciens se traînaient dans leurs minces tuniques de lin, avec des chaussures faites de papyros. On disait qu'il savait faire disparaître la chassie, dissou- dre les tumeurs, et tirer les douleurs des membres; on le suppliait de faire cesser les pluies et les ouragans; il conjura les tem- pêtes sur un cercle de collines; à Sèlinonte, il chassa la fièvre en faisant déverser deux fleuves dans le lit d'un troisième; et les habitants de Sèlinonte l'adorèrent et lui éle- vèrent un temple, et frappèrent des médail- les où son image était placée face à face de l'image d'Apollon.

D'autres prétendent qu'il fut divinateur et instruit par les magiciens de Perse, qu'il possédait la nécromancie et la science des herbes qui rendent fou. Un jour où il dînait chez Anchitos, un homme furieux se rua

VIES IMAGINAIRES 27

dans la salle, le glaive levé. Empédocle se dressa, tendit le bras, et chanta les vers d'Homère sur le népenthès qui donne l'in- sensibilité. Et aussitôt la force du népenthès saisit le furieux, et il demeura fixe, le glai- ve en l'air, ayant tout oublié, comme s'il eût bu le doux poison mêlé dans le vin mousseux d'un cratère.

Les malades venaient à lui hors des cités et il était entouré d'une foule de miséra- bles. Des femmes se mêlèrent à sa suite. Elles baisaient les pans de son manteau précieux. Une se nommait Pantliea, fille d'un noble d'Agrigente. Elle devait être consa- crée à Artemis, mais elle s'enfuit loin de la froide statue de la déesse et voua sa virgi- nité à Empédocle. On ne vit point leurs marques d'amour, car Empédocle préser- vait une insensibilité divine. Il ne proférait de paroles que dans le mètre épirjue, et en dialecte d'Ionie, quoique le peuple et ses

2S VIES IMAGINAIRES

fidèles ne se servissent que du dorien. Tous ses gestes étaient sacrés. Quand il s'appro- chait des hommes, c'était pour les bénir ou les guérir. La plupart du temps, il demeu- rait silencieux. Aucun de ceux qui le sui- vaient ne put jamais le surprendre pendant son sommeil. On ne l'aperçut que majes- tueux.

Panthea était vêtue de fine laine et d'or. Ses cheveux étaient disposés à la riche mo- de d'Agrigente, où la vie coulait mollement. Elle avait lés seins soutenus par un stro- phe rouge, et la semelle de ses sandales était parfumée. Pour le reste, elle était belle et longue de corps, et de couleur très dé- sirable. Il est impossible d'assurer qu'Em- pèdocle l'aimât mais il eut pitié d'elle. En effet, le souffle asiatique engendra la peste dans les champs siciliens. Beaucoup d'hom- mes furent touchés par les doigts noirs du fléau. Môme les cadavres des bêtes jonchaient

VIES IMAGINAIRES 29

le bord des prairies et on voyait çà et là des brebis pelées, mortes la gueule ouverte . vers le ciel, avec leurs côtes saillantes. Et Panthea devint languissante de cette mala- die. Elle tomba aux pieds d'EmpédocIe et elle ne respirait plus. Ceux qui l'entouraient soulevèrent ses membres raidis et les bai- gnèrent de vin et d'aromates. Ils délièrent le strophe rouge qui serrait ses jeunes seins, et la roulèrent dans des bandelettes. Et sa bouche entr'ouverte était retenue par un lien et ses yeux creux ne miraient plus la lumière.

Empédocle la regarda, détacha le cercle d'or qui lui ceignait le front, et le lui impo- sa. Il plaça sur ses seins la guirlande de laurier prophétique, chanta des vers incon- nus sur la migration des âmes, et lui ordon- na par trois fois de se lever et de marcher. La foule était pleine de terreur. Au troisiè- me appel, Panthea sortit du royaume des

3.

30 VIES DIAOINAIPxES

ombres, et son corps s'nnima et se dressa sur ses pieds, tout emmailloté dans les ban- des funéraires. Et le peuple vit ([u'Empédo- ele était évocateur dos morts.

Pysianacte, père de Panthea, vint adorer le nouveau dieu. Des tables furent étendues so us les arbres de sa campagne, afin de lui offrir des libations. Aux côtés d'Empédocle, des esclaves soutenaient de grandes torches. Les hérauts proclamèrent, ainsi qu'aux mys- tères, le silence solennel. Soudain, à la troi- sième veille, les torches s'éteignirent et la nuit enveloppa les adorateurs. Il y eut une voix forte qui appela: «Empèdocle!» Quand la lumière se fit, Empèdocle avait disparu. Les hommes ne le revirent plus.

Un esclave épouvante raconta qu'il avait vu un trait rouge qui sillonnait les ténèbres vers le sommet de l'Etna. Les fidèles gra- virent les pentes stériles de la montagne à la lueur morne de l'aube. Le cratère du vol-

VIES IMAGINAIPES 31

can vomissait une gtrbe de flammes. On trouva, sur la margelle poreuse de lave qui encercle l'abîme ardent, une sandale d'ai- rain travaillée par le feu.

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Erostrate, Incendiaire

EROSTRATE

La ville d'Ephèse, où naquit Herostratos, s'allongeait à l'embouchure du Caystre, avec ses deux ports fluviaux, jusqu'aux quais du Panorme, d'où on voyait sur la mer profondément teinte la ligne brumeuse de Samos. Elle regorgeait d'or et de tissus, de laines et de roses, depuis que les Magné- siens, leurs chiens de guerre et leurs escla- ves qui lançaient des javelots, avaient été vaincus sur les bords du Méandre, depuis que la magnifique Milet avait été ruinée par les Persans. C'était une cité molle, où on fêtait les courtisanes dans le temple d'A- phrodite Hétaïre. Les Ephésiens portaient des tuniques amorgines, transparentes, des

oÔ VIES IMAGINAIRES

robes de lin iilô au rouet couleur de violette, de pouri)re et de crocos, des sarapides cou- leur de pomme jaune et Llanches et roses, des étoffes d'Egypte couleur d'hyacinthe, avec les flamboiements du feu et les nuan- ces mobiles de la mer, et des calasiris de Perse, à tissu serré, léger, toutes parse- mées sur leur fond écarlate de grains d'or façonnés en coupelles.

Entre la montagne de Prion et une haute falaise escarpée, on apercevait, sur le bord du Caystre, le grand temple d'Artemis. Il avait fallu cent vingt ans pour le bâtir. Des peintures roides ornaient ses chambres inté- rieures, dont le plafond était d'ébène et de cyprès. Les lourdes colonnes, qui le soute- naient, avaient été barbouillées de minium. La salle de la déesse était petite et ovale. Au milieu, se dressait une pierre noire pro- digieuse, conique et luisante, marquée de dorures lunaires, qui n'était autre qu'Arte-

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mis. L'autel triangulaire était aussi taillé dans une pierre noire. D'autres tables, fai- tes de dalles noires, étaient percées de trous réguliers pour laisser couler le sang des victimes. Aux parois pendaient de larges lames d'acier, emmanchées d'or, qui ser- vaient à ouvrir les gorges, et le parquet poli était jonché de bandelettes sanglantes. La grande pierre sombre avait deux mamelles dures et pointues. Telle était l'Artemis d'E- phèse. Sa divinité se perdait dans la nuit des tombes égyptiennes, et il fallait l'adorer selon les rites persans. Elle possédait un trésor enfermé dans une espèce de ruche peinte en vert, dont la porte pyramidale était hérissée de clous d'airain. Là, parmi les anneaux, les grandes monnaies et les rubis, gisait le manuscrit d'Heracl*te, qui avait proclamé le règne du feu. Le philosophe l'y avait déposé lui-même à la base de la pyra- mide, tandis qu'on la construisait.

S VIES IM VGINAIRES

La mère d'Herostratos était violente et orgueilleuse. On ne sut point quel était son père. Ilerostratos déclara plus tard qu'il était llls du feu. Son corps était marqué, sous le sein gauche, d'un croissant, qui parut s'enflammer lorsqu'on le tortura. Celles qui assistèrent sa naissance prédirent qu'il était assujetti à Artemis. Il fut colère et demeura vierge. Son visage était corrodé par des lignes obscures et la teinte de sa peau était noirâtre. Dés son enfance, il aima se tenir sous la haute falaise, près de l'Ar- temision. Il regardait passer les processions d'offrandes. A cause de l'ignorance où on <Hait de sa race, il ne put devenir prêtre de la déesse à laquelle il se croyait voué. Le collège sacerdotal dut lui interdire plusieurs fois l'entrée du naos, où il espérait écarter le tissu précieux et pesant qui voilait Arte- mis. 11 on conçut de la haino et jura de vio- ler le secret.

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Le nom d'Herostratos lui seinLlait à nul autre comparable ainsi que sa propre per- sonne lui apparaissait supérieure à toute l'humanité. Il désirait la gloire. D'abord il s'attacha aux philosophes qui enseignaient la doctrine d'Heracl*te: mais ils n'en con- naissaient point la partie secrète, puisqu'elle était enclose dans la petite cellule pyramidale du trésor d'Artemis. Herostratos conjectura seulement l'opinion du maître. Il s'endurcit au mépris des richesses qui l'entouraient. Son dégoût pour l'amour des courtisanes était extrême. On crut qu'il réservait sa virginité pour la déesse. Mais Artemis n'eut point pitié de lui. Il parut dangereux au col- lège delaGerousia,qui surveillait le temple. Le satrape permit qu'on l'exilât dans les faubourgs. 11 vécut au flanc du Koressos, dans un caveau creusé par les anciens. De là il guettait, la nuit, les lampes sacrées de l'Artemision. Quelques-uns supposent que

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des Persans initiés vinrent s'y entretenir avec lui. Mais il est plus probable que son destin lui fut révélé d'un coup.

En effet il avoua dans la torture qu'il avait compris soudain le sons du mot d'He- racl*te, la route d'en haut, et pourquoi le philosophe avait enseigné que l'àmela meil- leure est la plus sèche et la plus enflammée. Il attesta que son âme, en ce sens, était la< plus parfaite, et qu'il avait voulu le procla- mer. 11 ne donna point d'autre cause à son action que la passion de la gloire et la joie d'entendre proférer son nom. Il dit que seul son règne aurait été absolu, puisqu'on ne lui connaissait point de père et qu'Herostratos aurait été couronné par Herostratos, qu'il était flls de son œuvre, et que son œuvre était l'essence du monde: qu'ainsi il aurait été tout ensemble roi, philosophe et dieu, unique entre les hommes.

L'an 350, dans la nuit du 21 juillet, la lu-

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ne n'étant pas montée au ciel, et le désir d'Herostratos ayant acquis une force inusi- tée, il résolut de violer la chambre secrète d'Artemis. Il se glissa donc par le lacet de la montagne jusqu'à la rive du Caystre et gravit les degrés du temple. Les gardes des prêtres dormaient auprès des lampes saintes. Heros- tratos en saisit une et pénétra dans le naos. Une forte odeur d'huile de nard s'y ex- halait. Les arêtes noires du plafond d'ébène étaient éclatantes. L'ovale de la chambre était partagé au rideau tissu de fils d'or et de pourpre qui cachait la déesse. Heros- tratos, haletant de volupté, l'arracha. Sa lampe éclaira le cône terrible aux mamel- les droites. Herostratos les saisit des deux mains et embrassa avidement la pierre di- vine. Puis il en fit le tour, et aperçut la pyramide verte où était le trésor. Il saisit les clous d'airain de la petite porte, et la descella. Il plongea ses doigts parmi les

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joyaux vierges. Mais il n'y prit que le rou- leau de papyrus où Heracl*te avait inscrit ses vers. A la lueur de la lampe sacrée il les lut et connut tout. Aussitôt il s'écria: «Le feu, le feu!» Il attira le rideau d'Artemis et approcha la mèche allumée du pan inférieur. L'étoffe brûla d'abord lentement; puis,, à cause des vapeurs d'huile parfumée dont elle était imprégnée, la flamme monta, bleuâtre, vers les lambris d'ébène. Le terrible cône refléta l'incendie.

Le feu s'enroula aux chapiteaux des co- lonnes, rampa le long des voûtes. Une à uaô, les plaques d'or vouées à la puissante Arterais tombèrent des suspensions sur les dalles avec un retentissem*nt de métal. Puis la gerbe fulgurante éclata sur le toit et illumina la falaise. Les tulles d'airain s'affais- sèrent, Ilcrostratos se dressait dans la lueur, clamant son nom parmi la nuit.

VIES I.MAGINAIRES 43

Tout l'Artemision fut un monceau rouge au centre des ténèbres. Les gardes saisi- rent le criminel. On le bâillonna pour qu'il cessât de crier son pro^Dre nom. 11 fut jeté dans les sous-sols, lié, durant l'incendie.

Artaxerxés, sur l'heure, envoya l'ordre de le torturer. Il ne voulut avouer que ce qui a été dit. Les douze cités d'Ionie défen- dirent, sons peine de mort, de livrer le nom d'Herostratos aux âges futurs. Mais le mur- mure l'a fait venir jusqu'à nous. La nuit où Herostratos embrasa le temple d'Ephèse, vint au monde Alexandre, roi de Macé- doine.

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Cratès, Cynique

GRATÈS

Il naquit à Thèbes, fut disciple de Diogè- ne, et connut aussi Alexandre. Son père, Ascondas, était riche et lui laissa deux cents talents. Un jour qu'il était allé voir une tra- gédie d'Euripide, il se sentit inspiré à l'ap- parition de Télèphe, roi de Mysie, vêtu avec des haillons de mendiant et tenant une corbeille à la main. Il se leva dans le théâ- tre et annonça d'une voix forte qu'il distri- buerait à qui les voudrait les deux cents talents de son héritage, et que désormais les vêtements de Télèphe lui suffiraient. Les Thé- l)ains se mirent à rire et s'attroupèrent devant sa maison; cependant il riait plus qu'eux. Il leur jeta son argent et ses meu-

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bles par les lenètrcs, prit un manteau do toile et une besace, puis s'en alla.

Arrivé dans Athènes, il erra dans les rues, se reposant le dos contre les murailles, par- mi les excréments. Il mit en pratique tout ce que conseillait Diogène. Son tonneau lui sembla superflu. A l'avis de CIratès, l'hom- me n'était point un escargot ni un bernard l'ermite. Il demeura tout nu dans l'ordure, et ramassa les croûtes de pain, les olives pourries et les arêtes de poisson sec pour remplir sa besace. Il disait que cette besace était une ville large et opulente où on ne trouvait ni parasites ni courtisanes, et qui produisait suffisamment pour son roi du thym, de l'ail, des figues et du pain. Ainsi Cratès portait sa i^atrie sur son dos et s'en nourrissait.

II ne se mîlait pas des affaires publiques, même pour les railler, et n'affectait pas d'insulter les rois. Il n'approuva point ce trait

VIES IMAGINAIRES id

de Diogèiie qui, ayant crié im jour: «Hom- mes, approchez!» frappa de son bâton ceux qui étaient venus et leur dit: «J'ai^ appelé des hommes, et non pas des excréments.» Gratès fut tendre pour les hommes. Il ne se souciait de rien. Les plaies lui étaient familières. Son grand regret était de n'avoir point le corps assez souple pour parvenir à les lécher, comme font les chiens. Il déplo- rait aussi la nécessité de se servir d'aliments solides et de boire de l'eau. II pensait que l'homme devait se suffire à lui-même, sans aucune aide extérieure. Au moins, il n'allait pas chercher d'eau pour se laver. Il se con- tentait de se frotter le corps aux murailles si la crasse l'incommodait, ayant remarqué que les ânes n'agissent point autrement. Il parlait rarement des dieux, et ne s'en inquié- tait pas: peu lui importait qu'il y en eût ou non, et il savait bien qu'ils ne pourraient rien lui faire. D'ailleurs, il leur reprochait

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50 VIES IMAGINAIRES

(l'avoir rendu les hommes malheureux à dessein, en leur tournant le visage vers le ciel et en les privant de la faculté qu'ont la plupart des animaux, qui marchent à qua- tre pattes. Puisque les dieux ont décidé qu'il faut manger pour vivre, pensait Gra- tès, ils devaient tourner le visage des hom- mes vers la terre, où croissent les racines: on ne saurait se repaître d'air ou d'étoiles.

La vie ne lui fut point généreuse. Il eut la chassie, à force d'exposer ses yeux à ràcre poussière de l'Attiquc. Une maladie de peau inconnue le couvrit de tumeurs. Il se gratta de ses ongles qu'il ne rognait jamais et observa qu'il en tirait double profit, puis- qu'il les usait en même temps qu'il éprou- vait du soulagement. Ses longs cheveux de- vinrent semblables à du feutre épais, et il les disposa sur sa tête pour se protéger de la pluie et du soleil.

Quand Alexandre vint le voir, il ne lui

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adressa point de paroles piquantes, mais le considéra parmi les autres spectateurs sans faire aucune différence entre le roi et la. foule. Gratès n'avait point d'opinion sur les grands. Ils lui importaient aussi peu que les dieux. Les hommes seuls l'occupaient, et la manière de passer l'existence avec le plus de simplicité qu'il est possible. Les objurgations de Diogène le faisaient rire, non moins que ses prétentions à réformer les moeurs. Gratès s'estimait infiniment au-des- sus de soucis aussi vulgaires. Il transfor- mait la maxime inscrite au fronton du tem- ple de Delphes, et disait: «Vis toi-même» . L'idée d'une connaissance quelconque lui pa- raissait absurde. Il n'étudiait que les rela- tions de son corps avec ce qui lui est néces- saire, tâchant à les réduire autant, qu'il se peut. Diogène mordait comme les chiens,, mais Gratès vivait comme les chiens. U eut un disciple dont le nom était Métro-

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elo. C'était un jeune homme riche de Maro- nèe. Sa sœur Hipparehia, belle et noble, devint amoureuse de Cratès. Il est constant qu'elle en fut éprise et qu'elle vint le trou- ver. La chose paraît impossible, mais elle est certaine. Rien ne la rebuta, ni la saleté du cynique, ni sa pauvreté absolue, ni l'hor- reur de sa vie publique. Il la prévint qu'il vivait à la manière des chiens, parmi les rues et qu'il quêtait les os dans les tas d'or- dures. Il l'avertit que rien ne serait caché de leur vie commune et qu'il la posséderait pu- bliquement, dés que l'envie lui en prendrait, comme les chiens font avec les chiennes. Hipparehia s'attendait à tout cela. Ses pa- rents essayèrent de la retenir: elle les me- naça de se tuer. Ils eurent pitié d'elle. Alors elle quitta le bourg de Maronée, toute nue, les cheveux pendants, couverte seulement d'une vieille toile, et elle vécut avec Cratès, habillée semblablement à lui. On dit qu'il eut

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d'elle un enfant, Pasicle; mais rien n'est assuré à cet égard.

Cette Hipparchia fut, paraît-il, bonne aux pauvres, et compatissante; elle caressait les malades avec ses mains; elle léchait sans aucune répugnance les blessures sanglantes de ceux qui souffraient, persuadée qu'ils étaient à elle ce que les brebis sont aux brebis, ce que les chiens sont aux chiens. S'il faisait froid, Cratès et Hipparchia couchaient serrés contre les pauvres, et tâchaient de leur donner part à la chaleur de leur corps. Ils leur prêtaient l'aide muette que les animaux se prêtent les uns aux autres. Ils n'avaient au- cune préférence pour aucun de ceux qui s'opprochaient d'eux. Il leur suffisait que ce fussent des hommes.

Voilà tout ce qui est parvenu à nous au sujet de la femme de Cratès; nousne savons quand elle mourut, ni comment. Son frère Mètrocle admirait Craies et l'imita. Mais il

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n'avait point de tranquillité. Sa santé était troublée par des flatuosités continuelles, qu'il ne pouvait retenir. Il se désespéra et résolut de mourir. Cratès apprit son malheur, et voulut le consoler. Il mangea un chénix de lupinset alla voir Métroclc. Il lui demanda si c'était la honte de son infirmité qui l'affligeait à ce point. Métrocle avoua qu'il ne pouvait supporter cette disgrâce. Alors Cratès, tout gonflé de lupins, lâcha des vents en présence de son disciple, et lui affirma que la nature soumettait tous les hommes au même mal. Il lui reprocha ensuite d'avoir eu honte des autres et lui proposa son propre exemple. Puis il lâcha encore quelques vents, prit Métrocle par la main, et l'emmena.

Tous deux restèrent longtemps ensemble parmi les rues d'Athènes, sans doute avec H.pparchia. Ils se parlaient fort peu. Ils n'avaient honte d'aucune chose. Bien que fouillant aux mêmes tas d'ordures, les chiens

VIES IMAGINAIRES 55

paraissaient les respecter. On j^eut penser que, s'ils eussent été pressés par la faim, ils se seraient battus les uns les autres à coups de dents. Mais les biographes n'ont rien rapporté de ce genre. Nous savons que Cratès mourut vieux; qu'il avait fini par demeurer toujours à la même place , étendu sous l'appentis d'un magasin du Pirée, où les marins abritaient les ballots du port; qu'il cessa d'errer pour trouver des viandes a ronger, ne voulut plus même étendre le bras, et qu'on le trouva, un jour, desséché par la faim.

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Septima, Incantatrice

SEPTIMA

Septima fut esclave sous le soleil africain, dans la ville d'Hadrumète. Et sa mèreAmoe- na fut esclave, et la mère de celle-ci fut es- clave, et toutes furent belles et obscures, et les dieux infernaux leur révélèrent des philtres d'amour et de mort. La ville d'Hadrumète était blanche et les pierres de la maison où vivait Septima étaient d'un rose tremblant. Et le sable de la grève était parsemé des co- quilles que roule la mer tiède depuis la ter- re d'Egypte, à l'endroit où les sept bouches du Nil épandent sept vases de diverses cou- leurs. Dans la maison maritime où vivait Sep- tima, on entendait mourir la frange d'argent de la Méditerranée, et, à son pied, unéven-

(30 VIES IMAGINAIRES

tail de lignes bleues éclatantes s'ôployait jusqu'au ras du ciel. Les paumes des mains de Septima étaient rougies d'or, et Fex- trémitè de ses doigts était fardée; ses lè- vres sentaient la myrrhe et ses paupières ointes tressaillaient doucement. Ainsi elle marchait sur la route des faubourgs, por- tant à la maison des serviteurs une corbeille de pains flexibles.

Saptima devint amoureuse d'un jeune hom- me libre, Sextilius, fils de Dionysia. Mais il n'est point permis d'être aimées à celles qui connaissent les mystères souterrains: car elles sont soumises à l'adversaire de l'amour, qui se nomme Anterôs. Et ainsi qu'Erôs dirige les scintillements des yeux et aiguise les pointes des flèches, Anterôs détourne les re- gards et ômousse l'aigreur des traits. C'est un dieu bienfaisant qui siège au milieu des morts. Il n'est point cruel, comme l'autre. Il possède le népenthèsqui donne l'oubli. Et

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sachant que l'amour est la pire des clou- leurs terrestres, il hait et guérit l'amour. Ce- pendant il est impuissant à chasser Erôs d'un cœur occupé. Alors il saisit l'autre cœur. Ainsi Anterôs lutte contre Erôs. Voi- là pourquoi Sextilius ne put aimer Septima. Sitôt qii'Erôs eut porté sa torche dans le sein de l'initiée, Anterôs, irrité, s'empara de celui qu'elle voulait aimer.

Septima connut la puissance d'Anterôs aux yeux baissés de Sextilius. Et quand le tremblement pourpré saisit l'air du soir, elle sortit sur la route qui va d'Hadrumète jus- qu'à la mer. C'est une route paisible où les amoureux boivent du vin de dattes, appuyés contre les murailles polies des tombeaux. La brise orientale souffle son parfum sur la nécropole. La jeune lune, encore voilée, vient y errer, incertaine. Beaucoup de morts embaumés trônent autour d'Hadrumète dans leurs sépultures. Et là dormait Phoinissa,

Gi VIES IMAGINAIRES

sœur de Septima, esclave comme elle, et qui mourut à seize ans, avant qu'aucun liomme eût respiré son odeur. La tombe de Phoinissa était étroite comme son corps. La pierre étreignait ses seins tendus de bande- lettes. Tout près de son front bas une lon- gue dalle arrêtait son regard vide. De ses lèvres noircies s'envolait encore la vapeur des aromates où on l'avait tremi^ée. Sur sa main sage brillait un anneau d'or vert in- crusté de deux rubis pâles et troubles. Elle songeait éternellement dans son rêve sté- rile aux choses qu'elle n'avait point connues.

Sous la blancheur vierge de la lune nou- velle, Septima s'étendit près de la tombe étroite de sa sœur, contre la bonne terre. Elle pleura et elle froissa son visage à la guirlande sculptée. Et elle approcha sa bou- che du conduit par où on verse les libations, et sa passion s'exhala:

— ma sœur, dit-elle, détourne-toi de

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ton sommeil pourm'écouter. La petite lampe qui éclaire les premières heures des morts s'est éteinte. Tu as laissé glisser de tes doigts l'ampoule colorée de verre que nous t'avions donnée. Le fil de ton collier s'est rompu et les grains d'or sont épars autour de ton cou. Rien de nous n'est plus à toi, et mainte- nant celui qui a un épervier sur la tête te possède. Ecoute-moi, car tu as la puissance de porter mes paroles. Va vers la cellule que tu sais et supplie Anterôs. Supplie la déesse ïïâthor. Supplie celui dont le cadavre dépecé fut porté par la mer dans un coffre jusqu'à Byblos. Ma sœur, aie pitié d'une dou- leur inconnue. Par les sept étoiles des ma- giciens de Chaldée, je t'en conjure. Par les puissances infernales qu'on invoque dans Cartilage, laô, Abriaô, Salbâal, Bathbâal, reçois mon incantation. Fais que Sextilius, fils de Dionysia, se consume d'amour pour moi, SeptJma, fille de notre mère Amoena.

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Ou'il brûle dans la nuit; qu'il me cherche près de ta tombe, 6 Phoinissa! Ou emmène- nous tous deux dans la demeure ténébreuse, puissante. Prie Anterôs de refroidir nos haleines s'il refuse à Êrôs de les allumer. Morte parfumée, accueille la libation de ma voix. Achrammachnlala!

Aussitôt, la vierge emmaillotée se souleva et pénétra sous la terre, les dents décou- vertes.

Et Septima, honteuse, courut parmi les sarcophages. Jusqu'à la seconde veille elle demeura dans la compagnie des morts. Elle épia la lune fugitive. Elle offrit sa gorge à la morsure salée du vent marin. Elle fut caressée par les premières dorures du jour. Puis elle rentra dans ïladrumète, et sa longue chemis3 bleue tlottait derrière elle.

Cependant Phoinissa, roide, errait par les circuits infernaux. Et celui- qui a un éper-

VIES niAOINAIRES 65

vier sur la tête ne reçut point sa plainte. Ft la déesse Hàthor resta allongée dans sa gaine peinte. Et Phoinissa ne put trouver Anterôs, puisqu'elle ne connaissait pas le désir. Mais dans son cœur flétri elle éprouva la pitié que les morts ont pour les vivants. Alors la seconde nuit, à l'heure où les cada- vres se délivrent pour accomplir les incan- tations, elle fit mouvoir ses pieds liés dans les rues d'Hadrumète.

Sextilius tressaillait régulièrement par les soupirs du sommeil, le visage tourné vers le plafond de sa chambre, sillonné de losan- ges. Et Phoinissa, morte, enroulée de ban- delettes odorantes, s'assit auprès de lui. Et elle n'avait point de cervelle nide viscères; mais on avait replacé son cœur desséché dans sa poitrine. Et dans ce moment Erôs lutta contre Anterôs, et il s'empara du cœur embaumé de Phoinissa. Aussitôt elle désira le corps de Sextilius, afin qu'il fût couché

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entre elle et sa sœur Septima dans la mai- son des ténèbres.

Phoinissa mit ses lèvres teintes sur la bouche vive de Sextilius, et la vie s'échappa de lui comme une bulle. Puis elle parvint à la cellule d'esclave de Seplima, et la prit par la main. Et Septima, endormie, céda sous la main de sa sœur. Et le baiser de Phoinissa et l'étreinte de Phoinisso firent mourir, presque à la même heure de la nuit, Septima et Sextilius. Telle fat l'issue funè- bre de la lutte d'Erôs contre Antcrôs; et les puissances infernales reçurent à la fois une esclave et un homme libre.

Sextihus est couché dans la nécropole d'Hadrumète, entre l' incantatrice Seplima et sa sœur vierge Phoinissa. Le texte de l'in- cantation est inscrit sur la plaque de plomb, roulée et percée d'un clou, que l'enchan- teuse a glissée dans le conduit des libations de la tombe de sa sœur.

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Lucrèce, Poète

LUCRECE

Lucrèce apjDarut clans une grande famille qui s'était retirée loin de la vie civile. Ses premiers jours reçurent l'ombre du porche noir d'une haute maison dressée dans la montagne. L'atrium était sévère et les escla- ves muets. Il fut entouré, dès l'enfance, par le mépris de la politique et des hommes. Le noble Memmius, qui avait son âge, subit, dans la forôt, les jeux que Lucrèce lui imposa. Ensemble, ils s'étonnèrent devant les rides des vieux arbres et épièrent le tremblement des feuilles sous le soleil, comme un voile viridc de lumière jonché de taches d'or. Ils considérèrent souvent les dos rayés des pour-

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ceaux sauvages qui humaient le sol. Ils tra- versèrent des fusées frémissantes d'abeilles et des bandes mobiles de fourmis en marche. Et un jour ils parvinrent, en débouchant d'un taillis, à une clairière tout entourée d'an- ciens chênes-lièges, si étroitement assis, que leur cercle creusait dans le ciel un puits de bleu. Le repos de cet asile était infini. Il semblait qu'on fût dans une large route claire qui allait vers le haut de l'air divin. Lucrèce y fut touché par la bénédiction des espaces calmes.

Avec Memmius il ({uitta le temple serein de la forêt pour étudier l'éloquence à Rome. L'ancien gentilhomme qui gouvernait la haute maison lui donna un professeur grec et' lui enjoignit de ne revenir que lorsqu'il posséderait l'art de mépriser les actions hu- maines. Lucrèce ne le revit plus. Il mourut solitaire, exécrant le tumulte de la société. Quand Lucrèce revint, il ramenait dans la

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haute maison vide, vers l'atrium sévère et parmi les esclaves muets, une femme afri- caine, belle, barbare et méchante. Memmius était retourné clans la maison de ses pères. Lucrèce avait vu les factions sanglantes, les guerres de partis et la corruption politique. 11 était amoureux.

Et d'abord sa vie fut enchantée. Contre les tentures des murailles, la femme afri- caine appuyait les masses contournées de sa chevelure. Tout son corps épousait longue- ment les lits de repos. Elle entourait les cra- tères pleins de vin écumeux de ses bras chargés d'émeraudes translucides. Elle avait une façon étrange de lever un doigt et de secouer le front. Ses sourires avaient une source profonde et ténébreuse comme les fleuves d'Afrique. Au lieu de filer la laine^ elle la déchiquetait patiemment en petit* flo- cons qui volaient autour d'elle.

Lucrèce souhaitait ardemment se fondre

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à ce b\iu corps. Il ètroigiiait ses seins mè - talliqnes et attachait sa bouche sur ses lèvres d'un violet sombre. Les paroles d'amour pas- sèrent de l'un à Tautro, furent soupirées, les firent rire et s'usèrent. Ils touchèrent le voile flexible et opaque qui sépare les amants. Leur volupté eut plus de fureur et désira chan- ger de personne. Elle arriva jusqu'à l'extré- mité aiguë où elle s'èpand autour de la chair, sans pénétrer jusqu'aux entrailles. L'Afri- caine se recroquevilla dans son cœur étran- ger. Lucrèce se désespéra de ne pouvoir accomplir l'amour. La femme devint hau- taine, morne et silencieuse, pareille à l'atrium et aux esclaves. Lucrèce erra dans la salle des livres.

Ce fut là qu'il déplia le rouleau où un scribe avait copié le traité d'Epicure.

Aussitôt il comprit la variété des choses de ce monde, et l'inutilité de s'efforcer vers les idées. L'univers lui parut semblable aux

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petit* flocons de laine que les doigts de l'Africaine éparpillaient dans les salles. Les grappes d'abeilles et les colonnes de four- mis et le tissu mouvant des feuilles lui fu- rent des groupements de groupements d'ato- mes. Et dans tout son corps il sentit un peu- ple invisible et discord, avide de se séparer . Et les regards lui semblèrent des rayons plus subtilement charnus, et l'image de la belle barbare, une mosaïque agréable et colorée, et il éprouva que la lîn du mouvement de cette infinité était triste et vaine. Ainsi que les factions ensanglantées de Rome, avec leurs troupes de clients armés et insulteurs il contempla le tourbillonnement de trou- peaux d'atome^ teints du même sang et qui se disputent uns obscure suprématie. Et il vit que la dissolution de la mort n'était que Paffranchissem 'ntde cette tourbe turbulente qui se rue vers mille autres mouvements inu- tiles.

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Or, quand Lucrèce eut été instruit ainsi par le rouleau de papyrus, où les mots grecs comme les atomes du monde étaient tissés les uns dans les autres, il sortit dans la forêt par le porche noir de la haute maison desan- cêtres. Et il aperçut le dos des pourceaux rayés qui avaient toujours le nez dirigé vers la terre. Puis, traversant le taillis, il se trouva soudain au milieu du temple serein de la forêt, et ses yeux plongèrent dans le puits bleu du ciel. Ce fut là qu'il plaça son repos.

De là il contempla l'immensité fourmil- lante de l'univers; toutes les pierres, toutes les plantes, tous les arbres, tous les ani- maux, tous les hommes, avec leurs couleurs, avec leurs passions, avec leurs instruments, et l'histoire de ces choses diverses, et leur naissance, et leurs maladies, et leur mort. Et parmi la mort totale et nécessaire, il perçut clairement la mort unique de l'Afri- caine, et pleura.

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Il savait que les pleurs vienaent d'un mou- vement particulier des petites glandes qui sont sous les paupières, et qui sont agitées par une procession d'atomes sortie du cœur, lorsque le cœur lui-même a été frappé par la succession d'images colorées qui se déta- chent de la surface du corps d'une femme aimée. Il savait que l'amour n'est causé que par le gonflement des atomes qui désirent se joindre à d'autres atomes. Il savait que la tristesse causée par la mort n'est que la pire des illusions terrestres, puisque la morte avait cessé d'être malheureuse et de souffrir, tandis que celui qui la pleurait s'affligeait de ses propres maux et songeait ténébreu- sem*nt à sa propre mort. Il savait qu'il ne reste de nous aucun double simulacre pour verser des larmes sur son propre cadavre étendu à ses pieds. Mais, connaissant exac- tement la tristesse et Pamour et la mort, et que ce sont de vaines images lorsqu'on les

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contemple de l'espace calme où il faut s'en- fermer, il continua de pleurer, et de désirer l'amour, et de craindre la mort. , Voilà pourquoi, étant rentré dans la haute et sombre maison des ancêtres, il s'approcha de la belle Africaine, qui faisait cuire un breuvage sur un brasier dans un pot de mé- tal. Car elle avait songé à part, elle aussi, et ses pensées étaient remontées à la source mystérieuse de son sourire. Lucrèce consi- déra le breuvage encore bouillonnant. Il s'é- claircit peu à peu et devint pareil à un ciel trouble et vert. Et la belle Africaine secoua le front et leva un doigt. Alors Lucrèce but le philtre. Et tout aussitôt sa raison disparut, et il oublia tous les mots grecs du rouleau de papyrus. Et pour la première fois, étant fou, il connut l'amour; et dans la nuit, ayant été empoisonné, il connut la mort.

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Clodia, Matronne impudique

GLODIA

Elle était fille d'Appius Glaudius Pulcher, consul. A peine eut-elle quelques années, elle se distingua de ses frères et de ses sœurs par Féclat flagrant de ses yeux. Tertia, son aînée, se maria de bonne heure; la plus jeune céda entièrement à tous ses caprices. Ses frères, Appius et Gaïus, étaient déjà avares des grenouilles en cuir et des chariots de noix qu'on leur faisait; plus tard, ils furent avides de sester- ces. Mais Clodius, beau et féminin, fut com- pagnon de ses sœurs. Glodia leur persuadait avec des regards ardents, de l'habiller avec

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une tunique à manches, de le coiffer d'un petit bonnet en fils d'or, et deleliersous les seins avec une ceinture souple; puis elles le couvraient d'un voile couleur de feu et le menaient dans les petites chambres où il se mettait au lit avec elles trois. Glodia fut sa préférée, mais il prit aussi la virginité de Tertia et de la cadette.

Quand Clodia eut dix-huit ans, son père mourut. Elle demeura dans la maison du mont Palatin. Appius, son frère, gouvernait le domaine, et Caïus se préparait à la vie publique. Clodius, toujours délicat et imberbe, couchait entre ses sœurs, qu'on nommait Glodia toutes deux. Elles commencèrent à aller secrètement aux bains avec lui. Elles donnaient un quart d'as aux grands esclaves qui les massaient, puis se le faisaient rendre. Clodius était traité comme ses sœurs, en leur présence. Tels furent leurs plaisirs avant le mariage.

VIES IMAGINAIRES SI

La plus jeune épousa LucuUus, qui l'em- mena en Asie, où il faisait la guerre à Mithridate. Clodia prit pour mari son cou- sin Me tellus, honnête homme épais. Dans ces temps d'émeute, il eut un esprit conserva- teur et borné. Clodia ne pouvait supporter sa brutalité rustique. Elle rêvait déjà pour son cher Clodius des choses nouvelles. César commençait à s'emparer des esprits; Clodia jugea qu'il fallait le défaire. Elle se fit ame- ner Cicéron par Pomponius Atticus. Sa so- ciété était ricaneuse et galante. Auprès d'elle on trouvait Licinius Calvus,le jeune Curion, surnommé la «fillette», Sextius Clodius qui faisait ses courses, Egnatius et sa bande, Gatullus de Vérone et CaeHus Rufus, qui était amoureux d'elle. Metellus, pesamment assi«, ne disait mot. On racontait les scan- dales sur César et Mamurra. Puis Metellus, nommé proconsul, partit pour la Gaule cisal- pine. Clodia resta seule à Rome avec sa

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belle-sœur Miicia. Cicéron fut entièrement charmé par ses grands yeux flambants. Il songea qu'il pouvait rôpuclier Terentia, sa femme, et supposa que Clodia quitterait Metellus. Mais Terentia découvrit tout et terrifia son mari. Cicéron, peureux, renonça à ses désirs. Terentia voulut davantage, et Cicéron dut rompre avec Clodius.

Le frère de Clodia s'occupait cependant. Il faisait l'amour à Pompéia, femme de César. La nuit de la fête de la Bonne Dées- se, il ne devait y avoir que des femmes dans la maison de César, qui était préteur. Pom- péia offrait seule le sacrifice. Clodius s'ha- billa, ainsi que sa sœur avait eu coutume de le déguiser, en joueuse de cithare, et en- tra chez Pompéia. Une esclave le reconnut. La mère de Pompéia donna l'alarme et le scandale fut public. Clodius voulut se dé- fendre et jura qu'il était, pendant ce temps, dans la maison de Cicéron, Terentia obligea

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son mari à nier: Gicéron porta témoignage contre Clodius.

Dès lors Clodius fut perdu dans le parti noble. Sa sœur venait de passer la trentai- ne. Elle était plus ardente que jamais. Elle eut l'idée de faire adopter Clodius par un plébéien, afin qu'il pût devenir tribun du peuple. Metellus, qui était revenu, devina ses projets et se moqua d'elle. Dans ce temps, où elle n'avait plus Clodius entre ses bras, elle se laissa aimer par Catullus. Le mari Metellus leur semblait odieux. Sa fem- me résolut de s'en débarrasser. Un jour qu'il revenait du Sénat, la?sé, elle lui présenta à boire. Metellus tomba mort dans l'atrium. Désormais Clodia était libre. Elle quitta la maison de son mari et rentra vite se cloîtrer avec Clodius sur le mont Palatin. Sa sœur s'enfuit de chez LucuUus et revint avec eux. Ils reprirent leur vie à trois et exercèrent leur haine.

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D'abord Clodius, devenu plébéien, fut désigné comme tribun du peuple. Malgré sa grâce féminine, il avait la voix forte et mordante. Il obtint que Gicéron lut exilé; fit raser sa maison devant ses propres yeux, et jura la ruine et la mort à tous ses amis. César était proconsul en Gaule et ne pouvait rien. Pourtant Gicéron gagna des influen- ces par Pompée, et se fit rappeler l'année suivante. La fureur du jeune tribun fut extrême. Il s'attaqua violemment à Milon, ami de Gicéron, qui commençait à briguer le consulat. Apostè de nuit, il tenta de le tuer, renversant ses esclaves qui portaient des torches. La faveur populaire de Glodius diminuait. On chantait des refrains obscè- nes sur Glodius et Glodia. Gicéron les dé- nonça dans un discours violent: Glodia y était traitée de Médée et de Glyteinnestre. La rage du frère et de la sœur finit par éclater. Glodius voulut incendier la maison

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de Milon, et des esclaves gardiens l'assom- mèrent dans les ténèbres.

Alors Clodia fut désespérée. Elle avait pris et rejeté Catullus, puis Caelius Rufus, puis Egnatius, dont les amis l'avaient menée dans les basses tavernes: mais elle n'aimait que son frère Clodius. C'est pour lui qu'elle avait empoisonné son mari. C'est pour lui qu'elle avait attiré et séduit des bandes d'in- cendiaires. Quand il fut mort, l'objet de sa vie lui manqua. Elle était encore belle et chaude. Elle avait une maison de campagne sur la route d'Ostie, des jardins près du Ti- bre et à Baïes. Elle s'y réfugia. Elle essaya de s'y distraire en y dansant lascivement avec des femmes. Ce ne fut pas suffisant. Son esprit était occupé par les stupres de Clodius^ qu'elle voyait toujours imberbe et féminin. Elle se souvenait qu'il avait été pris jadis par des pirates de Gilicie, qui avaient usé de son tendre corps. Une cer-

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taine taverne lui revenait aussi à la mémoi- re, où elle était allée avec lui. Le fronton de la porte en était tout barbouillé de char- bons, et les hommes qui y buvaient répan- daient une odeur forte, et avaient la poitri- ne velue.

Rome l'attira donc de nouveau. Elle erra aux premières veilles dans les carrefours et les passages étroits. L'insolence éclatante de ses yeux était toujours semblable. Rien ne pouvait l'éteindre, et elle essaya tout, mê- me de recevoir la pluie, et de coucher dans la boue. Elle alla des bains aux cellules de pierre; les caves où les esclaves jouaient aux dés, les salles basses où s'enivraient les cuisiniers et les voituriers lui furent con- nues. Elle attendit des passants parmi les rues dallées. Elle périt vers le matin d'une nuit étouffante par un étrange retour d'une habitude qui avait été la sienne. Un ouvrier foulon l'avait payée d'un quart d'as; il la

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guetta au crépuscule de l'aube dans l'allée, pour le lui reprendre, et l'étrangla. Puis il jeta son cadavre, les yeux grands ouverts, dans l'eau jaune du Tibre.

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Pétrone, Romancier

PETRONE

Il naquit en des jours où des baladins vêtus de robes vertes faisaient passer de jeunes porcs dressés à travers des cercles de feu, où des portiers barbus, à tunique ceri- se, écossaient des pois dans un plat d'ar- gent, devant les mosaïques galantes à l'en- trée des villas, où les affranchis, pleins de sesterces, briguaient dans les villes de pro- vince les fonctions municipales, où des réci- tateurs chantaient au dessert des poèmes épiques, où le langage était tout farci de mots d'ergastule et de redondances enflées venues d'Asie.

Son enfance passa entre de telles èiégan-

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ces. Il ne remettait point deux fois une lai- ne de ïyr. On faisait balayer l'argenterie tombée dans l'atrium avec les ordures. Les repas étaient composés de choses délicates et inattendues, et les cuisiniers variaient sans cesse l'architecture des victuailles. Il ne fallait point s'étonner, en ouvrant un œuf, d'y trouver un bec-flgue, ni craindre de trancher une statuette imitée de Praxitè- le et sculptée dans du foie gras. Le gypse (jui scellait les amphores était diligemment doré. Des petites boîtes d'ivoire indien ren- fermaient des parfums ardents destinés aux convives. Les aiguières étaient percées de diverses façons et remplies d'eaux colorées qui surprenaient en jaillissant. Toutes les verreries figuraient des monstruosités iri- si'es. En saisissant certaines urnes, les anses se rompaient sous les doigts et les flancs s'épanouissaient pour laisser tomber des fleurs artificiellement peintes. Des oiseaux

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d'Afrique aux joues écarlates caquetaient dans des cages d'or. Derrière des grillages incrustés, aux riches parois de? murailles, hurlaient beaucoup de singes d'Egypte qui avaient des faces de chien. Dans des récep- tacles précieux rampaient des bêtes minces qui avaient de souples écailles rutilantes et des yeux rayonnes d'azur.

Ainsi Pétrone vécut mollement, pensant que l'air même qu'il aspirait fût parfumé pour son usage. Quand il fut parvenu à l'a- dolescence, après avoir enfermé sa première barbe dans un coffret orné, il commença de regarder autour de lui. Un esclave du nom de Syrus, qui avait servi dans l'arène, lui montra les choses inconnues. Pétrone était petit, noir, et louchait d'un œil. Il n'était point de race noble. Il avait des mains d'ar- tisan et un esprit cultivé. De là vint qu'il prit plaisir à façonner les paroles et à les ins- crire. Elles ne ressemblèrent à rien de ce

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que les poètes anciens avaient imaginé. Car elles s'efforçaient d'imiter tout ce qui entou- rait Pétrone. Et ce ne fut que plus tard qu'il eut la fâcheuse ambition de composer des vers.

Il connut donc des gladiateurs barbares et des hâbleurs de carrefour, des hommes aux regards obliques qui semblent épier les légumes et décrochent les pièces de viande, des enfants frisés que promenaient des séna- teurs, de vieux babillards qui discouraient des affaires de la cité aux coins des rues, des valets lascifs et des filles parvenues, des marchandes de fruits et des patrons d'au- berges, des poètes minables et des servantes friponnes, des prêtresses interlopes et des soldats errants. Il tenait sur eux son œil louche et saisissait exactement leurs maniè- res et leurs intrigues. Syrus le conduisit dans les bains d'esclaves, les cellules de prostituées et les réduits souterrains où les

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figurants de cirque s'exerçaient avec leurs èpées de bois. Aux ^Dortes de la ville, entre les tombes, il lui raconta les histoires des hommes qui changent de peau, que les noirs, les Syriens, les taverniers et les soldats gar- diens des croix de supplice se repassaient de bouche en bouche.

Vers la trentième année, Pétrone, avide de cette liberté diverse, commença d'écrire l'histoire d'esclaves errants et débauchés. 11 reconnut leurs mœurs parmi les trans- formations du luxe; il reconnut leurs idées et leur langage parmi les conversations po- lies des (estins. Seul, devant son parche- min, appuyé sur une table odorante en bois de cèdre, il dessina à la pointe de son calame les aventures d'une populace ignorée. A la lumière de ses hautes fenêtres, sous les pein- tures des lambris, il s'imagina les torches fumeuses des hôtelleries, et de ridicules combats nocturnes, des moulinets de candé-

9() VIES IMAGINAIRES

labres de Lois, des serrures forcées à coups de hache par des esclaves de justice, des sangles grasses parcourues de punaises, et des objurgations de procurateurs d'ilot au milieu d'attroupements de pauvres gens vê- tus de rideaux déchirés et de torchons sales.

On dit que lors(iu'il eut achevé les seize li- vres de son invention, il fitvenir Syruspour les lui lire, et que l'esclave riait et criait à,, haute voix en frappant dans ses mains. Dans ce moment, ils formèrent le projet de met- tre à exécution les aventures composées i)ar Pétrone. Tacite rapporte faussem*nt qu'il fut arbitre des élégances à la cour de Néron, et que Tigellin, jaloux, lui lit envoyer l'or- dre de mort. Pétrone ne s'évanouit pas dé- licatement dans une baignoire de marbre, en murmurant de petit* vers lascifs. Il s'enfuit avec Syrus et termina sa vie en parcourant les routes.

L'apparence qu'il avait lui rendit son dé-

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guisem*nt facile. Syrus et Pétrone portèrent tour à tour le petit sac de cuir qui contenait leurs hardes et leurs deniers. Ils couchèrent en plein air, près des tertres de croix. Ils virent luire tristement dans la nuit les peti- tes lampes des monuments funèbres. Ils man- gèrent du pain aigre et des olives amollies. On ne sait pas s'ils volèrent. Ils furent magiciens ambulants, charlatans de campagne, et com- pagnons de soldats vagabonds. Pétrone désap- prit entièrement l'art d'écrire, sitôt qu'il vé- cut de la vie qu'il avait imaginée. Ils eurent de jeunes amis traîtres, qu'ils aimèrent, et qui les quittèrent aux portes des municipes en leur prenant jusqu'à leur dernier as. Ils firent toutes les débauches avec des gladia- teurs évadés. Ils furent barbiers et garçons d'ètuves. Pendant plusieurs mois, ils vécurent de pains funéraires qu'ils dérobaient dans les séj^ulcres. Pétrone terrifiait les voyageurs par son œil terne et sa noirceur qui paraissait

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malicieuse. Il disparut un soir. Syrus pensa le retrouver dans une cellule crasseuse où ils avaient connu une fille à chevelure enimô» lée. Mais un grassateur ivre lai avait enfon- cé une large lame dans le cou, tandis qu'ils gisaient ensemble, en rase campagne, sur les dalles d'un caveau abandonné.

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Sufrah, Géomancien

SUFRAH

L'histoire d'Aladdin conte par erreur que le magicien africain fut empoisonné dans son palais et qu'on jeta son corps noirci et craquelé par la force de la drogue aux €hiens et aux chats; il est vrai que son frère fut déçu par cette apparence et se fit poignarder, ayant revêtu la robe de la sainte Fatima; mais il est certain néanmoins que le Moghrabi Sufrah (car c'était le nom du magicien) s'endormit seulement par la toute- puissance du narcotique, et s'échappa de l'une des vingt-quatre fenêtres du grand salon, pendant qu'Aladdin embrassait ten- drement la princesse.

102 VIES BIAGINAIRES

A peine eut-il touché la terre, étant assez commodément descendu le long d'un des tuyaux d'or par où s'écoulait l'eau de la grande terrasse, que le palais disparut, et Sufrah fut seul au milieu du sable du désert. Il ne lui restait même pas une des bouteilles du vin d'Afrique qu'il était allô chercher à la cave sur la demande delà trompeuse prin- cesse. Désespéré, il s'assit sous le soleil ar- dent, et sachant bien que l'étendue de sable torride qui l'entourait était infinie, il s'en- roula la tête dans son manteau et attendit la mort. Il ne possédait plus aucun talisman; il n'avait point de parfums pour faire des suffumigations; pas môme une baguette dan- sante qui pût lui indiquer une source pro- fondément cachée, afin d'apaiser sa soif. La nuit arriva, bleue et chaude, mais qui calma un peu l'inflammation de ses yeux. Il eut l'idée alors de tracer sur le sable une figure de géomancie, et de demander s'il

VIES IMAGINAIRES 103

était destiné à périr dans le désert. Avec ses doigts il marqua les quatre grandes lignes, composées de points, qui sont placées sous l'invocation du Feu, de l'Eau, de la Terre et de TAir, sur la gauche, et sur la droite, du Midi, de l'Orient, de l'Occident et du Septentrion. Et à l'extrémité de ces lignes, il collectionna les points pairs et impairs, afin d'en composer la première figure. A sa joie il vit que c'était la figure de la Fortune Majeure, d'où il suivait qu'il s'échapperait du péril, la première figure devant être placée dans la première maison d'astrologie, qui est la maison de celui qui demande. Et, dans la maison qui se nomme «Cœur du ciel», il retrouva la figure de la Fortune Majeure, ce qui lui montra qu'il réussirait et qu'il serait glorieux. Mais dans la huitième maison, qui est la maison de la Mort, vint se placer la figure du Rouge, qui annonce le sang ouïe feu, ce qui est de pré-

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sage sinistre. Lorsqu'il eut dressé les figures des douze maisons, il en tira deux témoins, et de ceux-ci un juge, afin d'être assuré que son opération était justement calculée. La figure du juge fut celle de la Prison, d'où il connut qu'il trouverait la gloire, avec grand péril, dans un lieu clos et secret.

Assuré de ne pas mourir sur le champ, Sufrali se mit à réfléchir. Il n'avait pas l'es- poir de reconquérir la lampe, qui avait été transportée avec le palais dans le centre delà Chine. Cependant il songea que jamais il n'avait recherché quel était le véritable maî- tre du tahsman et l'ancien possesseur du grand trésor et du jardin aux fruits pré- cieux. Une seconde figure de géomancie, qu'il lut selon les lettres de l'alphabet, lui révéla les caractères S. L. M. N., qu'il traça sur le sable, et la dixième maison confir- ma que le maître de ces caractères était roi. Sufrah connut aussitôt que la lampe mer-

VIES niAGINAmES 105

veilleuse avait fait partie du trésor du roi Salomon. Alors, il étudia attentivement tous les signes, et la Tète du Dragon lui indiqua ce qu'il cherchait — car elle était jointe par la Conjonction à la figure du Jeune Garçon, qui marque les richesses enfouies dans la terre, et à celle de la Prison, où on peut lire la position des voûtes fermées.

Et Sufrah battit des mains: car la figure de géomancie montrait que le corps du roi Salo- mon était conservé dans cette terre même d'Afrique, et qu'il portait encore au doigt son sceau tout puissant qui donne l'immortalité terrestre: si bien que le roi devait être endormi depuis des myriades d'années. Sufrah, joyeux, attendit l'aube. Dans la demi-clarté d'azur, il vit passer des Ba-da-ouï pillards, qui eurent pitié de sa détresse, quand il les implora, et qui lui donnèrent un petit sac de dattes et une gourde pleine d'eau.

Sufrah se mit en marche vers le lieu dési-

lOG VIES IMAGINAIRES

gné. C'était un endroit aride et pierreux, entre quatre montagnes nues, levées comme des doigts vers les quatre coins du ciel. Là il traça un cercle et prononça des paroles; et la terre trembla et s'ouvrit, et laissa voir une dalle de marbre avec un anneau de bronze. Sufrah saisit l'anneau et invoqua trois fois le nom de Salomon. Aussitôt la dalle se souleva, et Sufrah descendit par un escalier étroit dans le souterrain.

Deux chiens de feu s'avancèrent hors de deux niches opposées et vomirent des flam- mes entrecroisées. Mais Sufrah prononça le nom magique, et les chiens grognants dis- parurent. Puis il trouva une porte de fer qui tourna silencieusem*nt, dès qu'il l'eut tou- chée. Il passa le long d'un couloir creusé dans du porphyre. Des candélabres à sept branches brûlaient d'une lumière éternelle. Au fond du couloir, était une salle carrée dont les murs étaient de jaspe. Dans le cen-

VIES IMAGINAIRES 107

tre, un brasier d'or jetait une riche lueur. Et sur un lit fait d'un seul diamant taillé, et qui semblait un bloc de feu froid, était étendue une forme vieille, à barbe blanche, le front ceint d'une couronne. Près du roi gisait un gra- cieux corps desséché, dont les mains se ten- daient encore pour étreindre les siennes; mais la chaleur des baiseï s s'était éteinte. Et, sur la main pendante du roi Salomon, Sufrah vit briller le grand sceau.

11 s'approcha sur ses genoux et, rampant jusqu'au lit, il souleva la main ridée, fit glis- ser l'anneau et le saisit.

Aussitôt s'accomplit l'obscure prédiction géomantique. Le sommeil d'immortalité du roi Salomon fut rompu. En une seconde, son corps s'effrita et se réduisit à une petite poi- gnée d'ossem*nts blancs et polis que les- dé- licates mains de la momie semblaient proté- ger encore. Mais Sufrah, terrassé par le pouvoir de la figure du Rouge dans la mai-

108 VIES IMAGINAIRES

son de la Mort, éructa dans un flot vermeil tout le sang de sa vie et tomba dans l'assou- pissem*nt de l'immortalité terrestre. Le sceau du roi Salomon au doigt, il s'allongea près du lit de diamant, préservé de la corruption pendant des myriades d'années, dans le lieu clos et secret qu'il avait lu par la figure de la Prison. La porte de fer retomba sur le couloir de porphyre et les chiens de feu commencèrent à veiller le géomancien im- morteL

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Frate Dolcino, Hérétique

FRATE DOLGINO

Il apprit à connaître les choses saintes dans l'église d'Orto San Michèle, où sa mère le soulevait pour qu'il pût toucher de ses peti- tes mains les belles figures de cire pendues devant la Sainte Vierge . La maison de ses parents joignait le Baptistère. Trois fois par jour, à l'aube, à midi, au soir, il voyait pas- ser deux frères de l'ordre de Saint-François qui mendiaient du pain et emportaient les morceaux dans un panier. Souvent, il les suivait jusqu'à la porte du couvent. L'un de ces moines était très vieux: il disait avoir été ordonné encore par saint François lui- même. Il promit à l'enfant de lui apprendre

Î12 VIES I.MAGIXAIIIES

à parler aux oiseaux et à toutes les pauvres hêtes des champs. Dolcino passa bientôt ses journées dans le couvent. Il chantait avec les frères et sa voix était fraîche. Quand la cloche sonnait pour éplucher les légumes, il leur aidait à nettoyer leurs herbes autour du grand baquet. Le cuisinier Robert lui prê- tait un vieux couteau et lui permettait de frotter les écuelles avec sa touaille. Dolcino aimait à regarder au réfectoire la couver- ture de la lampe sur laquelle on voyait peints les douze apôtres avec des sandales de bois aux pieds et des petit* manteaux qui leur couvraient les épaules.

Mais son plus grand plaisir était de sortir avec les frères quand ils allaient mendier du pain de porteenporte^etde tenir leurpanier couvert d'une toile. Unjour qu'ils marchaient ainsi, à l'heure où le soleil était haut dans le ciel, on leur refusa l'aumône dans plusieurs maisons basses sur la rive du fleuve. Lâcha-

VIES IMAGINAIRES 113

leur était forte: les frères avaient grand'- soif et grand'faim. Ils entrèrent dans une cour qu'ils ne connaissaientpoint, etDolcino s'écria de surprise en déposant son panier. Car cette cour était tapissée de vignes feuil- lues et toute pleine de verdeur délectable et transparente; des léopards y bondissaient avec beaucoup d'animaux d'outre-mer, et on y voyait assis des jeunes filles et des jeunes gens vêtus d'étoffes brillantes qui jouaient paisiblement sur des vielles et des cithares. Là le calme était profond, l'ombre épaisse et odorante. Tous écoutaient en silence ceux qui chantaient, et le chant était d'un mode extraordinaire. Les frères ne di- rent rien; leur faim et leur soif se trouva satisfaite; ils n'osèrent rien demander. A grand'peine, ils se décidèrent à sortir; mais sur la rive du fleuve, en se retournant, ils ne virent point d'ouverture dans la muraille. Ils crurent que c'était une vision de nécro-

10.

U-i VIES nrAGINAIRES

mancie, jusqu'au moment où Dolcino décou- vrit le panier. Il était rempli de pains blancs comme si Jésus de ses propres mains y eût multiplié les offrandes.

Ainsi fut révélé à Dolcino le miracle de la mendicité. Cependant, il n'entra point dans l'ordre, aj^ant reçu de sa vocation une idée plus haute et plus singulière. Les frères l'em- menaient sur les routes lorsqu'ils allaient d'un couvent à un autre, de Bologne à Mo- dène, de Parme à Crémone, de Pistoïe à Lucques. Et ce fut à Pise qu'il se sentit en- traîné par la véritable foi. 11 dormait sur la crête d'un mur du palais épiscopal, lors- T[u'il fut réveillé par le son du buccin. Une foule d'enfants qui portaient des rameaux et des chandelles allumées, entouraient sur la place un homme sauvage qui soufflait dans une trompette d'airain. Dolcino crut voir saint Jean-Baptiste. Cet homme avait une barbe lon^iiie et noire; il était vêtu d'un

VIES IMAGINAIRES IIÔ

sac de cilice sombro, marqué d'une large croix rouge, depuis le col jusqu'aux pieds; autour de son corps était attachée une peau de bête. Il s'écria d'une voix terrible: Lau- dato et benedetto et glorlficato sia lo Pâ- tre; et les enfants répétèrent tout haut; puis il ajouta; sia lo Fijo, et les enfants reprirent; puis il ajouta: sia lo Spiritu Sancto; et les enfants dirent de même après lui; puis il chanta avec eux: Alléluia, aile- luia, alléluia! Enfin, il souffla de la trom- pette et se mit à prêcher. Sa parole était âpre comme du vin de montagne — mais elle attira Dolcino. Partout où le moine au cilice sonna du buccin, Dolcino vint l'admirer, dési- rant sa vie. C'était un ignorant agité de violen- ce; il ne savait point le latin; pour ordonner la pénitence, il criait; Penitenz-agite!. Mais il annonçait sinistrement les prédictions de Merlin, et de la Sibylle, et de l'abbé Joa- chim, qui sont dans le Livre des Figures;

116 VIES IMAGINAIRES

il prophétisait que l'Ante-Ghrist était venu sous la forme de l'empereur Frédéric Bar- berousse, que sa ruine était consommée, et que les Sept Ordres allaient bientôt s'éle- ver après lui, suivant l'interprétation de l'Ecriture. Dolcinole suivit jusqu'à Parme, où il fut inspiré à comprendre tout.

L'Annonciateur précédait Celui qui de- vait venir, le fondateur du premier des Sept Ordres. Sur la pierre levée de Parme, où depuis des années, les podestats parlaient au peuple, Dolcino proclama la nouvelle foi. Il disait qu'il fallait se vêtir avec des mantelets de toile blanche, comme les apôtres qui étaient peints sur la couverture de la lampe, dans le réfectoire des Frères Mineurs. Il assurait qu'il ne suffisait point de se faire bap- tiser; mais, afin de revenir entièrement à l'in- nocence desenfants, il se fabriqua un berceau, se fit lier de langes et demanda le sehi à une femme simple qui pleura de pitié. Afin de met-

VIES IMAGINAIRES 117

tre sa chasteté à l'épreuve, il pria une bour- geoise de persuader à sa fille qu'elle cou- chât toute nue contre lui dans un lit. Il men- dia un sac plein de deniers et les distribua aux pauvres, aux voleurs et aux filles com- munes, déclarant qu'il ne fallait plus travail- ler, mais vivre à la guise des animaux dans les champs. Robert, le cuisinier du couvent, s'enfuit pour le suivre et le nourrir dans une écuelle qu'il avait volée aux pauvres frères. Les gens pieux crurent que le temps était revenu des Chevaliers de .Jésus-Christ et des Chevaliers de Sainte-Marie, et de ceux qui avaient suivi jadis, errants et for- cenés, Gerardino Secarelli. Ils s'attroupaient béats autour de Dolcino et murmuraient: «Père, père, père!» Mais les Frères Mineurs le firent chasser de Parme. Une jeune fille de noble maison, Margherita, courut après lui par la porte qui ouvre sur la route de Plaisance. Il la couvrit d'un sac marqué

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d'une croix et l'emmena. Les porchers et les vachers les considéraient sur la lisière des champs. Beaucoup quittèrent leurs bêtes et vinrent à eux. Des femmes prisonnières que les hommes de Crémone avaient cruel- lement mutilées en leur coupant le nez, les implorèrent et les suivirent. Elles avaient le visage enveloppé d'un linge blanc; Marghe- rita les instruisit. Ils s'établirent tous dans une montagne boisée, non loin de Novare, et pratiquèrent la vie commune. Dolcino n'établit ni règle ni ordre aucun, étant assu- ré que telle était la doctrine des apôtres, et que toutes choses devaient être en charité. Ceux qui voulaient se nourrissaient avec les baies des arbres; d'autres mendiaient dans les villages; d'autres volaient du bé- tail. La vie de Dolcino et de Margherita fut libre sous le ciel. Mais les gens de Novare ne voulurent point le comprendre. Les pay- sans se plaignaient des vols et du scandale.

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On fit venir une bande d'hommes d'armes pour cerner la montagne. Les Apôtres fu- rent chassés par le pays. Pour Dolcino et Margherita, on les attacha sur un âne, le vi- sage tourné vers la croupe; on les mena jusqu'à la grande place de Novare. Ils y furent brûlés sur le même bûcher, par or- dre de justice. Dolcino ne demanda qu'une grâce: c'est qu'on les laissât vêtus, dans le supplice, parmi les flammes, comme les Apôtres sur la couverture de la lampe, de leurs deux mantelets blancs.

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Cecco Angiolieri, Poète haineux

GEGGO ANGIOLIERI

Gecco Angiolieri naquit haineux à Sienne, le même jour que Dante Alighieri à Flo- rence. Son père, enrichi dans le commerce des laines, inchnait vers l'Empire. Dès l'en- fance, Gecco fut jaloux des grands, les mé- prisa, et marmotta des oraisons. Beaucoup de nobles ne voulaient plus se soumettre au pape. Gependant les ghibellins avaient cédé. Mais parmi les gaelfes mêmes, il y avait les Blancs et les Noirs. Les Blancs ne répugnaient pas à l'intervention impériale. Les Noirs restaient fidèles à PÉgUse, à Rome, au Saint-Siège. Gecco eut l'instinct d'être

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Noir, peut-être parce que son père était Blanc.

Il le haït presque du premier souffle. A quinze ans, il réclama sa part de la fortune, comme si le vieil Angiolieri fût mort. Il s'irrita du refus et quitta la maison pater- nelle. Dès lors il ne cessa de se plaindre aux passants et au ciel. 11 vint à Florence par la grand'route. Les Blancs y régnaient encore, même après qu'on en avait chassé les ghibellins. Cecco mendia son pain, attesta la dureté de son père, et finit par se loger dans le taudis d'un savetier, qui avait une fille. Elle se nommait Becchina et Cecco crut qu'il l'aimait.

Le savetier était un homme simple, ami de la Vierge, dont il portait les médailles, et persuadé que sa dévotion lui donnait le droit de tailler ses chaussures dans du mau- vair cuir. Il causait avec Cecco de la sainte théologie et de l'excellence de la grâce, à

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la lueur d'une chandelle de résine, avant l'heure d'aller se coucher. Becchina lavait la vaisselle, et ses cheveux étaient cons- tamment emmêlés. Elle se moquait de Cecco parce qu'il avait la bouche tordue.

Vers ce temps, commença à se répandre dans Florence le bruit de l'amour excessif qu'avait eu Dante degli Alighieri pour la fille de Folco Ricovero de Portinari, Béa- trice. Ceux qui étaient lettrés savaient par cœur les chansons qu'il, lui avait adressées. Cecco les entendit réciter et les blâma fort.

— Cecco, dit Becchina, tu te moques de ce Dante, mais tu ne saurais pas écrire de si beaux envois pour moi.

— Nous verrons, dit Angiolieri en rica- nant.

Et premièrement, il composa un sonnet où il critiquait la mesure et le sens des chan- sons de Dante. Ensuite il fit des vers pour Becchina, qui ne savait pas les lire, et qui

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éclatait de rire quand Gecco les lui décla- mait, parce qu'elle ne pouvait supporter les grimaces amoureuses de sa bouche.

Cecco était pauvre et nu comme une pierre d'église. Il aimait la mère de Dieu avec fureur, ce qui lui rendait le savetier indulgent. Tous deux voyaient quelques mi- sérables ecclésiastiques, à la solde des Noirs. On espérait beaucoup de Gecco, qui semblait illuminé, mais il n'y avait point d'argent à lui donner. Ainsi malgré sa foi louable, le savetier dut marier Becchina à un gros voisin, Barberino, qui vendait de l'huile. «Et l'huile peut être sainte!» dit pieusem*nt le savetier à Gecco Angiolieri, pour s'excuser. Le mariage se fit environ dans le même temps que Béatrice épousa Simone de Bardi. Gecco imita la douleur de Dante.

Mais Becchina ne mourut point. Le 9 juin 1291, Dante dessinait sur une tablette, et

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c'était le 23remier anniversaire depuis la mort de Béatrice. Il se trouva qu'il avait figuré un ange dont le visage était semblable au visage de la bien-aimée. Onze jours après, le 20 juin, Gecco Angiolieri (Barberino étant occupé dans le marché aux huiles) obtint de Becchina la faveur de la baiser sur la bouche, et composa un sonnet brû- lant. La haine n'en diminua pas dans son cœur. Il voulait de l'or avec son amour. Il ne put en tirer aux usuriers. Il espéra en obtenir de son père et partit pour Sienne. Mais le vieil Angiolieri refusa à son fils même un verre de vin maigre, et le laissa assis sur la route, devant la maison.

Cecco avait vu dans la salle un sac de florins nouvellement frappés. C'était le re- venu d'Arcidosso et de Montegiovi. Il mou- rait de faim et de soif; sa robe était déchi- rée, sa chemise fumante. Il revint, pou- dreux, à Florence, et Barberino le mit à la

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porte de sa boutique, à cause de ses gue- nilles.

Cecco retourna, le soir, dans le taudis du savetier, qu'il trouva chantant une docile chanson pour Marie à la lumèe de sa chan- delle.

Tous deux s'embrassèrent et pleurèrent pieusem*nt. Après l'hymne, Cecco dit au savetier la terrible et désespérée haine qu'il portait à son père, vieillard qui menaçait de vivre autant que le Juif-Errant Botadeo. Un prêtre qui entrait pour conférer sur les besoins du peuple lui persuada d'attendre sa délivrance dans l'état monastique. Il con- duisit Cecco à une abbaye, où on lui donna une cellule et une vieille robe. Le prieur lui imposa le nom de frère Henri. Dans le chœur, pendant les chants nocturnes, il touchait de la main les dalles dépouillées et froides comme lui. La rage lui serrait la gorge quand il songeait à la richesse de

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son père; il lui semblait que la mer plutôt dessécherait avant qu'il mourût. 11 se sentait si dénué qu'il y eut des moments où il crut qu'il aimerait être souillard de cuisine. «C'est une chose, se dit-il, à laquelle on pourrait bien aspirer.»

A d'autres moments, il eut la folie de l'or- gueil: «Si j'étais le feu, pensa-t-il, je brû- lerais le monde; si j'étais le vent, j'y souffle- rais l'ouragan; si j'étais l'eau, je le noierais dans le déluge; si j'étais Dieu, je l'enfonce- rais parmi l'espace; si j'étais pape, il n'y aurait plus de paix sous le soleil; si j'étais l'Empereur, je couperais des têtes à la ronde; si j'étais la Mort, j'irais trouvermon père... si j'étais Gecco... voilà tout mon espoir...» Mais il était frate Arrigo. Puis il revint à sa haine. Il se procura une copie des chan- sons pour Béatrice et les compara patiemment aux vers qu'il avait écrits pour Becchina. Un moine errant lui apprit que Dante par-

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lait (le lui avec dôclain. Il chercha les moyens de se venger. La supériorité des sonnets à Becchina hii semblait évidente. Les chan- sons pour Bice (il lui donnait son nom vulgaire) étaient abstraites et blanches; les siennes étaient pleinesde force et de couleur. D'abord, il envoya des vers d'insulte à Dante; puis, il imagina de le dénoncer au bon roi Charles, comte de Provence. Finalement, nul ne pre- nant souci ni de ses poésies ni de ses lettres, il demeura impuissant. Enfin il se lassa de nourrir sa hainedansl'inaction, se dépouilla de sa robe, remit sa chemise sans agrafe, son jaquet usé, son chaperon lavé par la pluie et retourna quêter l'assistance des Frères dévots qui travaillaient pour les Noirs.

Une grande joie l'attendait. Dante avait été exilé: il n'y avait plus que des partis obscurs à Florence. Le savetier murmurait humblement à la Vierge le prochain triom-

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phe des Noirs. Cecco Angiolieri oublia Bec- china dans sa volupté. Il traîna dans les ruisseaux, mangea des croûtons durs, cou- rut à pied derrière les envoyés de l'Eglise qui allaient à Rome et retournaient à Flo- rence. On vit qu'il pourrait servir. Corso Donati, chef violent des Noirs, revenu dans Florence, et puissant, l'employa parmi d'au- tres. La nuit du 10 juin 1304, une tourbe de cuisiniers, de teinturiers, de forgerons, de prêtres et de mendiants, envahit le noble quartier de Florence où étaient les belles maisons des Blancs. Cecco Angiolieri bran- dissait la torche résineuse du savetier qui suivait à distance, admirant les décrets cé- lestes. Ils incendièrent tout et Cecco allmna les boiseries aux balcons des Cavalcanti, qui avaient été les amis de Dante. Cette nuit là il ètancha sa soif de haine avec du feu. Le lendemain, il envoya à Dante le «Lombard» des vers d'insulte à la cour de Vérone. Dans

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la môme journée, il devint GeccoAngiolieri comme il le désirait depuis tant d'années: son père, vieux autant qu'Elie ou Enoch, mourut.

Gecco courut à Sienne, défonça les coffres et plongea ses mains dans les sacs de florins nouveaux, se répéta cent fois qu'il n était plus le pauvre frère Henri, mais noble, sei- gneur d'Arcidosso et de Montegiovi, plus riche que Dante et meilleur poète. Puis il songea qu'il était pécheur et qu'il avait sou- haité la mort de son père. Il se repentit. Il griffonna sur le champ un sonnet pour de- mander au. Pape une croisade contre tous ceux qui insulteraient leurs parents. Avide de se confesser, il retourna en hâte à Florence, em- brassa le savetier, le supplia d'intercéder auprès de Marie. Use préci^iita chez le mar- chand de cires saintes et acheta un grand cierge. Le savetier l'alluma onctueusem*nt. Tous deux pleurèrent et prièrent Notre-Dame.

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Jusqu'aux heures tardives, on entendit la voix paisible du savetier qui chantait des louanges, se réjouissait de son flambeau et essuyait les larmes de son ami.

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Paolo Uccello, Peintre

PAOLO UGCELLO

Il se nommait vraiment Paolo di Dono; mais les Florentins l'appelèrent Uccelli, ou Paul les Oiseaux, à cause du grand nombre d'oiseaux figurés et de bêtes peintes qui remplissaient sa maison: car il était trop pauvre pour nourrir des animaux ou pour se procurer ceux qu'il ne connaissait point. On dit même qu'à Padoue il exécuta une fresque des quatre éléments, et qu'il donna pour attribut à l'air l'image du caméléon. Mais il n'en avait jamais vu, de sorte qu'il représenta un chameau ventru qui a la gueule bée. (Or le caméléon, explique Va- .sari, est semblable à un petit lézard sec, au

12.

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lien que le chameau est une grande bête dégingandée). Car Uccello ne se souciait point de la réalité des choses, mais de leur multiplicité et de l'infini des lignes; de sorte qu'il fit des champs bleus, et des cités rou- ges, et des cavaliers vêtus d'armures noires sur des chevaux d'èbène dont la bouche est enflammée, et des lances dirigées comm& des rayons de lumière vers tous les points du ciel. Et il avait coutume de dessiner des mazocchl, qui sont des cercles de bois re- couvert de drap que l'on place sur la tète, de façon que les phs de l'étoffe rejetée en- tourent tout le visage. Uccello en figura de pointus, d'autres carrés, d'autres à facettes, disposés en pyramides et en cônes, suivant toutes les apparences de la perspective, si bien qu'il trouvait un monde de combinai- sons dans les replis du mazocchi'o. Et le sculpteur Donatello lui disait: «Ah! Paolo,. tu laisses la substance pour l'ombre!»

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■ Mais l'Oiseau continuait son œuvre pa- tiente, et il assemblait les cercles, et il divi- sait les angles, et il examinait toutes les créatures sous tous leurs aspects, et il allait demander l'interprétation des problèmes d'Euclide à son ami le mathématicien Gio- vanni Manetti; puis il s'enfermait et cou- vrait ses parchemins et ses bois de points et de courbes. Il s'employa perpétuellement à l'étude de l'architecture, en quoi il se fit aider par Filippo Brunelleschi; mais ce n'était point dans l'intention de construire. Il se bornait à remarquer les directions des lignes, depuis les fondations jusqu'aux cor- niches, et la convergence des droites à leurs intersections, et la manière dont les voûtes tournaient à leurs clefs, et le rac- courci en éventail des poutres de plafond qui semblaient s'unir à l'extrémité des lon- gues salles. Il représentait aussi toutes les ■bêtes et leurs mouvements, et les gestes des

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hommes, afin de les réduire en lignes sim- ples.

Ensuite, semblable à l'alchimiste qui se penchait sur les mélanges de métaux et d'organes et qui épiait leur fusion à son fourneau pour trouver l'or, Uccello versait toutes les formes dans le creuset des formes. Il les réunissait, et les combinait, et les fon- dait, afin d'obtenir leur transmutation dans la forme simple, d'où dépendent toutes les autres. Voilà pourquoi Paolo Uccello vécut comme un alchimiste au fond de sa petite maison. Il crut qu'il pourrait muer toutes les lignes en un seul aspect idéal. Il voulut concevoir l'univers créé ainsi qu'il se reflé- tait dans l'œil de Dieu, qui voit jaillir toutes les figures hors d'an centre complexe. Au- tour de lui vivaient Ghibertl, délia Robbia, Brunelleschi, Donatello, chacun orgueilleux et maître de son art, raillant le pauvre Uccello, et sa folie de la perspective, plai-

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gnant sa maison pleine d'araignées, vide de provisions; mais Uccello était plus orgueil- leux encore. A chaque nouvelle combinai- son de lignes, il espérait avoir découvert le mode de créer. Ce n'était pas l'imitation où il mettait son but, mais la puissance de développer souverainement toutes choses, et l'étrange série de chaperons à plis lui sem- blait plus révélatrice que les magnifiques figures de marbre du grand Donatello.

Ainsi vivait l'Oiseau, et sa tête pensive était enveloppée dans sa cape; et il ne s'a- percevait ni de ce qu'il mangeait ni de ce qu'il buvait, mais il était entièrement pareil à un ermite. En sorte que dans une prairie, près d'un cercle de vieilles pierres enfoncées parmi l'herbe, il aperçut un jour une jeune lille qui riait, la tête ceinte d'une guirlande. Elle portait une longue robe délicate soute- nue aux reins par un rubanpâle, et ses mou- vements étaient souples comme les tiges

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qu'elle courbait. Son nom était Selvaggia, et elle sourit à Uccello. Il nota la flexion de son sourire. Et quand elle le regarda, il vit toutes les petites lignes de ses cils, et les cercles de ses prunelles, et la courbe de ses paupières, et les enlacements subtils de ses cheveux, et il fit décrire dans sa pensée à la guirlande qui ceignait son front unemultitude de positions. Mais Selvaggia ne sut rien de cela, parce qu'elle avait seulement treize ans. Elle prit Uccello par la main et elle Taima. C'é- tait la fille d'un teinturier de Florence, et sa mère était morte. Une autre femme était ve- nue dans la maison, et elle avait battu Sel- vaggia. Uccello la ramena chez lui.

Selvaggia demeurait accroupie tout le jour devant la muraille sur laquelle Uccello tra- çait les formes universelles. Jamais elle ne comprit pourquoi il préferait considérer des lignes droites et des Hgnes arquées à regar- der la tendre figure qui se levait vers lui.

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Le soir, quand Brunelleschi ou Manetti ve_ naient étudier avec Uccello, elle s'endormait, après minuit, au pied des droites entrecroi- •sèes, dans le cercle d'ombre qui s'étendait sous la lampe. Le matin, elle s'éveillait, avant Uccello, et se réjouissait parce qu'elle était entourée d'oiseaux peints et de bêtes de cou- leur. Uccello dessina ses lèvres, et ses yeux, et ses cheveux, et ses mains, et fixa tou- tes les attitudes de son corps; mais il ne fit point son portrait, ainsi que faisaient les autres peintres qui aimaient une femme. Car l'Oiseau ne connaissait pas la joie de se limiter à l'individu; il ne demeurait point en un seul endroit: il voulait planer, dans son vol, au-dessus de tous les endroits. Et les formes des attitudes de Selvaggia furent jetées au creuset des formes, avec tous les mouvements des bêtes, et les lignes des plantes et des pierres, et les rais de la lumière, et les ondulations des vapeurs ter-

iAi VIES IMAGINAIRES

restres et des vagues de la mer. Et sans se souvenir de Selvaggia, Uccello paraissait demeurerèternellement penché sur le creuset des formes.

Cependant il n'y avait point à manger dans la maison d'Uccollo. Selvaggia n'osait le dire à Donatello ni aux autres. Elle se tut et mourut. Uccello représenta le roidisse- ment de son corps, et l'union de ses petites mains maigres, et la ligne de ses pauvres yeux fermés. Il ne sut pas qu'elle était morte, de même qu'il n'avait pas su si elle était vivante. Mais il jeta ces nouvelles formes parmi toutes celles qu'il avait rassemblées.

L'Oiseau devint vieux, et personne necom- l)renait plus ses tableaux. On n'y voyait qu'une confusion de courbes. On ne recon- naissait plus ni la terre, ni les plantes, ni les animaux, ni les hommes. Depuis de lon- gues années, il travaillait à son œuvre su- prême, qu'il cachait à tous les yeux. Elle

VIES IMAGINAIRES 145

devait embrasser toutes ses recherches, et elle en était l'image dans sa conception. C'était saint Thomas incrédule, tentant la plaie du- Christ. Uccello termina son tableau à quatre-vingts ans. Il fit venir Donatello, et le découvrit pieusem*nt devant lui. Et Donatello s'écria: «Paolo, recouvre ton tableau!» L'Oiseau interrogea le grand sculpteur: mais il ne voulut dire autre chose. De sorte qu 'Uccello connut qu'il avait accom- pli le miracle. Mais Donatello n'avait vu qu'un fouillis de lignes.

Et quelques années plus tard, on trouva Paolo Uccello mort d'épuisem*nt sur son grabat. Son visage était rayonnant de rides. Ses yeux étaient fixés sur le mystère révèle. Il tenait dans sa main strictement refermée un petit rond de parchemin couvert d'en- trelacements qui allaient du centre à la cir- conférence et qui retournaient de la circon- férence au centre.

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Nicolas Loyseleur, Juge

NICOLAS LOYSELEUR

Il naquit le jour de l'Assomption, et fut dévot à la Vierge. Sa coutume était de l'in- voquer en toutes les circonstances de sa vie et il ne pouvait entendre son nom sans avoir les yeux pleins de larmes. Après qu'il eut étu- dié dans un petit grenier de la rue Saint-Jac- ques sous la férule d'un clerc maigre, en compagnie de trois enfants qui marmottaient le Donat et les psaumes de la Pénitence, il apprit laborieusem*nt la Logique d'Okam. Ainsi il devint de bonne heure bachelier et maître-ès arts. Les vénérables personnes qui l'instruisaient remarquèrent en lui une gran- de douceur et une onction charmante. Il

13.

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avait des lèvres grasses d'où les paroles glissaient pour adorer. Dès qu'il obtint son baccalauréat de théologie, l'Eglise eut les yeux sur lui. Il officia d'abord dans le dio- cèse de l'évoque de Beauvais qui connut ses qualités et se servit de lui pour aviser les Anglais devant Chartres sur divers mouve- ments des capitaines français. Quand il eut environ trente-cinq ans d'âge, on le fit cha- noine de la cathédrale de Rouen. Là, il fut bon ami de Jean Bruillot, chanoine et chan- tre, avec lequel il psalmodiait de belles lita- nies en l'honneur de Marie.

Parfois il faisait remontrance à Nicole Goppequesne, qui était de son chapitre, sur sa fâcheuse prédilection pour Sainte Anasta- sie. Nicole Goppequesne ne se lassait point d'admirer qu'une fille aussi sage eût enchanté un préfet romain au point de le rendre amoureux, dans une cuisine, des marmites et des chaudrons qu'il embrassait avec ferveur;

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tant que, la figure toute noircie, il devint semblable à un démon. Mais Nicolas Loy- seleur lui montrait combien la puissance de Marie fut supérieure lorsqu'elle rendit à la vie un moine noyé. C'était un moine lubrique, mais qui n'avait jamais omis de révérer la Vierge. Une nuit, se levant pour aller à ses mauvaises œuvres, il eut soin, tandis qu'il passait devant l'autel de Notre-Dame, d'ac- complir une génuflexion, et de la saluer. Sa lubricité le fit, cette nuit là même, noyer dans la rivière. Mais les démons ne parvinrent point à l'emporter, et quand les moines tirè- rent son corps de l'eau, le jour suivant, il rou- vrit les yeux, ranimé parla gracieuse Marie. «Ah! cette dévotion est un remède choisi, soupirait le chanoine, et une vénérable et dis- crète personne telle que vous, Goppequesne, doit lui sacrifier l'amour d'Anastasie.»

La grâce persuasive de Nicolas Loyse- leur ne fut point oubliée par l'évêque de

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B3auvais lorsqu'il commença d'instruire à Rouen le procès de Jeanne la Lorraine. Ni- colas se vêtit d'habits courts, laïques, et, sa tonsure cachée sous un chaperon, se fit in- troduire dans la petite cellule ronde, sous un escalier, où était enfermée la prisonnière.

— Jeannette, dit-il, se tenant dans l'om- bre, il me semble que c'est Sainte Katherine qui m'envoie vers vous.

— Et au nom de Dieu qui êtes-vous donc? dit Jeanne.

— Un pauvre cordonnier de Greu, dit Nicolas — hélas, de notre malheureux pays; et les «Godons» m'ont pris comme vous, ma fille — louée puissiez- vous être du ciel! Je vous connais bien, allez; et je vous ai vue mainte et mainte fois quand vous veniez prier la très sainte Mère de Dieu dans l'église de Sainte Marie de Bermont. Et avec vous j'ai souvent ouï les messes de notre bon curé Guillaume Front. Ilélas, et vous souvenez-

VIES IMAGINAIEIES 153

VOUS bien de Jean Moreau et de Jean Barre de Neufchàteau? Ce sont mes compères. Alors Jeanne pleura.

— Jeannette, ayez confiance en moi, dit Nicolas. On ma ordonné clerc quand j'étais enfant. Et, tenez, voici la tonsure. Confes- sez-vous, mon enfant, confessez-vous en toute liberté, car je suis ami de notre gra- cieux roi Charles.

— Je me confesserai bien volontiers à vous, mon ami, dit la bonne Jeanne.

Or on avait percé un trou dans la mu- raille; et au dehors, sous un degré de l'es- calier, Guillaume Manchon et Bois-Guillaume inscrivaient les minutes de la confession. Et Nicolas Loyseleur disait:

— Jeannette, persistez dans vos paroles, et soyez constante, — les Anglais n'oseront point vous faire de mal.

Le lendemain, Jeanne vint devant les juges. Nicolas Loyseleur s'était placé avec

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un notaire dans le retrait d'une fenêtre, der- rière un drap de serge, afin de faire gros- soyer les charges seulement et laisser en blanc les excuses. Mais les deux autres gref- fiers réclamèrent. Lorsque Nicolas reparut dans la salle, il fit de petit* signes à Jeanne afin qu'elle ne semblât point surprise, et as- sista sévèrement l'interrogatoire.

Le 9 mai, il opina dans la grosse tour du château que les tourmentements étaient ins- tants.

Le 12 mai, les juges s'assemblèrent dans la maison de l'évêque de Beauvais, afin de délibérer s'il était utile de mettre Jeanne à la torture. Guillaums Erart pensait que ce n'était point la peine, y ayant matière assez ample et sans torture. Maître Nicolas Loyse- leur dit qu'il lui semblait que pour la méde- cine de son âme, il serait bon qu'elle fût mise à la torture; mais son conseil ne pré- valut pas.

TIËS IMAGINAIRES 155

Le 24 mai, Jeanne fut menée au cimetière de Saint-Ouen où on la fit monter sur un échafaud de plâtre. Elle trouva près d'elle Nicolas Loyseleur qui lui parlait à l'oreille tandis que Guillaume Erart la prêchait. Quand elle fut menacée du feu, elle devint blanche; tandis que le chanoine la soute- nait, il cligna des yeux vers les juges et dit: «Elle abjurera». Il lui conduisit la main pour marquer d'une croix et d'un rond le parchemin qu'on lui tendit. Puis il l'ac- compagna sous une petite porte basse et lui caressa les doigts:

— Ma Jeannette, lui dit-il, vous avez faitune bonne journée, s'il plaît à Dieu; vous avez sauvé votre âme. Jeanne, ayez confiance en moi, parce que si vous le voulez, vous se- rez délivrée. Recevez vos habits de femme; faites tout ce qu'on vous ordonnera; autre- ment vous seriez en danger de mort. Et si vous faites ce que je vous dis, vous sere

156 VIES IMAGINAIRES

sauvée, vous aurez beaucoup de bien et vous n'aurez point de mal; mais vous serez en la puissance de l'Eglise.

Le même jour, après dîner, il vint la voir dans sa nouvelle prison. C'était une cham- bre moj'enne du château où on arrivait par huit degrés. Nicolas s'assit sur le lit près duquel était un gros bois lié à une chaîne de fer.

— Jeannette, lui dit-il, vous voyez com- ment Dieu et Notre-Dame vous ont fait en ce jour une grande miséricorde, puisqu'ils vous ont reçue en la grâce et miséricorde de notre Sainte Mère l'Eglise; il faudra obéir bien humblement aux sentences et or- donnances des juges et personnes ecclésias- tiques, quitter vos anciennes imaginations et ne point y retourner, sans quoi l'Eglise vous abandonnerait à jamais. Tenez, voici d'honnêtes vêtements de prude- femme; Jeannette, ayez-en grand soin; et faites

VIES IMAGINAIRES 157

bien vite tondre ces cheveux que je vous vois et qui sont taillés en rotonde.

Quatre jours après, Nicolas se glissa la nuit dans la chambre de Jeanne et lui vola la chemise et la cotte qu'il lui avait données. Quand on lui annonça qu'elle avait repris ses habits d'homme:

— Hélas, dit-il, elle est relapse et chue bien profondément dans le mal.

Et dans la chapelle de l'archevêché, il répéta les paroles du docteur Gilles de Du- remort:

— Nous juges, nous n'avons qu'à décla- rer Jeanne hérétique et à Tabandonner à la justice séculière en la priant d'agir douce- ment avec elle.

Avant qu'on la menât au morne cime- tière, il vint l'exhorter en compagnie de Jean Toutmouillé.

— Jeannette, lui dit-il, ne cachez plus la vérité; il ne faut penser maintenant qu'au

li

158 YIES IMAGINAIRES

salut de votre àme. Mon enfant, croyez-moi; tout à l'heure, parmi rassemblée, vous vous humilierez et vous ferez, à genoux, votre confession publique. Qu'elle soit publique, Jeanne, humble et publique, pour la méde- cine de votre âme.

Et Jeanne lo pria de l'en faire souvenir craignant de ne point oser devant tant de monde.

Il demeura pour la voir brûler. C'est alors que se manifesta visiblement sa dévotion à la Vierge. Sitôt qu'il entendit les appels de Jeanne à Sainte-Marie, il commença de pleu- rer à chaudes larmes. Tant le nom de Notre- Dame le remuait. Les soldats anglais cru- rent qu'il avait pitié, le soufflettèrent et le poursuivirent l'épée haute. Si le comte de Warwick n'eût étendu la main sur lui, on regorgeait. Il se hissa péniblement sur un cheval du comte et s'enfuit.

Pendant de longues journées il erra sur

VIES IMAGINAIRES 159

les routes de France, n'osant retourner en Normandie et craignant les gens du roi. Enfin il arriva ,dans Bàle. Sur le pont de bois, entre les maisons pointues, couvertes de tuiles striées en ogives, et les poivrières bleues et jaunes, il eut soudain un èblouis- sem*nt devant la lumière du Rhin; il crut qu'il se noyait, comme le moine lubrique, au milieu de l'eau verte qui tourbillonnait dans ses yeuxj le mot de Marie s'étouffa dans sa gorge, et il mourut avec un san-

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Katherine la Dentellière, Fille amoureuse

li.

KATHERINE LA DENTELLIERE

Elle naquit vers le milieu du quinzième siècle, dans la rue de la Parcheminerie, près ■de la rue Saint-Jacques, par un hiver où i^ lit si froid que les loups coururent à travers Paris sur les neiges. Une vieille femme, qui avait le nez rouge sous son chaperon, la recueillit et l'éleva. Et premièrement elle joua sous les porches avec Perrenette, Guil- lemette, Ysabeau et Jehauneton, qui por- taient de petites cottes et trempaient leurs menottes rougies dans les ruisseaux pour attraper des morceaux de glace. Elles re- gardaient aussi ceux qui pipaient les pas- sants au jeu de tables qu'on appelle Saint-

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Merry. Et sous les auvents, elles guettaient les tripes clans leurs bacjuets, et les longues saucisses ballottantes, et les gros crochets de fer où les bouchers suspendent les quar- tiers de viande. Près de Saint-Benoît le Bètournè, où sont les écritoires, elles écou- taient grincer les plumes, et soufflaient la chandelle au nez des clercs, le soir, par les lucarnes des boutiques. Au Petit-Pont, elles narguaient les harangères et s'en- fuyaient vite vers la place Haubert, se cachaient dans les angles de la rue des Trois-Portes; puis, assises sur la margelle de la fontaine, elles jacassaient jusqu'à la brume delà nuit.

Ainsi se passa la prime jeunesse de Kathe- rine, avant que la vieille femme lui eiit appris à s'asseoir devant un coussinet à dentelles et à entrecroiser patiemment les fils de toutes les bobines. Plus tard, elle ouvragea de son métier, Jehanneton étant

VIES IM.VGINAIRKS 105

devenue cbaperonnière, Perreaette lavan- dière, et Ysabeau gantière, et Gaillemett >, la plus heureuse, saucissière, ayant un petit visage cramoisi qui reluisait comme s'il eût été frotté avec du sang frais de porc. Pour ceux qui avaient joué à Saint-Merry, ils commençaient déjà d'autres entreprises; certains étudiaient sur la montagne Sainte- Geneviève, et d'autres battaient les cartes au Trou-Perrette, et d'autres choquaient les brocs de vin d'Aunis à la Pomme de Pin et d'autres se querellaient à l'hôtel de la Grosse Margot, et sur l'heure de midi, on les voyait, à l'entrée de la taverne, dans la rue aux Fèves, et sur l'heure de minuit, ils sor- taient par la porte de la rue aux Juifs. Pour Katherine, elle entrelaçait les fils de sa den- telle, et les soirs d'été elle prenait le serein sur le banc de l'égUse, où il était permis de rire et de babiller. Katherine portait une chemisette écrue et

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un surcot de couleur verte; elle était tout affolée d'atours, ne haïssant rien tant que le bourrelet qui marque les filles lorsqu'elles ne sont point de noble lignée. Elle aimait pareillement les testons, les blancs, et sur- tout les écus d'or. C'est ce qui fit qu'elle s'accointa à Gasin Gholet, sergent à verge au Gbàtelet; sous ombre de son office, il gagnait mal de la monnaie. Souvent elle soupa en sa compagnie à l'hôtellerie de la Mule, en face de l'église des Mathurins; et, après souper, Gasin Gholet allait prendre des poules sur l'envers des fossés de Paris. Il les rapportait sous son grand tabart, et les vendait très bien à la Machecroue, veuve d'Arnoul, belle marchande de volaille à la porte du Petit-Ghâtelet.

Et sitôt Katherine cessa son métier de dentellière: car la vieille femme au nez rouge pourrissait au charnier des Innocents. Gasin Gholet trouva pour son amie une petite cham-

VIES IMAGINAIRES 167

bre basse, près des Trois-Pucelles, et là il venait la voir sur la tarde. Il ne lui défen- dait pas de se montrer à la fenêtre, avec les yeux noircis au charbon, les joues enduites de blanc de plorab; et tous les pots, tasses et assiettes à fruits où Katherine offrait à boire et à manger à tous ceux qui payaient bien, furent volés à la Chaire, ou aux Cygnes, ou à l'hôtel du Plat-d'Etain. Casin Cholet disparut un jour qu'il avait mis en gage la robe et le demi-ceinct de Katherine aux Trois- Lavandières. Ses amis dirent à la dentel- lière qu'il avait été battu au cul d'une char- rette et chassé de Paris, sur l'ordre du pré- vôt, par la porte Baudoyer. Elle ne le revit jamais; et seule, n'aj^ant plus le cœur à gagner d'argent, devint fille amoureuse, de- meurant partout.

Premièrement, elle attendit aux portes d'hôtelleries; et ceux qui la connaissaient l'emmenaient derrrière les murs, sous le

lOS MES J.MAGINAIRES

Gliûtelet, ou contre le collège de Navarre; puis, quand il fit trop froid, une vieille com- plaisante la fit entrer aux étuves, où la maî- tresse lui donna l'abri. Elle y vécut dans une chambre de pierre, jonchée de roseaux verts. On lui laissa son nom de Katherine la Dentellière, quoiqu'elle n'y fît point de la dentelle. Parfois on lui donnait liberté de se promener par les rues, à condition qu'elle rentrât à l'heure où les gens ont coutume d'aller aux étuves. Et Katherine errait devant les boutiques de la gantière et de la cha- peronnière, et maintes fois elle demeura longtemps à envier le visage sanguin de la saucissière, qui riait parmi ses viandes de porc. Ensuite elle retournait aux étuves, que la maîtresse éclairait au crépuscule avec des chandelles qui brûlaient rouge et fon- daient iDcsamment derrière les vitres noires. Enfin Katherine se lassa de vivre close dans une chambre carrée; elle s'enfuit sur

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les routes. Et, dès lors, elle ne fut plus Pari- sienne, ni dentellière; mais semblable à celles qui hantent à l'entour des villes de France, assises sur les pierres des cimetiè- res, pour donner du plaisir à ceux qui pas- sent. Ces fillettes n'ont point d'autre nom que le nom qui convient à leur figure, et Katherine eut le nom de Museau. Elle mar- chait par les près, et le soir, elle épiait sur le bord des chemins, et on voyait sa moue blanche entre les mûriers des haies. Museau apprit à supporter la peur nocturne au milieu des morts, quand ses pieds grelot- taient en frôlant les tombes. Plus de testons, plus de blancs, plus d'ècus d'or; elle vivait pauvrement de pain et de fromage, et de son ècuellée d'eau. Elle eut des amis mal- heureux qui lui chuchotaient de loin: «Mu- seau! Museau!» et elle les aima.

La plus grande tristesse était d'ouïr les cloches des églises et des chapelles; car

170 VIES i-MAGINAlRES

Museau se souvenait des nuits de juin où elle s'était assise, en cotte verte, sur les bancs des porches saints. C'était au temps où elle enviait les atours des demoiselles; il ne lui restait maintenant ni bourrelet, ni chaperon. Tête nue, elle attendait son pain, appuyée à une dalle rude. Et elle regrettait les chandelles rouges des ètuves parmi la nuit du cimetière, et les roseaux verts de la chambre carrée au lieu de la boue grasse où s'enfonçaient ses pieds.

Une nuit, un ruffian qui contrefaisait l'homme de guerre, coupa la gorge de Mu- seau pour lui prendre sa ceinture. Mais il n'y trouva pas de bourse.

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Alain le Gentil, Soldat

ALAIN LE GENTIL

Il servit le roi Charles VII dès l'âge de douze ans, comme archer, ayant été enlevé par des hommes de guerre dans le plat pays de Normandie. La manière dont il fat enlevé fut telle. Tandis qu'on allumait les granges, qu'on écorchait les jambes des laboureurs à couteaux de ceinture, et qu'on jetait les fil- lettes à bas sur les lits de sangles, rompus, le petit Alain s'était blotti dans une vieille pipe de vin défoncée à l'entrée du pressoir. Les hommes de guerre renversèrent la pipe et y trouvèrent un garçonnet. On l'emporta à tout sa chemise et sa cotte hardie. Le ca- pitaine lui fit donner un petit jaquet de cuir

17 i VIES IMAGINAIRES

et un ancien chaperon qui venait de la ba- taille de Saint-Jacques. Perrin Godin lui apprit à tirer de l'arc et à ficher proprement son carreau dans le blanc. Il passa de Bor- deaux à Angoulême et du Poitou à Bourges, vit Saint-Pourçain, où se tenait le roi, franchit les marches de Lorraine, visita Toul, revint en Picardie, entra en Flandres, traversa Saint- Quentin, vira vers la Normandie, et pendant vingt-trois ans, courut la France en compagnie armée, où il connut l'Anglais Jehan Poule- Gras, qui lui fit savoir la façon de jurer par Godon, Ghiquerello le Lombard, qui lui en- seigna à guérir le feu Saint-Antoine, et la jeune Ydrede Laon, qui lui montra à abattre sesbraj^es.

. Au Ponteau de Mer, son compagnon Ber- nard d'Anglades lui persuada de se mettre hors l'ordonnance royale, lui assurant qu'ils vivraient grandement tous deux en engei- gnant les dupes avec les dés pipés, qu'on

VIES IMAGINAIRES 175

nomme «gourds». Ils le firent, sans quitter leur attirail, et ils feignaient de jouer, à l'o- rée des murs du cimetière, sur un tabouriu volé. Un mauvais sergent de l'offlcial, Pierre Erapongnart, se fit montrer les subtilités de leur jeu et leur dit qu'ils ne tarderaient pas à être pris: mais qu'il fallait hardiment jurer qu'ils fussent clercs, afin d'échapper aux gens du roi et de réclamer la justice de l'Eglise, et, pour cela, tondre tout net le haut de leurs têtes et jeter promptement, en cas de besoin, leurs collets déchiquetés et leurs man- -ches de couleur. Il les tonsura lui-même avec les ciseaux consacrés et leur fit mar- motter les sept Psaumes et le verset Domi- nus pars. Puis, ils tirèrent chacun de leur côté, Benard avec Bietrix la clavière, et Alain avec Lorenete la chandelière.

Gomme Lorenete voulait un surcot de drap vert, Alain guetta la taverne du Cheval Blanc à Lisieux, où ils avaient bu un broc de vin.

176 VIES OLVOINAIRES

Il revint la nuit dans le jardin, fit un trou au mur avec sa javeline, et entra dans la salle où il trouva sept écuelles d'étain, un chaperon rouge et une verge d'or. Jaquet le Grand, fripier de Lisieux, les changea très bien contre un surcot tel que le désirait Lo- renete.

A Bayeux, Lorenete demeura dans une petite maison peinte, où on disait qu'étaient lesétuvesdes femmes, et la maîtresse des étuves ne fit que rire quand Alain le Gentil voulut la reprendre. Elle le reconduisit à l'huis, la chandelle au poing, et une grosse pierre dans l'autre main, lui demandant s'il avait point envie qu'elle lui en frottât le museau pour lui faire faire la baboue. Alain s'enfuit, en renversant sa chandelle, tirant du doigt à la bonne femms ce qui lui parut être une verge précieuse: mais elle n'était que de cuivre surdorc, avec une grosse pier- re rose contrefaite.

VIES IMAGINAIRES 177

Puis Alaia partit errant, et à Maubusson roiicoiitra, dans l'hôtellerie du Papegaut, Karandas, son compagnon d'armes, qui mangeait des tripes avec un autre homme nommé Jehan Petit. Karandas portait enco- re son vouge, et Jehan Petit avait une bour- se avec ses aiguillettes, pendante à la cein- ture. Le mordant de la ceinture était d'ar- gent fin. Après avoir bu, ils délibérèrent tous trois d'aller à Senlis par le bois. Ils se mirent en route sur la tarde, et quand ils furent au plein de la forêt, sans lumière, Alain le Gentil traîna la jambe. Jehan le Petit marchait devant. Et dans le noir, Alain lui donna rudement de sa javeline entre les deux épaules, cependant que Karandas lui croulait son vouge sur la tête. Il tomba ventre à terre, et Alain, l'enfour- chant, lui coupa la gorge de sa dague, d'ou- tre en outre. Puis, ils lui bourrèrent le cou de feuilles sèches, afin qu'il n'y eût pas une

178 VIES IMAGINAIRES

mare de sang sur le chemin. La lune parut à une clairière: Alain coupa le mordant de la ceinture, et dénoua les aiguillettes de la bourse, oui! y avait seize lyons d'or et trente- six patars. Il garda les lyons, et jeta la bourse avec les virelants à Karandas, pour sa peine, tenant la javeline haute. Là, ils se départirent l'un de l'autre, au milieu de la clairière, Karandas jurant le sang Dieu.

Alain le Gentil n'osa toucher Senlis et re- vint par détours jusque vers la ville de Rouen. Comme il s'éveillait, après sa nuit, sous une haie fleurie, il se vit entouré par des gens cavaliers qui lui attachèrent les mains et le conduisirent aux prisons. Près du guichet, il se glissa derrière la croupe d'un cheval, et courut à l'église de Saint-Patrice, où il se logea contre le maître-autel. Les sergents ne purent passer le porche. Alain, étant en franchise, hanta librement la nef et les chœurs, vit de beaux calices de métal riche

VIES IMAGINAIRES 179

et des burettes bonnes à fondre. Et la nuit suivante, il eut pour compagnons Denisot et Marignon, larrons comme lui. Marignon avait une oreille coupée. Ils ne savaient que manger. Ils envièrent les petites souris rô- deuses qui nichaient entre les dalles et s'en- graissaient à grignoter les bribes du pain sacré. La troisième nuit, ils durent sortir, la faim aux dents. Les gens de justice les empoignèrent, et Alain, qui se cria clerc, avait oublié d'arracher ses manches ver- tes.

Il demanda aussitôt à aller au retrait, dé- cousit son jaquet, et enfonça les manches parmi l'ordure; mais les hommes de la geôle avertirent le prévôt. Un barbier vint raser entièrement la tête d'Alain le Gentil, pour effacer sa tonsure. Les juges rirent du pau- vre latin de ses psaumes. Il eut beau jurer qu'un évêque l'avait confirmé d'un soufflet, quand il avait dix ans: il ne put venir à bout

ISU VIES IiMAGINAIRES

des pâtres-nôtres. On le mit à la quef^tion comme un homme lai, sur le petit tréteau, puis sur le grand tréteau. Au feu des cuisi- nes de la prison, il déclara pcs crimes, les membres tout affolés par l'étirement des cor- des, et la gorge rompue. Le lieutenant du prévôt prononça la sentence, sur les car- reaux. Il fut lié à la charrette, traîné jus- qu'aux fourches, et pendu. Son corps sehâla au soleil. Le bourreau prit?on jaquet, ses manches décousues, et un beau chaperon de drap fin, fourré de vair, qu'il avait volé dans une bonne hôtellerie.

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Gabriel Spenser, Acteur

IG

GABRIEL SPENSER

Sa mère fut une fille, nommée Flum, qui tenait une petite salle basse au fond de Rot- ten-row, dans Picked-hatch. Un capitaine, aux doigts chargés de bijoux en cuivre, et deux galants, vêtus de pourpoints lâches, venaient la voir après souper. Elle logeait trois demoiselles, dont les noms étaient Poil, DoU et Moll, et qui ne pouvaient supporter l'odeur du tabac. Aussi montaient-elles fré- rpiemment se mettre au lit, et des gentils- hommes polis les accompagnaient, après leur avoir fait boire un verre de vin d'Espa- gne tiède, afin de dissiper la vapeur des pipes. Le petit Gabriel se tenait accroupi sous

1^4 \IES IMAGINAIRES

le manteau de la cheminée pour voir rôtir les pommes qu'on jetait dans les pots de bière. Des acteurs venaient là aussi, cfu avaient les apparences les plus diverses. Ils n'osaient paraître dans les grandes tavernes où allaient lescompagnies entretenues. Cer- tains parlaient en style de fanfaronnade j d'autres ânonnaient comme des idiots. Ils caressaient Gabriel qui apprit d'eux des vers brisés de tragédie et des plaisanteries rustiques de scène. On lui donna un mor- ceau de drap cramoisi, à frange dèdorée, avec un masque de velours et un vieux poi- gnard de bois. Ainsi il paradait tout seul devant l'àtre, brandissant un tison en manière de torche, et sa mère Flum balançait son triple menton par l'admiration qu'elle avait de son enfant précoce.

Les acteurs l'emmenèrent au Rideau Vert, dans Shoreditch, où il trembla devant les accès de rage du petit comédien qui écumait

VIES IMAGINAIRES 185

en hurlant le rôle de Jeronymo.On y voyait aussi le vieux roi Leir, avec sa barbe blan- che déchirée, qui s'agenouillait pour deman- der pardon à sa fille Gordehia; un clown imitait les folies de Tarleton, et un autre enveloppé d'un drap de lit terrifiait le prince Amlet. Sir John Oldcastle faisait rire tout le monde par son gros ventre, surtout quand il prenait à la taille l'hôtesse qui lui per- mettait de chiffonner la pique de son bonnet et de glisser ses gros doigts dans le sac de bougran qu'elle attachait à sa ceinture. Le Fou chantait des chansons que l'Idiot ne comprenait jamais, et un clown en bonnet de coton passait à tout moment la tète par le rideau fendu, au fond de l'estrade, pour faire des grimaces. Il y avait encore un jon- gleur avec des singes et un homme habillé en femme qui, à l'idée de Gabriel, ressem- blait à sa mère Flum. A la fin des pièces, les bedeaux à verge venaientlui mettre unerobe

16.

180 VIES IMA(iINAIRES

de grosl)leu et criaient qu'ils allaient le por- tera Bridewell.

Quand Gabriel eut quinze ans, les acteurs du Rideau Vertremarquèrent qu'il était beau et délicat et qu'il pourrait jouer les rôles de femmes etde jeunes filles. Flum lui peignait ses cheveux noirs qui étaient rejetés en ar- rière; il avait la peau très fine, les yeux grands, les sourcils hauts, et Flum lui avait percé les oreilles pour y pendre deux faus- ses perles doubles. Il entra donc dans la com- pagnie du duc de Nottingham, et on lui fit des robes de taffetas etde damas, avec des paillettes, de drap d'argent et de drap d'or, des corsages lacés et des perruques de chan- vre à longues boucles. On lui apprit à se peindre dans la salle à répétitions. D'abord il rougit en montant sur l'estrade; puis il mi- nauda pour répondre aux galanteries. Poil, DolletMoU, que Flum amena, toutaffairée,dé- clarèrent avec de grands rires que c'était tout

VIES IMAGINAIRES 187

justement une femme et voulurent le délacer après la pièce. Elles le ramenèrent danè Pic- ked-hatch, et sa mère lui fit mettre une de ses robes pour le montrer au capitaine, qui lui fit mille protestations en moquerie et fei- gnit de lui passer au doigt un vilain anneau surdoré où était enchâssée une escarboucle de verre.

Les meilleurs camarades de Gabriel Spen- ser étaient William Bird, Edward Juby et les deux Jeflfes. Ceux-ci entreprirent, un été, d'aller jouer dans les bourgs de la campagne avec des acteurs errants. Ils voyagèrent dans une voiture couverte d'une bâche, où Us couchaient la nuit. Sur la route de Ham- mersmith, un soir, ils virent sortir du fossé un homme qui leur présenta le canon d'un pistolet.

— Votre argent! dit-il. Je suis Gamaliel Ratsey, par lagrâce de Dieu voleur de grand chemin, et je n'aime pas à attendre.

188 VIES IMAGINAIRES

A quoi les deux Jeffes répondirent, engémis^ sant:

— Nous n'avons point d'argent, Votre Grâce, sinon ces paillettes de cuivre et ces pièces de camelot teint, et nous sommes de pauvres acteurs errants comme Votre Sei- gneurie elle-même.

— Acteurs? s'écria Gamaliel Ratsey, Voilà qui est admirable. Je ne suis pas un rafleur, ni un coquin, et je suis ami des spec- tacles. Si je n'avais un certain respect pour le vieux Derrick qui saurait bien me traîner sur l'échelle et me faire dodeliner de la tête, je ne quitterais pas le bord de la rivière, et les joyeuses tavernes à drapeaux, où vous autres, mes gentilshommes, vous avez cou-" tume d'exposer tant d'esprit. Soyez donc les bienvenus. La soirée est belle. Dressez votre estrade et jouez-moi votre meilleur specta- cle. Gamaliel Ratsey vous écoutera. Ce n'es t pas ordinaire. Vous pourrez le raconter.

VIES IMAGINAIRES \Si>

— Gela va nous coûter des feux, dirent timidement les deux Jeffes.

— Feux? dit noblement Gamaliel — que me parlez-vous de feux? Je suis ici le roi Gamaliel, comme Elizabeth est reine dans la Cité. Et je vous traiterai en roi. Voilà quarante shillings.

Les acteurs descendirent, tremblants.

— Plaise à Votre Majesté, dit Bird, que faudra-t-il jouer?

Gamaliel réfléchit, et regarda Gabriel.

— Ma foi, dit-il, une belle pièce pour cette demoiselle, et bien mélancolique. Elle doit être charmante enOphelia.il y a des fleurs de digitale ici auprès — de vrais doigts de mort. Amlet, voilà ce que je veux. J'aime assez les humeurs de cette composition. Si je n'étais Gamaliel, je jouerais volontiers Amlet. Allez, et ne voustrompez pas dans les coups d'escrime, mes excellents Troyens, mes vaillants Corinthiens!

li'^O AIKS IMAGINAIRES

On alluma les lanternes. Gamaliel consi- déra le drame avec attention. Après la fin, il dit à Gabriel Spenser:

— Belle Ophelia, je vous dispense du compliment. Vous pouvez partir, acteurs du roi Gamaliel. Sa Majesté est satisfaite.

Puis il disparut dans l'ombre.

Gomme la voiture se mettait on marclie, à l'aube, on le vit de nouveau qui barrait le chemin, pistolet au poing.

— Gamaliel Ratsey, voleur de grand'route, dit-il, vient reprendre les quarante shillings du roi Gamaliel. Allons, vite. Merci pour le spectacle. Décidément, les humeurs d'Am- let me plaisent infiniment. Belle Ophelia, toute ma courtoisie.

Les deux Jeffes, qui gardaient l'argent, le rendirent i)ar force. Gamaliel salua et partit au galop.

Sur cette aventure, la troupe rentra dans Londres. On raconta qu'un voleur avait faill

VIES IMAGINAIRES 101

enlever Ophelia en robe eten perruque. Une fille nommée Pat King, et qui venait souvent au Rideau Vert, a ffirma qu'elle n'en était point surprise. Elle avait la figure grasse et la taille ronde. Flum l'invita, pour lui faire connaî- tre Gabriel. Elle le trouva mignon et l'em- brassa tendrement. Puis elle revint souvent. Pat était l'amie d'un ouvrier briquetier que son métier ennuyait et qui avait l'ambition de jouer au Rideau Vert. Il se nommait Ben Jonson, et il était fort orgueilleux de son éducation, étant clerc, .et ayant quelques connaissances en latin. C'était un homme grand et carré, couturé de scrofule, et dont l'œil droit était plus haut que le gauche. Il avait la voix forte et grondeuse. Ce colosse avait été soldat aux Pays-Bas. 11 suivit Pat King, saisit Gabriel à la peau du cou, et le traîna aux champs de Hoxton, où le pauvre Gabriel dut lui faire face, une épée à la main. Flum lui avait secrètement glissé une lame

V.)2 VIES LMACIN AIRES

plus longue de dix pouces. Elle passa dans le bras de Ben Jonson. Gabriel eut le pou- mon traversé. Il mourut sur l'herbe. Flum courut chercher les constables. On porta Ben Jonson tout jurant à Newgate. Flum espérait qu'il serait pendu. Mais il récita ses psaumes en latin, fit voir qu'il était clerc, et on le marqua seulement à la main avec un

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Pocahontas, Princesse

POCAHONTAS

Pocahontas était la fille du roi Powhatan, qui siégeait assis sur un trône fait en ma- nière de lit, et couvert d'une grande robe cousue de peaux de raton, dont toutes les queues pendaient. Elle fut élevée dans une maison tendue de nattes, parmi des prêtres et des femmes qui avaient la tête et les épaules peintes de rouge vifet qui l'amusaient avec des hochets de cuivre et des sonnettes de serpent. Namontak, un serviteur fidèle, veillait sur la princesse et ordonnait ses jeux. Quelque- fois on la menait dans la forêt auprès de la grande rivière Rappahanok, et trente vierges nues dansaient pour la distraire. Elles

19() VIES IMAGINAIRES

étaient teintes de diverses couleurs et cein- tes de feuilles vertes, portaient sur la tête (les cornes de bouc, et une peau de loutre à la taille, et, agitant des massues, elles sautaient autour d'un feu qui crépitait. La danse terminée, elles éparpillaieat les flam- mes et reconduisaient la princesse à la lueur des tisons.

L'an 1607, le pays de Pocahontasfut trou- blé par les Européens. Des gentilshommes décavés, des escrocs et des chercheurs d*or, vinrent aborder dans la rivière de Potomac, et bâtirent des cahutes en planches. Ils don- nèrent aux cahutes le nom de Jamestown, et ils appelèrent leur colonie la Virginie. La Virginie ne fut, en ces années, qu'un miséra- ble petit fort construit dans la baie de Ghesa- peake,au milieu des domaines du grand roi PoAvhatan. Les colons élurent président le capitaine John Smith, qui avait jadis couru l'aventure jusque chez les Turcs. Ils erraient

VIES IMAGINAIRES 197

sur les roches et vivaient des coquillages de la mer et du peu de froment qu'ils pouvaient obtenir par trafic avec les indigènes.

Ils furent d'abord reçus en grande céré- monie. Un prêtre sauvage vint jouer devant eux d'une flûte de roseau, ayant autour de ses cheveux noués une couronne de poils de daim teinte en rouge, et ouverte comme une rose. Son corps était peint de cramoisi, sa figure de bleu; et il avait la peau par- semée de paillettes d'argent natif. Ainsi, la face impassible, il s'assit sur une natte, et fuma une pipe de tabac.

Puis d'autres se formèrent en colonne carrée, peints de noir, et de rouge, et de blanc, et quelques-uns à mi-couleur, chan- tant et dansant devant leur idole Oki, faite de peaux de serpents bourrées de mousse et ornées avec des chaînes de cuivre.

Mais peu de jours après, le capitaine Smith explorant la rivière dans un canot, fut

17.

lus VIES IMACLN AIRES

soudain assailli et lié. On le mena parmi de terribles hurlements à une maison longue où il fut gardé par quarante sauvages. Les prêtres, ayant leurs yeux peints de rouge et leurs figures noires traversées par de grandes barres blanches, encerclèrent deux fois le feu de la maison de garde avec une traî- née de farine et des grains de blé. Ensuite John Smith fut conduit dans la hutte du roi. Powhatan était vêtu de sa robe de fourrures et ceux qui se tenaient autour de lui avaient les cheveux décorés avec du duvet d'oi- seau. Une femme apporta au capitaine de l'eau pour lui laver les mains, et une autre les lui essuya avec une touffe de plumes. Cependant deux géants rouges déposèrent deux pierres plates aux pieds de Powhatan. Et le roi leva la main, signifiant que John Smith allait être couché sur ces pierres et qu'on lui écraserait la tète à coups de mas- sue.

VIES IMAGINAIRES 199

Pocahontas n'avait que douze ans et avançait timidement la figure entre les con- seillers barbouillés. Elle gémit, s'élança vers le capitaine et mit la tête contre sa joue. John Smith avait vingt-neuf ans. Il portait de graîides moustaches droites, la barbe en éventail, et sa face était aquiline. On lui dit que le nom de la fillette du roi, qui lui sauvait la vie, était Pocahontas. Mais ce n'était pas son vrai nom. Le roi Powha- tan conclut la paix avec John Smith et le mit en Uberté.

Un an plus tard, le capitaine Smith cam- pait avec sa troupe dans la forêt fluviale. La nuit était épaisse; une pluie pénétrante abattait tout bruit. Soudain, Pocahontas toucha l'épaule du capitaine. Elle avait tra- versé, seule, les affreuses ténèbres des bois. Elle lui chuchota que son père voulait atta- quer les Anglais et les tuer pendant qu'ils seraient à souper. Elle le supplia de fuir, s'il

200 VIES LMAGIRAIRES

tenait à vivre. Le capitaine Smith lui offrit des verreries et des rubans; mais elle pleura et répondit qu'elle n'osait. Et elle s'enfuit, seule, dans la forêt.

L'année suivante, les colons mirent le capitaine Smith en disgrâce, et, en 1609, il fut embarqué pour l'Angleterre. Là, il com- posa des livres sur la Virginie, où il expli- quait la situation des colons et racontait ses aventures. Vers 1G12, un certain capi- taine Argall, étant allé faire du commerce parmi les Potomacs (qui étaient le peuple du roi Powhatan), enleva par surprise la princesse Pocahontas et Penferma dans un navire comme otage. Le roi, son père, s'in- digna; mais elle ne lui fut pas rendue. Ainsi elle languit prisonnière jusqu'au jour où un gentilhomme de bonne façon, John Rolfe, s'éprit d'elle et l'épousa. Ils furent mariés en avril 1G13. On dit que Pocahontas avoua son amour à un de ses frères, qui vint la voir.

VIES IMAGINAIRES 201

Elle arriva en Angleterre au mois de juin 1016, où il y eut, parmi les personnes de la société, grande curiosité pour la visiter. La bonne reine Anne l'accueillit tendrement et ordonna qu'on gravât son portrait.

Le capitaine John Smith, qui allait repar- tir pour la Virginie, vint lui faire sa cour avant de s'embarquer. Il ne l'avait pas vue depuis 1608. Elle avait vingt-deux ans. Lorsqu'il entra, elle détourna la tête et cacha sa figure, ne répondant ni à son mari, ni à ges amis, et demeura seule pendant deux ou trois heures. Puis elle demanda le capitaine. Alors elle leva les yeux, et lui dit:

— Vous aviez promis à Powhatan que ce qui serait à vous serait à lui, et il a fait de même; étant étranger dans sa patrie, vous l'appeliez père; étant étrangère dans la vôtre, je vous appellerai ainsi.

Le capitaine Smith s'excusa sur l'étiquette, parce qu'elle était fille de roi.

202 VIES IMAGINAIRES

Elle reprit:

— Vous n'avez pas craint de venir au pays de mon père, et vous l'avez effrayé, lui et tous ses gens, — excepté moi: crain- drez-vous donc qu'ici je ne vous appelle mon père? Je vous dirai mon père et vous me direz mon enfant, et je serai pour tou- jours de la même patrie que vous... Ils m'avaient dit là-bas que vous étiez mort...

Et elle confia tout bas à John Smith que son nom était Matoaka. Les Indiens, crai- gnant qu'on s'emparât d'elle par maléfice, avaient donné aux étrangers le faux nom de Pocahontas.

John Smith partit pour la Virginie et ne revit jamais Matoaka. Elle tomba malade à Gravesend, au début de l'année suivante, pâlit et mourut. Elle n'avait pas vingt-trois ans.

Son portrait est entouré de cet exergue: Matoaka allas Rebecca fiUa potenlisslml

VIES IMAGINAIRES 203

prlnclpis Powliatani impcraforis Virgi- niœ. La pauvre Matoaka avait un chapeau de feutre haut, à deux guirlandes de perles j une grande collerette de dentelle roide, et - elle tenait un éventail de plume. Elle avait le visage aminci, les pommettes longues et de grands yeux doux.

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Cyril Tourneur, Poète tragique

CYRIL TOURNEUR

Cyril Tourneur naquit de l'union d'un dieu inconnu avec une prostituée. On trouve la preuve de son origine divine dans l'athéisme héroïque sous lequel il suc- comba. Sa mère lui transmit l'instinct de la révolution et de la luxure, la peur de la mort, le frémissem*nt de la volupté et la haine des rois; il tint de son père l'amour de se couronner, l'orgueil de régner, et la joie de créer; tous deux lui donnèrent le goût de la nuit, de la lumière rouge et du sang.

La date de sa naissance est ignorée; mais il parut dans une journée noire, sous

2l)vS VIES I-MAOINAIRES

une année pestilentielle. Aucune protection céleste ne veilla sur la fille amoureuse qui fut grosse d'un dieu, car elle eut le corps taché de la peste quelques jours avant d'ac- coucher, et la porte de sa petite maison fut marquée de la croix rouge. Cyril Tour- neur vint au monde au son de la cloche de l'enterreur des morts; et comme son père avait disparu dans le ciel commun des dieux, une charrette verte traîna sa mère à la fosse commune des hommes. On rapporte que les ténèbres étaient si profondes que l'enter- reur dut éclairer l'ouverture de la maison pestiférée avec une torche de résine; un au- tre chroniqueur assure que le brouillard sur la Tamise (où trempait le pied de la maison) se raya d'écarlate, et que de la gueule de la cloche d'appel s'échappa la voix des cyno- céphales; enfin, il paraît hors de doute qu'une étoile flambante et furieuse se mani- festa au-dessus du triangle du toit, faite de

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rayons faligiiieiix, tordus, mal noués, et que l'enfant nouveau-nè lui montra le poing par une lucarne, tandis qu'elle secouait sur lui ses boucles informes de feu. Ainsi entra Cyril Tourneur dans la vaste concavité de la nuit cimmérieime.

Il est impossible de découvrir ce qu'il pensa ou ce qu'il fit jusqu'à l'âge de trente ans, quels furent les symptômes de sa divi- nité latente, comment il se persuada de sa propre royauté. Une note obscure et effrayée contient la liste de ses blasphèmes. Il décla- rait que Moïse n'avait été qu'un jongleur et qu'un nommé Heriots était plus habile que lui. Que le premier commencement de la religion n'était que de maintenir les hommes dans la terreur. Que le Christ méritait plu- tôt la mort que Barrabas, bien que Barra- bas fût voleur et assassin. Que s'il entrepre- nait d'écrire une nouvelle rehgion, il l'éta- blirait sur une méthode plus excellente et

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210 VIES IMAGINAIRES

plus admirable, et que le Nouveau-Testament était d'un style répugnant. Qu'il avait autant de droit abattre monnaie que la Reine d'An- gleterre, et qu'il connaissait un certain Poole, prisonnier à Newgate, fort expert au mélange des métaux, avec l'aide duquel il prétendait un jour frapper l'or à sa propre image. Une âme pieuse a barré sur le par- chemin d'autres affirmations plus terribles.

Mais ces paroles furent recueillies par une personne vulgaire. Les gestes de Cyril Tourneur indiquent un athéisme plus vindi- catif. On le représente vêtu d'une longue robe noire, portant sur la tête une glorieu- se couronne à douze étoiles, le pied sur le globe céleste, élevant le globe terrestre dans sa main droite. Il parcourait les rues dans les nuits de peste et d'orage. Il était blême comme les cierges consacrés et ses yeux luisaient mollement comme des brû- leurs d'encens. Certains affirment qu'il avait

VIES IMAGINAIRES 211

sur le flanc droit la marque d'un sceau extraordinaire; mais il fut impossible de le vérifier après sa mort, puisque nul ne vit sa dépouille.

Il lit sa maîtresse d'une prostituée du Bank- side, qui fréquentait les rues du bord de l'eau, et il l'aima uniquement. Elle était très jeune et sa figure était innocente et blonde. Les rougeurs y paraissaient comme des flammes vacillantes. Cyril Tourneur lui donna le nom de Rosamonde, et eut d'elle une fille qu'il aima. Rosamonde mourut tra- giquement, ayant été remarquée par un prince. On sait qu'elle but dans une coupe transparente du poison couleur d'émerau- de.

Ce fut alors que la vengeance dans l'àme de Cyril se mêla à l'orgueil. Nocturne, il parcourut le Mail, tout le long du cortège royal, secouant dans sa main une torche à crinière enflammée, afin d'éclairer le prince

212 VIES IMAGINAIRES

empoisonneur. La haine de toute autorité lui monta vers la bouche et aux mains. 11 se fit épieur de grand'route, non pour voler, mais pour assassiner des rois. Les princes qui disparurent en ces temps furent ilhimi- ncs par la torche de Cyril Tourneur et tués par hii.

11 s'embusquait sur les chemins de la rei- ne, près des puits à gravier et des fours à chaux. Il choisissait sa victime dans la trou- pe, s'offrait à l'éclairer parmi les fondrières, la menait jusqu'à la gueule du puits, étei- gnait sa torche et précipitait. Le gravier pleuvait après la chute. Ensuite Cyril, pen- ché sur le bord, faisait tomber deux énor- mes pierres pour écraser les cris. Et, le reste de la nuit, il veillait le cadavre qui se consumait dans la chaux, près du four rou- ge sombre.

Quand Cyril Tourneur eut assouvi sa haine des rois, il fut ôtreint par la haine des

VIES IMAGINAIRES. 213

dieux. L'aiguillon divin qu'il avait en lui l'excita à créer. Il songea'qu'il pourrait fon- der une génération dans son propre sang, et se propager comme dieu sur terre. Il regarda sa fille, et la trouva vierge et désirable. Pour accomplir son dessein à la face du ciel, il ne trous'a point d'endroit plus significatif qu'un cimetière. Il jura de braver la mort et de créer une nouvelle humanité au milieu de la destruction fixée par les ordres divins. Entouré de vieux os, il voulut engen- drer de jeunes os, Cyril Tourneur pos- séda sa fille sur le couvercle d'un char- nier.

La fin de sa vie se perd dans un rayonne- ment obscur. On ne sait quelle main nous tT2insmit\3iTragèdie de l'Athée et la Tragé- die du Vengeur. Une tradition prétend que l'orgueil de Cyril Tourneur se haussa encore. Il fit élever un trône dans son jardin noir, et il avait coutume d'y siéger, couronné

214 VIES IMAGINAIRES

d'or, SOUS la l'oudre. Plusieurs le virent et s'enfuirent, terrifiés par les longues aigret- tes bleuâtres qui voltigeaient au-dessus de sa tête. Il lisait un manuscrit des poèmes d'Empédocle, que personne n'a vu depuis. Il exprima souvent son admiration pour la mort d'Empédocle. Et Tannée où il disparut fut de nouveau pestilentielle. Le peuple de Londres s'était retiré sur les barques amar- rées au milieu de la Tamise. Un météore effrayant évolua sous la lune. C'était un globe de feu blanc, animé d'une sinistre rotation. Il se dirigea vers la maison de Cyril Tourneur, qui sembla peinte de reflets métalliques. L'homme vêtu de noir et cou- ronné d'or attendait sur son trône la venue du météore. Il y eut, comme avant les ba- tailles théâtrales, une alarme morne de trompettes. Cyril Tourneur fut enveloppé d'une lueur faite de sang rose volatilisé. Des trompettes, dressées dans la nuit, sonnèrent,

VIES IMAGINAIRES 215

comme au théâtre, une fanfare funèbre. Ainsi fut précipité Cyril Tourneur vers un dieu inconnu dans le taciturne tourbillonne- ment du ciel.

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William Phips, Pêcheur de trésors

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WILLIAM PHIPS

WilliamPhips naquit en 1651 près de l'em- bouchure de la rivière Kennebec, parmi les forêts fluviales où les constructeurs de na- vires venaient abattre leur bois. Dans un pauvre village du Maine il rêva, pour la première fois, une aventureuse fortune, à l'aspect du façonnage de planches marines. L'incertaine lueur de l'Océan qui bat la Nouvelle-Angleterre lui apporta le scintil- lement de l'or noyé et de l'argent étouffé sous les sables. Il crut à la richesse de la mer et désira l'obtenir. Il apprit à construire des bateaux, gagna une petite aisance et vint à Boston. Sa foi était si forte qu'il ré-

■J'^0 VIES IMAGINAIRES

pétait: «Un jour, je commanderai un vais- seau du Roi et j'aurai une belle maison de briques à Boston, dans l'Avenue Verte.»

En ce temps gisaient au fond de l'Atlan- tique beaucoup de galions espagnols char- gés d'or. Celte rumeur emplissait l'âme de William Phips. 11 sut qu'un gros vaisseau avait coulé près de Port de la Plata; il réu- nit tout ce qu'il possédait et partit pour Londres, afin d'équiper un navire. Il assié- gea l'Amirauté de pétitions etdeplacets. On lui donna la Rose-cV Alger, qui portait dix- huit canons, et, en 1067, il fit voile vers l'inconnu. Il avait trente-six ans.

Quatre-vingt-quinze hommes partaient à bord de la Rose-d'Alger, parmi lesquels un premier maître, Adderley, de Providence. Lorsqu'ils surent que Phips se dirigeait vers Hispaniola, ils ne se tinrent pas de joie. Car Hispaniola était l'île des pirates, et la Rose- d'Alger leur semblait un bon navire. Et

VIES IMAGINAIRES 221

d'abord, sur une petite terre sablonneuse de l'archipel, ils s'assemblèrent en conseil pour se faire gentilshommes de fortune. Phips, à l'avant de la Rose-d'Alger, épiait la mer. Cependant il y avait une avarie à la carène. Pendant que le charpentier la réparait, il entendit le complot. Il courut à la cabine du capitaine. Phips lui ordonna de charger les canons, les braqua sur l'équipage révolté à terre, laissa tous ses hommes «marrons» dans ce repaire désert, et repartit avec quel- ques matelots dévoués. Le maître de Pro- vidence, Adderley, regagna la Rose-cVAl- ger à la nage.

On toucha Hispaniola par une mer calme, sous un soleil brûlant. Phips s'enquitsur tou- tes les grèves du vaisseau qui avait sombré plus d'un demi-siècle auparavant, en vue de Port de la Plata. Un vieil Espagnol s'en souvenait et lui désigna le récif. C'était un écueil allongé, arrondi, dont les pentes dis-

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222 VIES IMAGINAIRES

paraissaient dans Teau claire jusqu'au trem- blement le plus profond. Adderloy, penché sur le bastingage, riait en regardant les petit* remous des vagues. La Rose-cV Alger ù.i len- tement le tour du récif, et tous les hommes examinaient en vain la mer transparente. Phips frappait du pied sur le gaillard d'a- vant, parmi les dragues et les crochets. En- core une fois, la Rose-d' Alger fit le tour du récif, et partout le sol paraissait semblable, avec ses sillons concentriques de sable hu- mide et les bouquets d'algues inclinées qui frémissaient sous les courants. Quand la Rose-d'Alger commença son troisième tour le soleil s'enfonça et la mer devint noire.

Puis elle fut phosphorescente. «Voilà les trésors!» criait Adderley dans la nuit, le doigt tendu vers l'or fumeux des vagues. Mais l'aurore chaude se leva sur l'Océan tranquille et clair, tandis que la Rose d Al- ger parcourait toujours le même orbe. Et

VIES IMAGINAIRES 223

durant huit jours, elle croisa ainsi. Les yeux des hommes étaient brouillés à force de scru- ter la limpidité delà mer. Phips n'avait plus de provisions. 11 fallait partir. L'ordre fut donné, et la Rose-d'Alger se mit à virer. Alors Adderley aperçut à un flanc du récif une belle algue blanche qui vacillait, et en eut envie. Un Indien plongea et Tarracha. Il la rapporta, pendant toute droite. Elle était très lourde, et ses racines entortillées paraissaient étreindre un galet. Adderley la soupesa, et frappa les racines sur le pont pour la débarrasser de son poids. Quelque chose d'étincelant roula sous le soleil. Phips poussa un cri. C'était un lingot d'argent qui valait bien 300 livres. Adderley balan- çait stupidement l'algue blanche. Tous les Indiens plongèrent aussitôt. En quelques heures, le tillac fut couvert de sacs dur», pétrifiés, incrustés de calcaire et revêtus de petit* coquillages. On les éventra avec des

224 VIKS IMA(iINAlRES

<iseaux à froid et des marteaux; et hors des trous s'échappèrent des hngots d'or et d'argent, et des pièces de huit. «Dieu soit loué! s'écria Phips, notre fortune est faite!» Le trésor valait trois cent mi'le livres ster- ling. Adderley répétait: «Et tout cela est sorti de la racine d'une petite algue Llan- die!» 11 mourut fou, aux Bermudes, quel" ques jours après, en balbutiant ces mots.

Phips convoya son trésor. Le roid'A'igle- terrefltde lui sir William Phips, et le nomma High Sheriff à Boston. La il tint sa chimère et se fit bâtir une belle maison de briques rou- ges dans l'Avenue Verte. 11 devint un hom- me considérable. Ce fut lui qui commanda la campagne contre les possessions françaises, et il prit l'Acadie sur M. de Meneval et le chevalier de Villebon. Le roi le nomma gouverneur de Massachusetts, capitaine géné- ral du Maine et de la Nouvelle-Ecosse. Ses coffres étaient remplis d'or. Il entreprit l'at-

VIES IMAGINAIRES 225

taque de Québec, après avoir levé tout l'ar- gent disponible à Boston. L'entreprise man- qua et la colonie fat ruinée. Alors Phips émit du papier-monnaie. Afin de hausser sa valeur, il échangea contre ce papier tout son or liquide. Mais la fortune avait tourné. Le cours du papier baissa. Phips perdit tout, demeura pauvre, endetté, et ses ennemis le guettaient. Sa prospérité n'avait duré que huit ans. 11 partit pour Londres, misérable, et, comme il débarquait, il fut arrêté pour 20.000 Uvres, à la requête de Dudley et Brenton. Les sergents le transportèrent à la prison de Fleet.

Sir William Phips fut enfermé dans une cellule nue. Il n'avait gardé que le lingot d'argent qui lui avait donné sa gloire, le lingot de l'algue blanche. 11 était harassé de fièvre et de désespoir. La mort le prit à la gorge. 11 se débattit. Même là, il fut hanté par son rêve de trésors. Le galion du gou-

226 VIES IMAGINAIRES

verneur espagnol Bobadilla, chargé d'or et d'argent, avait sombré près de Bahamas. Phips envoya chercher le maître de la pri- son. La fièvre et l'espoir furieux l'avaient décharné. Il présenta au maître le lingot d'argent dans sa main sèche et murmura dans son râle:

— Laissez-moi plonger; voici un des lin- gots de Bo-ba-dil-la.

Puis il expira. Le lingot de l'algueblanche paya son cercueil.

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Le Capitaine Kid, Pirate

PIRATE

LE CAPITAINE KID

On ne s'accorde point sur la raison qui fit donner à ce pirate le nom du chevreau {Kid). L'acte par lequel Guillaume III, roi d'Angleterre, l'investit de sa commission sur la galère VAventure, en 1695, com- mance par les mots: «A notre féal et bien- aimé capitaine William Kid, commandant, etc. Salut.» Mais il est certain qne, dès lors, c'était un nom de guerre. Les uns di- sent qu'il avait coutume, étant élégant et raffiné, de porter toujours, au combat et à la manœuvre, de délicats gants de chevreau à revers en dentelle de Flandres; d'autres assurent que dans ses pires tueries, il s'é-

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230 VIKS IMAOINAIllES

criait: «Moi qui suis doux et bon comme un chevreau nouveau-né»; d'autres encore prétendent qu'il enfermait l'or et les joyaux dans des sacs très souples, faits de peau de jeune chèvre, et que l'usage lui en vint du jour où il pilla un vaisseau chargé de vif- argent dont il emplit mille poches de cuir, qui sont encore enterrées au flanc d'une petite colline dans les îles Barbades. 11 suf- fit de savoir que son pavillon de soie noire était brodé d'une tête de mort et d'une tête de chevreau, et que son cachet était gravé de même. Ceux qui cherchent les nombreux trésors qu'il cacha sur les côtes des conti- nents d'Asie et d'Amérique, font marcher devant eux un petit chevreau noir, qui doit gémir à l'endroit où le capitaine enfouit son butin; mais aucun n'a réussi. Barbe-Noire lui- même, qui avait été renseigné par un ancien matelot de Kid, Gabriel Loff, ne trouva dans les dunes, sur lesquelles est bâti aujourd'hui

VIES IMAGINAIRKS 231

Fort Providence, que des gouttes éparses de vif-argent suintant à travers les sa- bles. Et toutes ces fouilles sont inutiles, car le capitaine Kid déclara que ses cachettes resteraient éternellement inconnues à cause de «l'homme au baquet sanglant». Kid, en effet, fut hanté par cet homme pendant toute sa vie, et les trésors de Kid sont hantés et défendus par lui, depuis sa mort.

Lord Bellaraont, gouverneur des Barbades, irrité par l'énorme butin des pirates dans les Indes Occidentales, équipa la galère VA- ventiire, et obtint du roi, pour le capitaine Kid, la commission de commandant. Deimis longtemps Kid était jaloux du fameux Ire- land, qui pillait tous les convois; il promit à lord Bellamont de prendre sa chaloupe et de le ramener avec ses compagnons pour les faire exécuter. U Aventure portait trente canons et cent cinquante hommes. D'abord Kid toucha Madère et s'y fournit de vin;

232 VIES LMA(;INAIRES

puis Bonavist, pour y embarquer du sel; enfin, Saint-Iago, où il s'approvisionna complètement. Et de là il fil voile vers l'entrée de la Mer Rouge, où, dans le Golfe Persique, il y a un endroit d'une petite île qui se nomme la Clef de Bab.

C'est là que le capitaine Kid réunit fcs compagnons et leur fit hisser le pavillon noir à tête de mort. Ils jurèrent tous, sur la hache, obéissance absolue aux règlements des pirates. Chaque homme avait droit au vote, et titre égal aux provisions fraîches et liqueurs fortes. Les jeux de cartes et de dés étaient interdits. Les lumières et chan- delles devaient être éteintes à huit heures du soir. Si un homme voulait boire plus tard, il buvait sur le pont, dans la nuit, à ciel ouvert. La compagnie ne recevrait ni fem- me ni jeune garçon. Celui qui en introdui- rait sous déguisem*nt serait puni de mort. Les canons, pistolets et coutelas devaient

VIES IMAGINAIRES 233

être entretenus et astiqués. Les querelles se vicieraient à terre, au sabre et au pistolet. Le capitaine et le quartier-maître auraient droit à deux parts; le maître, le bosseman et le canonnier, à une et demie; les autres officiers à une un quart. Repos pour les musiciens le jour du Sabbat;

Le premier navire qu'ils rencontrèrent était hollandais, commandé par le Schipper Mitchel, Kid hissa le pavillon français et donna la chasse. Le navire montra aussi- tôt les couleurs françaises; sur quoi le pi- rate héla en français. Le Schipper avait un Français à bord, qui répondit. Kid lui de- manda s'il avait un passe-port. Le Français dit que oui: «Eh bien, par Dieu, répondit Kid, en vertu de votre passe-port, je vous prends pour capitaine de ce navire.» Et aussitôt, il le fit pendre à la vergue. Puis il fit venir les Hollandais un à un. Il les in- terrogea, et, feignant de ne point entendre

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234 VIES IMAGINAIRES

le flamand, ordonna pour chaque prison- nier: «Français — la planche!» On atta- cha une planche au bout-dehors. Tous les Hollandais coururent dessus, nus, devant la pointe du coutelas du bosseman, et sau- tèrent dans la mer.

A cet instant, le canonnier du capitaine Kid, Moor, éleva la voix: «Capitaine, cria- t-il, pourquoi tuez-vous ces hommes?» Moor était ivre. Le capitaine se retourna, et, saisissant un baquet, le lui asséna sur la tête. Moor tomba, le crâne fendu. Le capi- taine Kid fit laver le baquet, auquel les che- veux s'étaient collés, avec du sang caillé. Aucun homme de l'équipage ne voulut plus y tremper le faubert. On laissa le baquet attaché au bastingage.

De ce jour, le capitaine Kid fut hanté par l'homme au baquet. Quand il prit le vais- seau maure Queda, monté par des Indous et des Arméniens, avec dix mille livres d'or.

VIES IMAGINAIRES 235

au partage du butin riiomme au baquet san- glant était assis sur les ducats. Kid le vit bien et jura. Il descendit à sa cabine et vida une tasse de bombou. Puis, de retour surlepontjil fit jeter l'ancien baquetàlamer. A l'abordage du riche vaisseau marchand le Mocco, on ne trouva pas de quoi mesurer lespartsde poudre d'or du capitaine. «Plein un baquet» dit une voix derrière l'épaule de Kid. Il trancha l'air de son coutelas et essuya ses lèvres, qui écumaient. Puis il fit pendre les Arméniens. Les hommes de l'équi- page semblaient n'avoir rien entendu. Lors- que Kid attaqua V Hirondelle, il s'étendit sur sa couchette après le partage. Quand il se réveilla, il se sentit trempé de sueur, et ap- pela un matelot pour lui demander de quoi se laver. L'homme lui apporta de l'eau dans une cuvette d'étain. Kid le regarda fixement et hurla: «Est-ce là te conduire en gentil- homme de fortune? Misérable! tu m'apportes

2oG MES 1MA(.INAIRES

un baquet plein de song!» Le matelot s'en- fuit. Kid le fit débarquer et a])andonner mar- ron, avec un fusil, une bouteille de poudre et une bouteille d'eau. Il n'eut point d'autre raison pour enterrer son butin en différents lieux solitaires, parmi les sables, que la persuasion où il était que toutes les nuits le canonnier assassiné venait vider la soute à or avec son baquet pour jeter les richesses à la mer.

Kid se fit prendre au large de New-Yorli. Lord Bellamont l'envoya à Londres. Il fut condamné à la potence. On le pendit sur le quai de l'Exécution, avec son habit rouge et ses gants. Au moment où le bourreau lui enfonça sur les yeux le bonnet noir, le ca- pitaine Kid se débattit et cria: «Sacredieu! je savais bien qu'il me mettrait son baquet sur la tête!» Le cadavre noirci resta accro- ché dans les chaînes pendant plus de vingt ans.

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Walter Kennedy, Pirate illettré

WALTER KENNEDY

Le capitaine Kennedy était Irlandais et ne savait ni lire, ni écrire. Il parvint au grade de lieutenant, sous le grand Roberts, pour le talent qu'il avait dans la torture. Il possédait parfaitement l'art de tordre une mèche autour du front d^un prisonnier, jus- qu'à lui faire sortir les yeux, ou de lui ca- resser la figure avec des feuilles de palmier enflammées. Sa réputation fut consacrée au jugement qui fut fait, à bord le Cotsaire, de Darby MuUin, soupçonné de trahison. Les juges s'assirent contre l'habitacle du timonier, devant un grand bol de punch, avec des pipes et du tabac; puis le procès

240 VIES I.MA(i IN AIRES

commença. On allait voter sur la sentence, quand un des juges proposa de fumer en- core une pipe avant la délibération. Alors Kennedy se leva, tira sa pipe de sa bouche, cracha, et parla en ces termes:

— • Sacredieu! messieurs et gentilshom- mes de fortune, le diable m'emporte si nous ne pendons pas Darby MuUin, mon vieux camarade. Darby est un bon garçon, sacre- dieu! jeanfoutre qui dirait le contraire, et nous sommes gentilshommes, diable! On a souqué ensemble, sacredieu! et je Taime de tout mon cœur, foutre! Messieurs et gen- tilshommes de fortune, je le connais bien; c'est un vrai bougre; s'il vit, il ne se repen- tira jamais; le diable m'emporte s'il se re- pent, n'est-ce pas, mon vieux Darby? Pen- dons-le, sacredieu! et, avec la permission de l'honorable compagnie, je vais boire un bon coup à sa santé.»

Ce discours parut admirable et digne des

VIES IMAGINAIRES 241

plus belles oraisons militaires qui sont rap- portées par les anciens. Roberts fut enchan- té. De ce jour, Kennedy prit do l'ambition. Au large des Barbades, Roberts s'étant égaré dans une chaloupe à la poursuite d'un vais- seau portugais, Kennedy força ses compa- gnons à l'élire capitaine du Corsaire, et fit voile à son compte. Ils coulèrent et pillèrent nombre de brigantines et galères, chargées de sucre et de tabac du Brésil, sans compter la poudre d'or, et les sacs pleins de dou- blons et de pièces de huit. Leur drapeau était de soie noire, avec une tête de mort, un sablier, deux os croisés, et au-dessous un cœur surmonté d'un dard, d'où tombaient trois gouttes de sang. En cet équipage, ils rencontrèrent une chaloupe bien paisible de Virginie, dont le capitaine était un Quaker pieux, nornuK;^ Knot. Cet homme de Dieu n'avait à son bord ni rhum, ni pistolet, ni sabre, ni coûte as; il était vêtu d'un long

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242 VIES LMAGIN AIRES

habit noir, et coiffé d'un chapeau à larges bords de couleur pareille.

— Sacredieu! dit le capitaine Kennedy, c'est un bon vivant, et gai; voilà ce que j'aime; on ne fera pas de mal à mon ami, Monsieur le capitaine Knot, qui est habillé de façon si réjouissante.

M. Knot s'incUna, en faisant des mom- meries silencieuses.

— Amen, dit M. Knot. Ainsi soit-il.

Les pirates firent des cadeaux à M. Knot. Ils lui offrirent trente moidores, dix rou- leaux de tabac du Brésil, et des sachets d'é- meraudes. M. Knot prit très bien les moi- dores, les pierres précieuses et le tabac.

-r- Ce sont des présents qu'il est permis d'accepter, pour en faire un usage pieux. Ah! plût au ciel que nos amis, qui sillon- nent la mer, fussent tous animés de sem- blables sentiments! Le Seigneur accepte toutes les restitutions. Ce sont, pour ainsi

VIES niAOINAIRES 243

dire, les membres du veau, et les parties de ridole Dagon, que vous lui offrez, mes amis, en sacrifice. Dagon règne encore dans ces pays profanes, et son or donne de mauvai- ses tentations.

— Bougre de Dagon, dit Kennedy, tais ta gueule, sacredieu! prends ce qu'on te donne, et bois un coup.

Alors, M. Knot s'inclina paisiblement: mais il refusa son quart de rhum.

— Messieurs mes amis, dit-il...

— Gentilshommes de fortune, sacredieu! cria Kennedy.

— Messieurs mes amis gentilshommes, reprit M. Knot, les liqueurs fortes sont, pour ainsi dire, des aiguillons de tentation que notre faible chair ne saurait point suppor- ter. Vous autres, mes amis...

' — Gentilshommes de fortune, sacredieu! cria Kennedy.

— Vous autres, mes amis et fortunés gen-

^•i4 vip:s imaginaires

tilsliommes, reprit M. Knot, qui êtes endur- cis par de longues épreuves contre le Ten- tateur, il est possible, probable, dirai-je, que vous n'en souffrez point d'inconvénient; mais vos amis seraient inconnnodés, grave- ment incommodés...

— Incommodés au diable! dit Kennedy. Cet homme parle admirablement, mais je bois mieux. Il nous mènera en Caroline voir ses excellents amis qui i)Ossèdent sans doute d'autres membres du veau qu'il dit. N'est-ce pas, Monsieur le capitaine Dagon?

— Ainsi soit-il, dit le Quaker, mais Knot est mon nom.

Et il s'inclina encore. Les grands bords de son chapeau tremblaient sous le vent.

Le Corsaire jeta l'ancre dans une crique favorite de l'homme de Dieu. Il promit d'a- mener ses amis, et revint, en effet, le soir même, avec une compagnie de soldats envoyés par M. Spotswood, gouverneur de

VIES IMAGINAIRES 245

la Caroline. L'homme de Dieu jura à ses amis, les fortunés gentilshommes, que ce n'était qa'à l'effet de les empêcher d'intro- duire en ces pays profanes leurs tentatrices liqueurs. Et quand les pirates furent arrê- tés:

— Ah! mes amis, dit M. Knot, acceptez toutes les mortifications, ainsi que je l'ai fait.

— Sacredieu! mortification est le mot, jura Kennedy.

Il fut mis aux fers à bord d'un transport pour être jugé à Londres. Old Bailey le reçut. Il fit des croix sui' tous ses interro- gatoires, et y posa la même marque que sur ses quittances de prise. Son dernier dis- cours fut prononcé sur le quai de l'Exécu- tion, où la brise de mer ballottait les cada- vres d'anciens gentilshommes de fortune, pendus dans leurs chaînes.

— Sacredieu! c'est bien de l'honneur,

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240 VIES IMAGINAIRES

dit Kennedy en regardant les pendus. Ils vont m'accrocher à côté du capitaine Kid. Il n'a plus d'yeux, mais cela doit bien être lui. Il n'y avait que lui pour porter un si riche habit de drap cramoisi. Kid a tou- jours été un homme élégant. Et il écrivait I Il connaissait ses lettres, foutre! Une si belle main! Excuse, capitaine. (Il salua le corps sec en habit cramoisi). Mais on a été aussi gentilhomme de fortune.

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Le Major Stede Bonnet, Pirate par humeur

LE MAJOR STEDE BONNET

Le Major Stede Bonnet était un gentil- homme retraité de l'armée qui vivait sur ses plantages, dans l'île de Barbados, vers 1715. Ses champs de cannes à sucre et de caféiers lui donnaient des revenus, et il fumait avec plaisir du tabac qu'il cultivait lui-môme. Ayant été marié, il n'avait point été heureux en ménage, et on disait que sa femme lui avait tourné la cervelle. En effet sa manie ne le prit guère qu'après la quarantaine, et d'abord ses voisins et ses domestiques y cédèrent innocemment.

La manie du Major Stede Bonnet fut telle. En toute occasion, il commença de dépré-

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cier la tactique terrestre et de louer la ma- rine. Les seuls noms qu'il eût à la bouche étaient ceux d'Ave ry, de Charles Vane, de Benjamin Hornigold et d'Edward Teach. C'étaient, selon lui, de hardis navigateurs et des hommes d'entreprise. Ils ècumaientdans ce temps la mer des Antilles. S'il advenait qu'on les nommât pirates devant le major, celui-ci s'écriait:

— Loué donc soit Dieu pour avoir permis à ces pirates, comme vous dites, de donner l'exemple de la vie franche et commune que menaient nos aïeux. Lors il n'y avait point de possesseurs de richesses, ni de gardiens de femmes, ni d'esclaves pour fournir le sucre, le coton ou l'indigo; mais un dieu généreux dispensait toutes choses et chacun en recevait sa part. Voilà pourquoi j'admire extrêmement les hommes libres qui parta- gent les biens entre eux et mènent ensemble la vie des compagnons de fortune.

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Parcourant ses plantages, le Major frap- pait souvent l'épaule d'un travailleur:

— Et ne ferais-tu pas mieux, imbécile, d'arrimer dans quelque flûte ou brigantine les ballots delà misérable plante sur les pous- ses de laquelle tu verses ici ta sueur?

Presque tous les soirs, le major réunissait ses serviteurs sous les appentis à grains, où il leur lisait, à la chandelle, tandis que des mouches de couleur bruissaient autour, les grandes actions des pirates d'Hispaniola et de l'île de la Tortue. Car des feuilles vo- lantes avertissaient de leurs rapines les vil- lages et les fermes.

— Excellent Vane! s'écriait le Major. Bra- ve Hornigold, véritable corne d'abondance emplie d'or! Sublime Avery, chargé des joyaux du grand Mogol et roi de Madagas- car 1 Amirable Teach, qui as su gouverner successivement quatorze femmes et t'en dé- barrasser, et qui as imaginé de livrer tous

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les soirs la dernière (elle n'a que seize ans) à tes meilleurs compagnons (par pure géné- rosité, grandeur d'âme et science du monde) dans ta bonne île d'Okereco*k! qu'heureux serait celui qui suivrait votre sillage, celuiqui boirait son rhum avec toi, Barbe-Noire, maître de la Bevanche de la Reine Anne! Tous discours que les domestiques du Ma- jor écoutaient avec surprise et en silence; et les paroles du Major n'étaient interrompues que par le léger bruit mat des petit* lézards, à mesure qu'ils tombaient du toit, la frayeur relâchant les ventouses de leurs pattes. Puis le Major, abritant la chandelle de la main, traçait de sa canne parmi les feuilles de ta- bac toutes les manœuvres navales de ces grands capitaines et menaçait de la loi de Moïse (c'est ainsi que les pirates nomment une bastonnade de quarante coups) quicon- que ne comprendrait point la finesse des évolutions tactiques propres à la flibuste.

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Finalement le Major Stede Bonnet ne put y résister davantage; et, ayant acheté une vieille chaloupe de dix pièces de canon, il l'équipa de tout ce qui convenait à la pira- terie comme coutelas, arquebuses , échelles, planches, grappins, haches, Bibles (pour prêter serment), pipes de rhum, lanternes, suie à noircir le visage, poix, mèches à faire brûler entre les doigts des riches marchands et force drapeaux noirs à tête de mort blai> che, avec deux fémurs croisés et le nom du vaisseau: la Revanche. Puis, il fit monter soudain à bord soixante-dix de ses domes- tiques et prit la mer, de nuit, droit à l'Ouest, rasant Saint-Vincent, pour doubler le Yuca- tan et ècumer toutes lescôtes jusqu'à Savan- nah (où il n'arriva point).

Le Major Stctla Bonnet ne connaissait rien aux choses de la mer. Il commença donc à perdre la tête entre la boussole et l'astrolabe, brouillant artimon avec artillerie, misaine

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254 VIES IMAGINAIRES

avec dizaine, bout-dehors avec boute-selle, lumières de caronade avec lumières de canon , ècoutille avec écouvillon, commandant de charger pour carguer, bref, tant agité par le tumulte des mots inconnus et le mou- vement inusité de la mer, qu'il pensa rega- gner la terre deBarbados, sileglorieuxdésir dehisserle drapeau noir à la vue du premier vaisseau ne Teût maintenu dans son dessein. 11 n'avait embarqué nulles provisions, comp- tant sur son pillage. Mais la première nuit on n'aperçut pas les feux de la moindre flûte. Le Major Stede Bonnet décida donc qu'il faudrait attaquer un village.

Ayant rangé tous ses hommes sur le pont, il leur distribua des coutelas neufs et les exhorta à la plus grande fèrorité; pnis fit apporter un baquet desuia dont il se noircit lui-même le visage, en leur ordonnant de l'imiter, ce qu'ils firent non sans gaieté. Enfin, jugeant d'après ses souvenirs qu'il

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convenait de stimuler son équipage avec quelque boisson coutumière aux pirates, il leur fit avaler à chacun une pinte de rhum mêlée de poudre (n'ayant point de vin qui est l'ingrédient ordinaire en piraterie). Les domestiques du Major obéirent; mais, contrairement aux usages, leur figure ne s'enflamma pas de fureur. Ils s'avancèrent avec assez d'ensemble à bâbord et à tribord, et, penchant leurs faces noires sur les bas- tingages, offrirent cette mixture à la mer scélérate. Après cpioi, la Revanche étant à peu près échouée sur la côte de Saint-Vin- cent, ils débarquèrent en chancelant.

L'heure était matinale, etles visages éton- nés des villageois n'excitaient point à la colère. Le cœiir du Major lui-même n'était pas disposé à des hurlements. Il fit donc fièrement l'emplette de riz et de légumes secs avec du porc salé, lesquels il paya (en façon de pirate et fort noblement, lui sembla-t-il)

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avec deux barriques de rhum et un vieux câble. Après quoi, les hommes réussirent péniblement à remettre ^a Revanche à flot; et le Major Stede Bonnet, enflé de sa pre- mière conquête, reprit la mer.

Il fit voile tout le jour et toute la nuit, ne sachant point de quel vent il était poussé. Vers l'aube du second jour, s'ètant assoupi contre l'habitacle du timonier, fort gêné de son coutelas et de son espingole, le Major Stede Bonnet fut éveillé par le cri:

— Ohé de la chaloupe!

Et il aperçut à une encablure le bout- dehors d'un vaisseau qui se balançait. Un homme très barbu était à la proue. Un petit drapeau noir flottait au mât.

— Hisse notre pavillon de mort! s'écria le Major Stede Bonnet.

Et, se souvenant que son titre était d'ar- mée de terre, il décida sur le champ de •prendre un autre nom, suivant d'illustres

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exemples. Sans aucun retard, il répondit donc:

— Chaloupe la Revanche, commandée par moi, capitaine Thomas, avec mes compagnons de fortune.

Sur quoi l'homme barbu se mit à rire:

— Bien rencontré, compagnon, dit-il. Nous pourrons voguer de conserve. Et venez boire un peu de rhum à bord de la Revan- che de la Reine Anne.

Le Major Stede Bonnet comprit de suite qu'il avait rencontré le capitaine Teach, Barbe-Noire, le plus fameux de ceux qu'il admirait. Mais sa joie fut moins grande qu'il ne l'eût pensé. Il eut le sentiment qu'il allait perdre sa liberté de pirate. Taciturne, il passa sur le bord du vaisseau de Teach, qui le reçut avec beaucoup de grâce, le verre en main.

— Compagnon, dit Barbe-Noire, tu me plais infiniment. Mais tu navigues avec

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imprudence. Et, si tu m'en crois, capitaine Thomas, tu demeureras dans notre bon vais- seau, et je ferai diriger ta chaloupe par ce brave homme très expérimenté qui s'appelle Richards; et sur le vaisseau de Barbe-Noire" tu auras tout loisir de profiter en la liberté d'existence des gentilshommes de fortune. Le Major Stede Bonnet n'osa refuser. On le débarrassa de son coutelas et de sonespin- gole. Il prêta serment sur la hache (car Barbe-Noire ne pouvait supporter la vue d'une Bible) et on lui assigna sa ration de biscuit et de rhum, avec sa part des prises futures. Le Major ne s'était point imaginé que la vie des pirates fût aussi réglementée. Il subit les fureurs de Barbe-Noire et les affres de la navigation. Etant parti de Bar- bados en gentilhomme, afin d'être pirate à sa fantaisie, il fut ainsi contraint de devenir véritablement pirate sur la Revanche de la Reine Anne.

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Il mena cette vie pendant trois mois, du- rant lesquels il assista son maître dans treize prises, puis trouva moyen de repasser sur sa propre chaloupe, la Revanche, sous le commandement de Richards. En quoi il fut prudent, car la nuit suivante, Barbe-Noire flit attaqué à l'entrée de son île d'Okereco*k par le lieutenant Maynàrd, qui arrivait de Bathtown. Barbe-Noire fut tué dans le com- bat, et le lieutenant ordonna qu'on lui cou- pât la tête et qu'on l'attachât au bout de son beaupré; ce qui fut fait.

Cependant, le pauvre capitaine Thomas s'enfuit vers la Caroline du Sud et navigua tristement encore plusieurs semaines. Le gouverneur de Charlestown, averti de son passage, délégua le colonel Rhet pour s'em- .parer de lui à l'île de Sullivans. Le capitaine Thomas se laissa prendre. Il fut mené à Char- lestown en grande pompe, sous le nom de Major Stede Bonnet, qu'il réassuma sitôt qu'il

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le put. Il fut mis en geôle jusqu'au 10 no- vembre 1718, où il comparut devant la cour de la vice-amiraulé. Le chef de la justice, Nicolas Trot, le condamna à mort par le très beau discours que voici:

— Major Stede Bonnet, vous êtes con- vaincu de deux accusations de piraterie: mais vous savez que vous avez pillé au moins treize vaisseaux. En sorte que vous pourriez être accusé de onze chefs de plus; mais deux nous suffiront (dit NicolasTrot), car ils sontcontrai- res à la loi divine qui ordonne: Tu ne déro- beras point (Exod. 20, 15) et l'apôtre saint Paul déclare expressément que les larrons rChériteront 'point le Royaume de Dieu (I. Cor. 6, 10). Mais encore êtes-vous coupa- ble d'homicide: et les assassins (dit Nicolas Trot) auront leur part dans Vètang ardent de feu et de soufre qui est la seconde mort (Apoc. 21, 8). Et qui donc (ditNicolas Trot) pourra sèjouriier avec les ardeurs éternel-

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les? (Esaï. 33, 14). Ah! Major Stede Bonnet, j'ai juste raison de craindre que les princi- pes de la religion dont on a imbu votre jeu- nesse (dit Nicolas Trot) ne soient très cor- rompus par votre mauvaise vie et par votre trop grande application à la littérature et à la vaine philosophie de ce temps; car si voire plaisir eût été en la loi deVEternel (dit Ni- colas Trot) et que vous l'eussiez méditée nuit et jour (Psal. 1, 2,) vous auriez trouvé que la parole de Bleu était une lampe à vos pieds et une lumière à vos sentiers (Psal. 119, 105). Mais ainsi n'avez-vous fait. 11 ne vous reste donc qu'à vous fier sur V Agneau de Dieu (dit Nicolas Trot) q^d oie le péché du monde (Jean. 1, 29) qui est venu pour sauver ce qui était perdu {}l!i2X\i\QVi. 18,11), et a promis qiCil ne jettera point dehors celui qui viendra à lui (Jean. 6, 37). En sorte que si vous voulez retourner à lui, quoique tard (dit Nicolas Trot), comme les

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ouvriers de la onzième heure dans la para- bole des vignerons (Mathieu. 20, G, 9), il pourra encore vous recevoir. Cependant* la cour prononce (dit Nicolas Trot) que vous serez conduit au lieu de l'exécution où vous serez pendu par le col jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Le Major Stede Bonnet, ayant écouté avec componction le discours du chef de la jus- tice, Nicolas Trot, fut pendu le même jour à Charlestown comme larron et pirate.

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MM. Burke et Hare, Assassins

MM. BURKE ET HARE

M. "William Biirke s'éleva de la condition la plus basse à une renommée éternelle. Il naquit en Irlande et débuta comme cordon- nier. Il exerça ce métier pendant plusieurs an- nées à Edimbourg, où il fit son ami de M. Hare sur lequel il eut une grande influence. Dans la collaboration de MM. Burke et Hare, il n'y a point de doute que la puissance inventive et simplificatrice n'ait appartenu à M. Burke. Mais leurs noms restent inséparables dans l'art comme ceux de Boaumont et Fletcher. Ils vécurent ensemble, travaillèrent ensemble et furent pris ensemble. M. Hare ne protesta jamais contre la faveur populaire qui s'attacha

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particulièrement à la personne de M. Burke. Un si complet désintéressem*nt n'a pas r.çu sa récompense. C'est M. Burke qui a lé- gué son nom au procédé spécial qui mit les deux collaborateurs en honneur. Le mono- syllabe burhe vivra longtemps encore sur lei lèvres des hommes, que déjà la personne de Hare aura disparu dans l'oubli qui se ré- pand injustement sur les travailleurs obs- curs.

M. Burke parait avoir apporté dans son 03uvre la fantaisie féerique de l'ile verte où il était né. Son âme dut être trempée des récits du folklore. Il y a, dans ce qu'il a fait, comme un lointain relent des Mille et une Nuits. Semblable au calife errant le long des jardins nocturnes de Bagdad, il dé- sira de mystérieuses aventures, étant curieux de récits inconnus et de personnes étrangè- res. Semblable au grand esclave noir armé d'un lourd cimeterre, il ne trouva point de

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plus digne conclusion à sa volupté que la mort pour les autres. Mais son originalité anglo-saxonne consista en ce qu'il réussit à tirer le parti le plus pratique de ses rôderies d'imagination de Celte. Quand sajouissance artistique était terminée, que faisait Tesclave noir, je vous prie, de ceux à qui il avait coupé la tête? Avec une barbarie tout arabe il les dépeçait en quartiers pour lés conser- ver, salés, dans un sous-sol. Quel profit en tirait-il? Aucun. M. Burke fut infiniment supérieur.

En quelque façon, M. Hare lui "servit de Dinarzade. 11 semble que le pouvoir d'in- vention de M. Burke ait été spécialement excité par la présence de son ami. L'illusion de leurs rêves leur permit de se servir d'un galetas pour y lo^er de pompeuses visions. M. Hare vivait dans un petit cabinet, au sixième étage d'une haute maison très peu- plée d'Edimbourg. Un canapé, une grande

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caisse et quelques ustensiles de toilette, sans doute, en composaient presque tout le mobi- lier. Sur une petite table, une bouteille de whisky avec trois verres. De règle, M. Burke ne recevait qu'une personne à la fois, ja- mais la même. Sa façon était d'inviter un passant inconnu, à la nuittombante. Il errait dans les rues pour examiner les visages qui lui donnaient de la curiosité. Quelquefois il choisissait au hasard. 11 s'adressait à l'é- tranger avec toute la politesse qu'aurait pu y mettre Haroun-Al-Raschid. L'étranger gra- vissait les six étages du galetas de M. Hare. On lui cédait le canapé; on lui offrait du whisky d'Ecosse à boire. M. Burke le ques- tionnait sur les incidents les plus surpre- nants de son existence. C'était un écouteur insatiable que M. Burke. Le récit était tou- jours interrompu par M. Hare, avant le point du jour. La forme d'interruption de M. Hare était invariablement la même et très

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impérative. Pour interrompre le récit, M. Hare avait coutume de passer derrière le canapé et d'appliquer ses deux mains sur la bouche du conteur. Au même moment, M. Burke venait s'asseoir sur sa poitrine. Tous deux, en cette position, rêvaient, immobiles, à la fin de l'histoire qu'ils n'entendaient jamais. De cette manière, MM. Burke et Hare termi- nèrent un grand nombre d'histoires que le monde ne connaîtra point.

Quand le conte était définitivement arrêté, avec le souffle du conteur, MM. Burke et Hare exploraient le mystère. Ils déshabillaient l'inconnu, admiraient ses bijoux, comptaient son argent, lisaient ses lettres. Quelques cor- respondances ne furent pas sans intérêt. Puis ils mettaient le corps à refroidir dans la grande caisse de M. Hare. Et ici, M. Bur- ke montrait la force pratique de son es- prit.

Il importait que le cadavre fût frais, mais

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non tiède, afin de pouvoir utiliser jusqu'au déchet du plaisir de l'aventure.

En ces premières années du siècle, les médecins étudiaient avec passion l'anatomie; mais, à cause des principes de la religion, ils éprouvaient beaucoup de difficulté à se procurer des sujets pour les disséquer. M. Burke, en esprit éclairé, s'était rendu com- pte de cette lacune de la science. On ne sait comment il so lia avec un vénérable et sa- vant praticien, le docteur Knox, qui pro- fessait cà la Faculté d'Edimbourg. Peut-être M. Burke avait-il suivi des cours publics, quoique son imagination dût le faire incli- ner plutôt vers les goûts artistiques. Il est certain qu'il promit au docteur Knox de lui aider de son mieux. De son côté, le docteur Knox s'engagea à lui payer ses peines. Le. tarif allait en décroissant depuis les corps de jeunes gens jusqu'aux corps de vieillards. Ceux-ci intéressaient médiocrement le doc-

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teur Knox. C'était aussi l'avis de M. Burke — car d'ordinaire ils avaient moins d'ima- gination. Le docteur Knox devint célèbre entre tous ses collègues pour sa science anatomique. MM. Burke et llare profitèrent de la vie en dilettantes. Il convient sans dQute de placer à cette époque la ]:!.'■ iio';.îe classique de leur existence.

Carie génie tout-puissant do M. Burke l'entraîna bientôt hors des nornirs et régir s d'une tragédie où il y avait toujours un récit et un confident. M. Barke évolua tout seul (il serait puéril d'invoquer l'influence de M. Hare) vers une espèce de romantisme. Le décor du galetas de M. Hare ne lui suffisant plus, il inventa le procédé nocturne dans le brouillard. Les nombreux imitateurs de M. Burke ont un peu terni l'originalité de sa manière. Mais voici la véritable tradition du maître.

La féconde imagination de M. Burke s'é-

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tait lassée des récits éternellement sembla- bles de l'expérience humaine. Jamais le résultat n'avait répondu à son attente. Il en vint à ne s'intéresser qu'à l'aspect réel, tou- jours varié pour lui, de la mort. Il localisa tort 1-- àraiU' dans le dénouement. La qua-

.-i iirs ne lui importa plus. Il s'en

Mi.i au linsard. L'accessoire unique du ti:éâtre de M. Burke fut un masque de toile empli de poix. M. Burke sortait par les nuits de brume, tenant ce masque à la main. Il était accompagné de M. Hare. M. Burke attendait le premier passant, mar- chait devant lui, puis, se retournant, lui ap- phquait le masque de poix sur la figure, sou- dainement et solidement. Aussitôt MM. Bur- ke et Hare s'emparaient, chacun d'un côté, des bras.de l'acteur. Le masque de toile empli de poix présentait la simplification géniale d'étouffer à la fois les cris et l'halei- ne. De plus, il était tragique. Le brouillard

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estompait les gestes du rôle. Quelques ac- teurs semblaient mimer l'ivrogne. La scène terminée, MM. Burke et Hare prenaient un cab, déséquipaient le personnage; M. Hare surveillait les costumes, et M. Burke mon- tait un cadavre frais et propre chez le doc- teur Knox.

C'est ici, qu'en désaccord avec la plupart des biographes, je laisserai MM. Burke et Hare au milieu de leur auréole de gloire. Pourquoi détruire un si bel effet d'art en les menant languissamment jusqu'au bout de leur carrière, en révélant leurs défaillances et leurs déceptions? Il ne faut point les voir ailleurs que leur masque à la main, errant par les nuits de brouillard. Car la fin de leur vie fut vulgaire et semblable à tant d'autres. Il paraît que l'un d'eux fut pendu et que le docteur Knox dut quitter la Faculté d'Edim- bourg. M. Burke n'a pas laissé d'autres œuvres.

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Full text of English translation by Lorimer Hammond

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PREFACE

The science of history leaves us uncertain as to individuals, revealing only those points by which individuals have been attached to generalities. History tells us that Napoleon was ill on the day of Waterloo; that we must attribute Newton’s excessive intellectuality to the absolute consistency of his temperament; that Alexander was drunk when he killed Klitos; and that the fistula of Louis XIV was perhaps the cause of certain of his resolutions. Pascal speculates on the length of Cleopatra's nose . . . the possible consequences had it been a trifle shorter; and on the grain of sand in Cromwell’s urethra. All these facts are valued only when they modify events or alter a series of events. They are causes, established or possible. We must leave them to savants.

Contrary to history, art describes individuals, desires only the unique. It does not classify, it unclassifies. No matter how much they may engage us, our generaliza¬ tions may be likened to those pursued upon the planet Mars, and three lines drawn to intersect them might form a triangle on all the points of the universe. But consider a leaf with its intricate nerve system, its color variegated by shade and sun; the imprint of a raindrop; the tiny mark left by an insect; the silver trace of a snail; or the first mortal touch of autumn gold. Search all the forests of the earth for another leaf exactly like it. I defy you to find one. There is no science for the teguments of a leaf, for the filaments of a cell structure, the winding of a vein, the passion of a habit, or for the twists and quirks of character. That a man’s nose is broken; one of his eyes higher than the other; an arm shrunken; that he habitually eats chicken at a certain hour or prefers Malvoise to Chateau-Margaux . . . there is something unparalleled in the world. Thales might have said YNQ0I ZEAYTON as well as Socrates, but he would never have scratched his leg in precisely the same manner before drinking the hemlock draught. Great minds and their ideas are humanity’s common heritage. Actually, great men themselves possess only that which is bizarre about them. To describe a man in all his anomalies a book should be a work of art, like a Japanese print whereon the image of a tiny caterpillar, seen once at one particular hour of a day, is found eternally recorded.

On such individual facts history is silent.In the crude collection of material furnish¬ing our testimony we find few singular or in¬imitable relics. Misers all, valuing onlypolitics or grammar, the ancient biographershave transmitted no more to us than thediscourses of great men or the titles of theirworks. It was Aristophanes himself whogave us the joy of knowing that he was bald;[9]PREFACEand if the flat nose of Socrates had notserved in literary comparisons, if his cus¬tom of walking barefoot had not been partof his system of philosophic scorn, we shouldhave nothing left of him but moral disserta¬tions. The gossip of Suetonius Tranquillusremains little more than spiteful polemic.Plutarch’s genius made an artist of him attimes, though while he realized the essenceof his art, he was always imagining parallels,as if two men properly described in all theirqualities can ever resemble each other. Inour search we are driven to consider theAtheneum, Aulu-Gelle, the scholiasts andeven Diogenes Lasrce, who thought he hadcomposed a sort of history of philosophy.In modern times the study of the indi¬vidual has developed advantageously. Bos¬well’s book would have been perfect had henot felt obliged to quote Johnson’s corre¬spondence together with digressions onJohnson’s works. More satisfying on thewhole are Aubrey’s Lives of Eminent Men,[ 10 1PREFACEAubrey had the instinct of a true biog¬rapher, there can be no doubt about it.What a pity it is that this excellent anti¬quarian’s style could not rise to the level ofhis conceptions! His book might have beenthe eternal masterpiece of its species, forAubrey never saw the necessity of estab¬lishing connections between individual factsand general actions. Others, he knew, wouldsome day mark the celebrity of those greatmen in whom he interested himself, and hewas satisfied. Statesman, poet or clockmaker, each subject finds, under his pen,some unique trait distinguishing that manforever among all men.During his one hundred and ten yearsof life the painter Hokusai hoped to arriveat the ideal of his art. In that moment, hesaid, every point and every line traced byhis pencil should be a living thing. By“living” he meant unique and individual.Now lines and points are superlatively alike:geometry is founded on that postulate. Yet[u]PREFACEHokusai’s perfection of art required a super¬lative difference between them. To that endideal biography should seek infinite differen¬tiation between two philosophies inventedaround the same metaphysic. That is whyAubrey, concerning himself uniquely withmen, never attained perfection, for he neveraccomplished the miraculous transformationof resemblances and diversities hoped for byHokusai. But neither did Aubrey attainthe age of one hundred and ten. He is esti¬mable, nevertheless, and he himself hassummed up the limitations of his own book.“I recall,” he writes in his preface to An¬thonyWood, “General Lambert’s words ‘thebest of men are but men at best’ and you willfind numerous examples of such in thiscrude, precocious collection. Should thesearcana be revealed today or thirty yearshence? It might be better if author andsubject (like medlars) first die and rot.”Among Aubrey’s predecessors can befound some of the rudiments of his art.[12]PREFACEDiogenes Lserce tells us that Aristotle woreon his abdomen a leather bag filled withhot oil, and that a quantity of terra-cottavases were found in his house after his death.We shall never know what Aristotle didwith all that pottery, and the mystery is asagreeable as Boswell’s conjectures regard¬ing the orange peelings which Johnson wasaccustomed to save and carry in his pockets.For once Diogenes Lserce rises near to thesublimity of inimitable Boswell, but suchpleasures are rare. Aubrey, however, offersthem in nearly every line. Milton, he tellsus, “pronounced the letter R very hard.”Spencer was a “little man with his hair cutshort, wearing a little collarette and littlecuffs.” Barclay “lived in England duringthe reign of King Jacobus. He was an oldman with a white beard and he wore aplumed hat that scandalized his severe neigh¬bors.” Erasmus “did not care for fish inspite of the fact that he came from a fishingvillage.” As for Bacon, “none of his serv-[ 13]PREFACEants dared appear before him in any bootsbut those made of Spanish leather, for hisnose was sure to detect the smell of calfskin, which he detested.” Doctor Fuller“concentrated so deeply upon his work thathe often ate a two-penny roll without evernoticing it, as he walked out before dinner,wrapped in thought.” Aubrey gives thefollowing account of Sir William Davenant:“I attended his funeral. He had a walnutcoffin. Sir John Denham vowed it the finestcoffin he had ever seen.” Of Ben Jonson hewrote “I have heard Mr. Lacy, the actor,say he had a habit of wearing a cloak like acoachman’s, with vents under the armpits.”Aubrey’s record of William Prynne declares“his manner of working was thus: he puton a tall pointed cap that kept sliding downover his eyes, serving as an eye-shade, andabout every three hours his servants broughthim a loaf of bread and a pot of ale torefresh his spirit, and so he worked on, drink¬ing and munching, until evening when he[14]PREFACEate a good dinner.” Hobbes, says Aubrey,“grew very bald in his old age. It was hiscustom to study bareheaded, saying he nevertook cold, but was very much annoyed bythe flies lighting on his bald head.” Of JohnHarrington’s Oceana Aubrey tells us noth¬ing, though he relates the following story ofits author: “In A. D. 1660 he was made aprisoner in the tower under close guard,and was afterwards removed to PortseyCastle. His confinement in these prisons(he was a hot-headed, high-spirited gentle¬man) brought on delirium or madness. Henever became violent, for he talked reason¬ably enough and was very pleasant com¬pany, but was pursued by the fantasticnotion that his perspiration turned into fliesand bees ad cetera sobrius. He had a por¬table house put up in Mr. Hart’s garden(facing St. James’s Park), and there hemade his experiments. Pushing his houseinto the full sunlight, he closed all the win-[ is]PREFACEdows and sat down with a fox brush to mas¬sacre all the flies and bees discovered. Sincehe always made the experiment in warmweather, there were usually a few flies inthe folds of the curtains. When the heatdrew them out after a quarter of an hour orso, he would exclaim, ‘now can’t you seeplainly enough they come from me?’ ”Here is what Aubrey says of Merton:“His real name was Head. Mr. Boveyknew him well. Born in . . ., he was at onetime a bookseller and had also traveled withthe Gypsies. His goggling eyes gave himthe air of a rogue, for he could change theminto any form he wished. Bankrupt twiceor three times over, he began to sell bookstoward the last. He earned his living atscribbling, for which he was paid twentyshillings a page, and he wrote several books:The English Rogue, The Art of Whee¬dling, etc. He was drowned at sea while onhis way to Plymouth about 1676, when he[16]PREFACEwas about fifty years old.” But I must quotehis biography of Descartes:“Meur Renatus des CartesNobilis Gallus, Perroni Dominus, summus Mathematicus et Philosophus, natusturonmn, pridie Calendas Apriles 1596.Denatus Holmias, Calendus Februarii, 1650.(I find this inscription on his portraitby C. V. Dalen.) How did he spend hisyouth, and by what means become solearned? He has given the world knowledgeof these matters in his treatise De la Method.The Society de Jesus prides itself with hav¬ing had the honor of his education. For anumber of years he lived at Egmont nearThe Hague, and several of his books aredated from there. He was far too wise aman to encumber himself with a wife, butbeing nevertheless a man with a man’s de¬sires and appetites, he took for a companiona handsome, well-made woman whom heloved, and who bore him several children[17]PREFACE(two or three, I believe). It would be verysurprising had the offspring of such a fathernot received excellent educations. So emi¬nently learned was he that all the scholarsof the day visited him, many asking to seehis instruments (in those days the science ofmathematics was thought to consist largelyin a knowledge of instruments). Then thegreat savant would pull out a little drawerin his table and show his guests a compasswith one arm broken, a twisted scrap ofpaper serving in place of the missing part.”Aubrey clearly understood this phase ofhis work. He was perfectly conscious ofwhat he did. Do not think he mistook thevalue of Hobbes or Descartes as philoso¬phers. He was simply not interested there.He tells us plainly enough that Descarteshimself has explained his ideas and systemsto the world. Aubrey does not ignore thefact that Harvey discovered the principle ofthe blood’s circulation, but he prefers to notedown how this great man strolled abroad in[18]PREFACEhis nightshirt to walk off the insomnia, thathe was a faulty penman and that the mostcelebrated doctors in London would nothave given sixpence for any of his prescrip¬tions. Aubrey is sure he is startling us whenhe describes Francis Bacon’s eye as beingfine, hazel, and quick like a viper’s. ButAubrey was not the artist that Holbein was.He never knew how to fix an individualforever in our minds by giving us his specialtraits against a background of resemblances,to the average or the ideal. He put life in

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the eye, the nose, the leg or the pout of hismodels; he could not animate the face. OldHokusai saw very well the necessity of draw¬ing generalities so that they should seem tobe individual. Aubrey failed to penetrateas deep as that. Were Boswell’s book con¬fined to ten pages it would be the artisticmasterpiece so long awaited. Doctor Johnson’s good taste guided him safely throughthe vulgar and the commonplace. Boswell[19]PREFACEhas slighted the bizarre violence that gaveJohnson a quality unique in all the world.One might print a Scientia Johnsonianawith an index Boswell would not have hadthe esthetic courage to choose from.As an art, biography is founded uponchoice; truth need not be its preoccupation,for out of a chaos of human traits it cancreate. To create the world, said Leibnitz,God chose the best from the possible. So,like some inferior deity, biography shouldselect unique individuals from the realm ofhuman material available. And it shouldfail in its art no farther than God fails inHis favor and mercy. In both cases instinctmust be infallible. Patient men have assem¬bled ideas, records of events and descriptionsof faces—all for the benefit of biography.In the midst of these great collections artmust choose what it needs to compose a formthat will be like no other form. It mattersnot if this form resemble something formerly[20]PREFACE3created by a superior god, so long as it isunique and a genuine creation.As a rule biographers have unfortunatelyconsidered themselves historians, thus de¬priving us of many admirable portraits.They have supposed the lives of great menonly would interest us. Art is a stranger tosuch considerations. To the eyes of a paintera portrait of an unknown man, by Cranach,is as valuable as a portrait of the greatErasmus. For the name, Erasmus, cannotmake a picture inimitable. Biography shouldgive as much worth to an obscure actor as itgives to the life of Shakespeare. Deep is theinstinct compelling us to note with pleasurethe shortened sterno-mastoid formation ina bust of Alexander, or the lock of hair inportraits of Napoleon. The Mona Lisasmile of which we know nothing (it is pos¬sibly a man’s face), remains forever mys¬terious and arresting. A grimace drawn byHokusai leads us to profound meditation.If the art in which Boswell and Aubrey[21]PREFACEexcelled is to be continued, minute recordsof great men or epochs or events of the pastare not especially needed. With equal caremust be recounted the unique existences ofmen—priests, criminals or nobodies.[22]

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EMPEDOCLES

Supposed GodIEMPEDOCLESNo one knows in what manner he wasborn or how he came upon the earth. Heappeared near the golden banks of the riverAcragas, in the good city of Agrigentum, alittle after the time Xerxes had the seabeaten with chains. Tradition tells onlythat his grandfather named him Emped¬ocles; nothing more is known. Undoubt¬edly he was said to be self-conceived, for hewas admittedly a god. His disciples weresure that before visiting in his glory theSicilian lands, he had already passed throughfour existences, having been plant, fish, birdand girl. He wore a purple mantle with hislong locks falling over it; he had a fillet ofgold around his head, on his feet were brazensandals, and he carried a garland of fleeceand laurel intertwined.By the touch of his hand he cured the sick,[25]IMAGINARY LIVESor, mounted on a chariot, he would reciteverses in the Homeric style, with pompousaccents, his head raised toward the heavens.Great troops of people followed him, pros¬trating themselves before him as they lis¬tened to his poems. Under bright skiesshining over fields of grain, men from allparts came to Empedocles, their arms filledwith offerings. He held them spellbound,singing of a divine crystal vault, the mass offire we call the sun, and the love that en¬velops all like a vast sphere.All beings, he said, are no more than dis¬jointed fragments of this sphere of love,though hate has been insinuated into them.And that which we now call love, he con¬tended, is our desire to unite ourselves oneunto the other, to merge and be lost as weonce were lost on the breast of this greatsphere-god whom discord has alienated. Heinvoked the day when the old divinity shouldrise again after the transformation of souls.For, he said, the world we know is a product[26]EMPEDOCLESof hatred and its dissolution shall be thework of love. In this manner he chantedthrough the towns and through the fields,the brazen sandals of Laconia tinkling onhis feet while a sound of cymbals went onbefore him. Meanwhile from Etna’s craterrose a black smoke column casting its shadowover Sicily.Like a king of heaven, Empedocles wasrobed in purple and girdled with gold, whilethe Pythagorians wore thin linen tunics andshoes of papyrus. He knew how to driveaway rheums, they said, how to heal soresand how to draw the evil from afflicted limbs.They begged him to make the storms cease,so he conjured with tempests from a crestof the hills. At Selinus he turned twostreams into the bed of a third and stemmeda flood; then the people of that place adoredhim, raising a temple in his honor and strik¬ing coins on which his image appeared faceto face with the image of Apollo.Others pretended he was a wizard in-[27]IMAGINARY LIVESstructed by Persian magicians; that hepossessed the power of necromancy and thescience of those herbs which render men mad.One day as he dined with Anchitos, a mad¬man rushed into the hall, sword upraised.Empedocles stretched out his arms, chantingthe Homeric verse on the nepenthe of forget¬fulness, and a spell descended over the mad¬man until he stood there rigid, blade in air,forgetting his dementia as if he had drunksweet poison mixed with sparkling wine.The afflicted came to Empedocles outsidethe cities, where he was often surrounded bya crowd of miserable folk. Women mingledin the following and kissed the hem of hisprecious mantle. One of those women wascalled Panthea, daughter of a noble of Agrigentum. She was to have been consecratedto Artemis, but she fled the cold statue ofthe goddess, vowing her virginity to Emped¬ocles. No one ever witnessed their affec¬tion, for Empedocles preserved a divinedetachment, speaking always in epic meter[28]EMPEDOCLESwith the dialect of Ionia, while the people ofa*grigentum knew only the Dorian. All hisgestures were sacred; when he met with menit was to bless or cure them. Usually heremained silent. None who followed himever saw him sleep; they knew him only as amajestic being.Panthea dressed in fine wool and gold,her hair arranged after the rich mode ofa*grigentum, where life ran smooth. A redstrophe supported her breasts and her san¬dals were perfumed. As for the rest of her,she was tall and fine and her color was desir¬able. It is impossible to be sure that Emped¬ocles loved her, but he pitied her. Soon abreath of Asia brought the plague to thoseSicilian fields. Many were touched by theblack fingers of the pest, and fallen beastsstrewed the edge of the prairie where theycould be seen beside the carcasses of sheep,dead with their mouths gaping toward theheavens and their ribs sticking out white anddry through their sides. Stricken by this[29]IMAGINARY LIVESmalady, Panthea fell at Empedocles’ feetand breathed no more. Those who were nearraised her stiffening limbs to bathe themwith spirits and aromatics. They loosed thered strophe from her young breasts, windinga funereal band in its place. Her mouth,lips slightly parted, was sealed by a tightbandage. Her deep eyes no longer mirroredthe light.Empedocles gazed down at her where shelay. He took the golden circlet from hisforehead and he touched her with it. Heplaced the garland of prophetic laurel onher breast, chanting unknown verses of thesoul’s migration. And three times he com¬manded her to rise and to walk; then thepeople w'ere filled with terror. At his thirdcommand Panthea left the kingdom ofshadows, life came into her body and sherose to her feet, all swathed as she was inthe cloths of the tomb. And the people sawthat Empedocles had power to recall thedead.[30]EMPEDOCLESPysianactes, father of Panthea, nowadored the new god. Long tables werespread under the trees of his estate, where afeast of wines and viands was offered. Bythe side of Empedocles slaves held up greattorches, while heralds proclaimed him—asdid the solemn mystery of his own deepsilence. Suddenly, at the third watch of thenight, the torches sputtered out and dark¬ness enveloped the worshipers. Then astrong voice called, “Empedocles!” Whenthe lights burned once more Empedocles wasgone. Men never saw him again.A frightened slave told how he hadwatched a red flare cut the night near Etna’ssummit. At the first dull gleam of dawnthe worshipers climbed the sterile slopes ofthe mountain. Jets of fire were still dartinglike tongues from the volcano’s crater. Inthe porous lava on the brink of the burningabyss, they found a brazen sandal writhen bythe flames.[31]

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EROSTRAT

Incendiary

EEOSTRATWith her two river harbors the city ofEphesus,birthplaceof Herostratos,stretchedacross the mouth of the Cayster as far asPanorama Quay. From there the shores ofSamos could be seen in a misty line alongthe dark sea horizon. Wealthy in gold, instuffs and in roses, Ephesus prospered now,since the Magnesians with their dogs of warand their javelineers had been vanquishedon the banks of the Meander, and Miletusthe Magnificent destroyed by the Persians.Relaxed during these days of peace,Ephesus feted courtesans in the temple ofAphrodite Hetaira. Citizens arrayed them¬selves in tunics of amorgine, in transparentgarments of spun linen tinted violet, purpleand crocodile green. They wore sarapidesthe color of yellow apples or white or rose,[35]IMAGINARY LIVESand Egyptian fabrics in hyacinth shades,shot with flame hues and the changing tintsof the sea. Their Persian calasiris were offinest crinkled tissues besprinkled with clus¬ters of tiny golden beads.On the banks of the Cayster betweenMount Prion and another lofty cliff, stoodthe great temple of Artemis, built after onehundred and twenty years of labor. Theporches were of ebony and cypress, theheavy supporting columns were red, and tallpaintings ornamented the inner walls. Theshrine-room of the goddess was little andoval; in the center, graven with lunar sym¬bols in gold, rose a huge black cone hewnout of solid rock. The triangular altar wasof this same material as were several tables,these last being pierced with holes at regularspaces to drain the blood of sacrificial vic¬tims. Beside the tables hung broad goldenhilted blades of steel for slitting humanthroats, and the floor was strewn with bloodycloths. The black idol was carved in the[36]EROSTRATform of two great breasts, hard and pointed.Such was Diana of Ephesus, her ancientdivinity lost in the darkness of Egyptiantombs and Persian ritual. The treasure ofthe temple was secreted in a small coffershaped like a miniature pyramid with brassstudded doors. There, among precious rings,coins and rubies, lay the manuscript ofHeracl*tus, prophet of the reign of fire.With his own hands the old philosopher haddeposited the scroll at the base of the pyra¬mid while the mason-builders were still atwork.The mother of Herostratos was a proud,harsh woman. His father’s identity neverbecame known, and Herostratos finally de¬clared he had been sired by the fire. Thecrescent birth-mark under his left breastseemed certainly to blaze like a living flameon the night he was tortured. Those whoassisted at his birth predicted his devotionto Artemis. Dark, swarthy, his face strangelylined, from childhood days he loved to walk[37]IMAGINARY LIVESalong the towering cliffs beneath the temple.He was ineligible for the priesthood, beingof uncertain race, and several times thesacerdotal college warned him away fromthe Naos where he lurked, watching hischance to draw back the heavy sacred veilsand behold the forbidden deity. He grewto hate her. He made a secret vow to violateher shrine.To him his own name seemed comparablewith no other, while his very physical beingmust be superior, he thought, to the rest ofhumanity. He wanted fame. At first hejoined a group of philosophers who pro¬fessed to teach the doctrines of Heracl*tus,hut the secret was not theirs, he knew.While it remained locked in the little pyra¬mid with the temple treasure, Herostratoscould only guess at the words of the master.He hardened himself to scorn the luxuriouslife of the city; courtesans and their lovesdisgusted him. It was said that he preservedhis purity for the goddess, but Artemis had[38]E R OS TRATno pity. In time he began to appear dan¬gerous to the College of Gerousia, guardiansof the temple, so with the satrap’s permis¬sion they banished him beyond the city gates,where he took up his abode on the slopes ofKoressos, in an old cave hollowed out by theancient people. Some authorities have be¬lieved that Persian initiates came to himwhile he sat there through the nights, watch¬ing the far-off flare of the sacred lamps onthe temple of Artemis, but his destiny wasmore probably revealed to him in a blazingvision. During his trial by torture he toldhow the meaning of the word Heracl*tus(The way to Above) had flashed full andsudden upon his understanding, and howphilosophy had taught him that the finestquality of the spirit is quickest tinder to thefire. His own spirit, he said, was in thatsense perfect, therefore he had wished toproclaim it. For his action he gave no otherreason than desire for fame and the joy ofhearing his own name. His reign and his[ 39]IMAGINARY LIVESalone, he declared, would remain absolute.Herostratos had been crowned by Herostratos. None knew his father ... he wasthe son of his own labor and his labor wasthe essence of the world. Alone among men,he would be king, philosopher and God inone.Moonless came the night of July 21 in theyear 356, and the passions of Herostratosrose at that hour pitch upon pitch until theycrystallized his old resolve to violate theshrine of Artemis. Up the tangled moun¬tainside he crept, reaching the banks of theCayster, then climbing by slow, painfuldegrees to the temple, where guardianpriests slept beside their holy lamps. Seizingone of those lamps Herostratos strode oninto the Naos. A heavy odor of spikenardrose before the glistening ebony balconies;a curtain, gold and purple threaded, hid thegoddess. Passing this barrier Herostratoshalted, trembling with excitement, as thelight from his lamp fell upon the two erect[ «>]EROSTRATbreasts of the terrible cone . . . next, histwo hands were around the divinity in onelong feverish embrace. When he arose atlast he saw the little green treasure chestshaped like a pyramid. Catching hold ofthe brass spikes he swung open the door ofit, plunging his fingers deep in virgin gems.But he drew forth only the papyrus scrollbearing the verses of Heracl*tus. And there,under the glow of the sacred lamps, helearned it all.His first eager look was enough. Beforehis eyes had left the ancient words his voicelifted in a shrill cry, “The fire, the fire!”Touched by the flame of his lamp, thesacred veils burned slowly until the redtongues reached the perfumed oils and oint¬ments. Then they flared up blue to theceiling while the dread cone reflected thescene.The fire mounted quickly to the capitalsof the columns, creeping along the paneledvaulting overhead. One by one the golden[41]IMAGINARY LIVESplacks inscribed with attributes to the gloryof Artemis fell crashing to the stones below.A crimson spout broke through the roof;the brazen tiles reflected it until the wholemountain was alight. And Herostratosstood up in the red glare, shouting his namealoud against the roar of the flames and thedarkness.All the sacred mount became a red pile inthe midst of the night. When the guardscaught Herostratos they were obliged to gaghim to prevent him from shrieking his nameagain and again. Bound and gagged, hewas thrown into a dungeon while the fireburned on.Artaxerxes sent immediate orders for histrial by torture. Little was learned, for headmitted nothing save what has already beentold. The twelve cities of Ionia issued adecree forbidding the pronunciation of hisname through all future ages under penaltyof death, but the whisper of it has persisted[42]EROSTRATeven to us. The story of that night whenHerostratos ravaged the temple of Ephesuswas handed down through Alexander, Kingof Macedonia.I 43]

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CRATES

Cynic

CRATESBorn at Thebes, he was a disciple ofDiogenes and he also knew Alexander.From his father, a wealthy man namedAscondas, he inherited two hundred talents.Then one day, while attending a tragedy byEuripides, he beheld a vision. He sawTelephy, King of Mysia, dressed in beggar’srags with a basket in his hand. So Cratesstood up on his feet there in the theater,declaring he would give the two hundredtalents of his inheritance to all who wantedthe money. Henceforth, he said, the garbof King Telephy would suffice him. Shak¬ing with laughter, the Thebans troopedbefore his house where they found himlaughing even louder than they. Afterthrowing all his money and furniture out ofthe windows he took up a plain cloak and aleather sack and went away.[47]IMAGINARY LIVESHe went to Athens. In that city he spenthis days walking the streets and his nightscrouching against dirty walls. He put thedoctrines of Diogenes into practice, all ex¬cept the barrel. Crates thought even thebarrel a superfluous dwelling. For a man,he contended, is neither a snail nor a Bernardine hermit.He lived stark naked in the filth of thestreets, filling his sack with dry crusts, rancidolives, and fish bones. He called the sackhis city, a city without parasites or courte¬sans, he said, but a fine storehouse of thyme,garlic, figs, and bread for its king. So Cratescarried his kingdom on his back and it fedhim.Though he never took part in public af¬fairs, he never criticized them. He launchedno insults nor did he approve this trait inDiogenes. Diogenes would call out, “Men,come to me!”, then rap them with his canewhen they came, saying, “I called for men,not excrements!”[48]CRATESCrates was kind to men. He reproachedthem with nothing. Sores and wounds heknew, and his greatest regret was that hisbody were not supple like a dog’s so thathe might lick them. He also deplored thenecessity of nourishing himself with foodand drink, for man, he thought, should besufficient unto himself, asking no aid fromthe world. At any rate, he never huntedfor water to wash in, being content toscratch himself against the walls after seeinghow the asses did it. He seldom spoke ofgods or questioned them. What differencedid it make, said he, if there were gods ornone, knowing as he did how little they coulddo for him. At first he reproached thesedivinities with having turned men’s facestoward heaven, thus depriving them of thefaculties enjoyed by animals on all fours.Since these gods have decided that we musteat to live, thought Crates, they might betterhave turned our faces to the earth where[ 49]IMAGINARY LIVESfood is, instead of twisting them up in theair to graze on the stars.Life was not kind to Crates. His eyesgrew bleary, exposed as they continuallywere to the acrid dusts of Attica, and anunknown skin plague covered his body withsores. While he scratched himself with hisuncut nails he observed the twofold profit,as he called it, of wearing down these nailsto their proper length while relieving hisitch at the same time. He let his hair growin a neglected mat on his head to protecthim from the rain and sun.When Alexander came to see him he flungno sharp gibes at the conqueror whom heconsidered merely as one with the spectators,acknowledging no difference between kingand crowd. Crates no longer formed opin¬ions about the great. Only men interestedhim, men and the problems of living his lifeas simply as possible. Diogenes with hischiding made Crates laugh no less than thepretensions of moral reformers. Holding[50]CRATEShimself infinitely above such sordid cares,he transcribed the maxim from the Delphiantemple to read, “See Thyself,” and the ideaof any knowledge whatsoever he thoughtabsurd. He studied his bodily necessities,nothing more, striving always to reducethem to their simplest terms. Doglike,Diogenes snapped at life, but Crates livedas the dogs lived.He had a disciple named Metrodes, awealthy young man from Marona. Hipparchia, sister of Metrocles, fell in love withCrates. Beautiful and aristocratic as shewas, she was certainly the smitten one forshe sought the cynic out. It seemed impos¬sible but it was true and nothing could turnher from him, neither his filthiness, nor hispoverty, nor the horror of his public life. Hewarned her how he lived in the streets likea dog, scrambling for bones in the stenchof gutters. He warned her further. If shecame to him, he said, nothing of their lifetogether should be hidden. He would want[51]IMAGINARY LIVESher publicly whenever desire prompted, asthe dogs do among dogs. Hipparchia heardall. She declared she would end her ownlife if her parents interfered, so they let hergo. She left the village of Marona with herhair unbound, a single ragged garment cov¬ering her nakedness. From that day shelived with Crates and dressed as he dressed.It has been said that she bore him one child,and that the child was named Pasicles,though nothing authentic can be found ofthat incident.Hipparchia was kind to the poor. Com¬passionate, she soothed the sick with herhands, cleansing their bloody wounds with¬out repugnance. To her men became assheep are to sheep or dogs to dogs. Whennights were cold she and Crates slept closeto other poor folk, sharing the warmth oftheir bodies. From the beasts they learnedthe wordless kindnesses of beasts. Whenmen approached they held no preferences. . . they were men and that sufficed.[52]CRATESWe know nothing more of Crates’ wife;we are not told when she died or how. Metrocles, her brother, admired the cynic andimitated him, but Metrocles lacked tran¬quillity. Troubled continually by a flatu¬lency he could not control, he resolved uponsuicide. Learning of his ailment Crateswent to him after first eating a quantity oflupine. When Metrocles confessed himselfno longer able to support the disgrace of hisinfirmity, the cynic showed his disciple howall men are submitted by nature to the sameevil. Upbraiding him because he had daredto be ashamed of others, Crates led Metro¬cles away and they lived long together inthe streets of Athens, Hipparchia undoubt¬edly beside them. They talked little but wereashamed of nothing. When they lappedwater from a puddle with the dogs the dogsrespected them. They must have foughttogether over scraps of food, though thebiographers fail to mention it. Crates diedold, we know. We know he ended his days[53]IMAGINARY LIVESsquatting among bales of goods in a shedbelonging to a shopkeeper from Pireeus,and that he finally refused to move fromthat spot even to pick up scraps of meat.We know he was found there one daystarved to death.C 54 ]S E P T I M AEnchantresst

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SEPTIMA

Septima was a slave under the Africansun in the city of Hadrumetum. Hermother, Amoena, was a slave, and themother of her mother—all had been slaves,beautiful and unknown, to whom the darkgods had revealed the spells of love and ofdeath. Hadrumetum was a city of whitehouses, though the one where Septima livedwas built of pink stones, the trembling tintof roses, while the garden paths were set withshells from Egypt, washed away by the tepidsea, where the seven deltas of the Nile spreadout forming seven vases of different colors.The silvery voice of the Mediterraneancould be heard from Septima’s house bythe sea. At her feet a fan of shimmeringblue swept out to the horizon. The goldenpalms of her little hands were rouged, herfingertips tinged with fard, her lips touched[57]IMAGINARY LIVESwith myrrh and the anointed lids of her eyesdrooped softly. Thus she appeared as shewalked through the fringe of the city, carry¬ing a basket of bread for the servants’ table.Septima fell in love with a young freemannamed Sextilius, a son of Dionysia, but lovewas denied her, for she belonged to thosewho knew the mysteries of the lower worldand served love’s adversary whose name isAnteros. As swiftly as Eros aims theglances of eyes or whets the darts of hisarrows, Anteros turns those glances asideand dulls the flying shafts. He is a kindlygod, laboring among the dead, not cruel asthe other is. Anteros possesses the nepentheof forgetfulness. He holds love to be theworst of human afflictions; he pursues loveto cure love. Powerless, however, to entera heart once caught by Eros, he seizes thatheart’s affinity. This is the method of thestrife between Eros and Anteros, and thereason why Septima could not love Sex¬tilius, for when Eros touched her with[ 58]SEPTIMAhis flame, Anteros took the man she loved.Septima saw the power of Anteros in thelowered lids of Sextilius. When purpletrembled through the evening air she walkeddown the road to the sea. It was a quietroad, a road where lovers sipped wine-ofdates, leaning together against the polishedwalls of ancient tombs. An eastern windblew its perfumes across the Necropolis.Veiled as yet, the young moon came timidlyabroad. Sleeping in their sepulchers, manydead were enthroned on the hills aroundHadrumetum, and here, under these stones,slept Phoinissa, sister of Septima, a slavegirl dead at sixteen, before a man had everbreathed the sweetness of her. Phoinissa’stomb was straight and slim as her body hadbeen. The stone contours following the out¬line of her breasts were crossed by bands likethe strands of a strophe. On her low fore¬head hung a pendent stone, long and droop¬ing between her eyes. From her blackenedlips came still an aromatic vapor of embalm-[59]IMAGINARY LIVESing spices, and a green gold ring set withtwo pale, clouded rubies gleamed on herfinger where she lay, dreaming eternally ofthings she had never known.Under the virgin whiteness of the newmoon Septima crouched by her sister’s tomb,cooling her face against the sculptured gar¬lands of white marble, her lips close to theaperture for receiving the funereal libations,and she poured out all her passions:“O my sister,” she began, “turn in yoursleep and hear me! The little lamp ofdeath’s first hours is lighted. We gave youan ampula of colored glass, but you havelet it slip through your fingers. Your neck¬lace is broken and the golden beads are scat¬tered around you. Nothing of ours is anylonger yours, and he has you now, the hawk¬headed one. O listen, my sister, you havepower to carry my words. Fly to that heavenyou know so well. Plead for me with Anteros. Implore the goddess Hathor. Beseechhim, whose body once drifted safely on the[60]SEPTIMAhi BU> IP H. 0 B fJ l C | Pi')seas to IJabytefi. Sister, pity a sorrow younever learned! By the seven stars of themagicians of Chaldea I entreat you. Bythose dark powers Carthage knows, by Iao,Abriao, Salbaal and Bathbaal hear my invo¬cation. Make him love me! Sextilius, sonof Dionysia, make him burn with love of me,Septima, daughter of our mother, Amcena... so that he shall burn in the night, sothat he shall come to me by thy tomb,Phoinissa!“Or if that cannot be, let us both beplunged into the shadows. Let Anteroschill the breath of us—if he must quench thisfire Eros has kindled! Perfumed death,drink the libation of my voice. Achrammachalala!”Then the mummy of the virgin descendedinto the earth, teeth bared and gleaming.And Septima walked shamefully betweenthe tombs of the dead until the second watchof the night. Her eyes followed the flightof the moon across the sky. Her throat[61]IMAGINARY LIVESfelt the biting brine of the sea wind. Whenthe first golden rays of dawn touched hershe returned to Hadrumetum, her long blueveils floating behind her.Meanwhile Phoinissa sped down the in¬fernal paths, but the hawk-faced one wouldnot listen to her plea. Hathor only stretchedherself in her painted case, unheeding. AndPhoinissa could not find Anteros for shehad never known desire. But in her fadedheart she felt that pity all the dead feel forthe living. On the second night, at the hourwhen the departed return to cast their en¬chantments, her bandaged feet rustled againthrough the streets of Hadrumetum.Sextilius lay breathing the deep, regularbreath of sleep, his face turned towards thepaneled ceiling of the chamber. All wrappedin her odorous cloths of the tomb, deadPhoinissa sat down beside his bed. She hadneither brain nor entrails, though her heartwas there, where it had been replaced, dry,in her mummied breast.-[62]SEPTIMAAnd at that moment Eros struck againstAnteros, seizing the dead heart of Phoinissa,making her desire the body of Sextilius tosleep between her sister and herself in thehouse of death.Phoinissa put her lips to the boy’s mouthand the life went out of him like a burstedbubble. In her sister’s cell she took Septimaby the hand. And the kiss of Phoinissa andthe clasp of Phoinissa killed them both,Septima and Sextilius, in the same hour.Such was the dark issue of the strugglebetween Eros and Anteros, wherefrom theinfernal powers received a slave and a free¬man.Sextilius rests in the Necropolis at Hadrumetum between Septima, the enchant¬ress, and her sister Phoinissa. The words ofSeptima’s enchantment are inscribed upon aleaden plack which the enchantress loweredinto Phoinissa’s tomb through the little holeintended for libations.[63]

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LUCRETIUS

Poet

LUCRETIUSLucretius belonged to a great familylong retired from public life. Memories ofhis early days recall the dark porch of ahouse far up on a mountain, a bleak atriumand silent slaves. From childhood he heardnothing but scorn of politics and men.Memmius, a noble of his own age, playedwith him in the forest—played whatevergames Lucretius commanded. Togetherthey stood astonished before the gnarledfaces of old trees or watched the leaves trem¬bling in the sunlight—light vibrant andvirile, strewn like a veil with dust of gold.Often they gazed on the striped backs ofwild pigs rooting in the soil, and sometimesin their walks they met a murmurous swarmof bees or a caravan of marching ants.Emerging one day from a dense underbrush[ 67]IMAGINARY LIVESthey found themselves in a clearing set allaround with ancient oaks so nicely placedthat the circle of their tops formed a poolof clear blue sky above. The tranquillityof this spot was infinite. They were, itseemed, in a wide path leading straight tothe divine depths of the heavens. Lucretiuswas touched by the calm benediction of thespaces.With Memmius he left the serene foresttemple to study eloquence at Rome. Pre¬senting Lucretius with a Greek professor,the old gentleman who ruled the house onthe mountain told him not to return until hehad acquired the art of scorning human ac¬tions. Lucretius never saw the old gentle¬man again, for he died alone, cursing thetumult of society. When Lucretius cameback to the empty house with its silent slavesand its bleak atrium, he brought an Africanwoman, beautiful, barbarian, bad.Memmius was gone to the house of hisfathers. Lucretius had seen enough of fac-[68]LUCRETIUStions and party warfare and corruption. Hewas in love.He led an enchanted life at first. Darkagainst the rich wall-hangings shone theglossy hair of his African, as she stretchedher long body out on a low couch, holdingup an amphorae of sparkling wine in herarms, arms heavy with translucent emeralds.She had a strange little gesture of trailingone finger across her brow, and her smileswere from a source as lost and obscure asthe streams of her Africa. Instead of spin¬ning wool, her fingers patiently picked itinto little wisps that went sailing throughthe air around her.Lucretius was filled with desire of hersplendid body. He fondled her metallicbreasts and he kissed the purple lips of her.Sighs and love words passed, making themlaugh as they grew exhausted. Theytouched the filmy, opaque veil that sepa¬rates all lovers, and their desire leaped untilit reached that acute point whence it poured[69]IMAGINARY LIVESthrough and through their flesh withoutquite plumbing the depths. Then thestrange heart of the African recoiled, whileLucretius grew desperate because he couldnot accomplish the profundity of love. Thewoman turned cold, bleak and silent like theatrium and the silent slaves, and Lucretiuswent away into his library.There he unwound a scroll whereon somewriter had copied the doctrines of Epicure.Immediately he understood the infinityof earthly things and the futility of strivingtowards ideals. He compared the universeto those little wisps of wool the fingers ofhis African sent floating through the airaround her. Hives of bees, colonies of antsand the shifting pattern of the forest leavesbecame only groups of atoms to him. Inhis own body he felt the invisible strugglebetween discordant people anxious to sepa¬rate. Glances passing from eye to eye hethought of now as rays of some more subtlematter. What was the likeness of his beau-[70]LUCRETIUStiful barbarian but a mosaic agreeablycolored? And the end of all this infinity hefound sad and hopeless. Just as Romanfactions warred with their armies and theircriers, he saw turbulent masses of atoms dis¬puting their obscure supremacy in the spilledblood of men. Death and dissolution, hesaw, could only free these whirling massesto hurl them towards a thousand hopelessfuture struggles.When Lucretius had been so instructedby the papyrus scroll with its Greek wordsinterwoven one upon the other like worldlyatoms, he left the bleak, lofty house of hisancestors and walked through the forest.He looked at the striped backs of the wildpigs forever nosing the earth. Emergingfrom a thick underbrush he came suddenlyinto that serene forest temple, then his eyesplunged up to the pool of blue sky and herested.From that point he regarded the swarm¬ing immensity of the universe: all the stones,[71]IMAGINARY LIVESall the plants, the trees, the animals and themen; with their colors, their passions, theirinstruments and the histories of these manythings, their births, their desires, theirdeaths. In the exact center of all that inev¬itable and necessary death he saw clearlythe death of his beautiful African—andhe wept.Tears, he knew, came from the action ofcertain small glands under the eyelids, agi¬tated by a procession of atoms leaving theheart, while the heart itself had been struckby a series of colored images detachingthemselves from the surface of a woman’sbody. He knew that love was caused by aflood of atoms desiring to join themselvesto other atoms. The sadness of death heknew to be the unsoundest of all earthlydelusions, for the dead feel neither sorrownor suffering, while he who mourns, mournsbut his own end. He knew, too, that weare left no shade or ghost to shed tears onthose bodies of ours stretched out at our[72]LUCRETIUSghostly feet. Knowing as he did, the emptyvanity of sorrow, love and death comparedto those calm spaces in which we exist, hecontinued to weep and to desire love andfear death.That is why he returned to the bleak houseof his ancestors, seeking the beautiful Afri¬can, whom he found brewing something in acaldron over a fire. She, too, had been think¬ing, though her thoughts were as mysteriousas the source of her smiles. Lucretius lookeddown into the bubbling brew as it clearedslowly, like a green and stormy sky. Thewoman trailed one finger gently over herforehead when she handed him the cup.Lucretius drank and his reason left him asquickly, so that he forgot all the Greekwords from the papyrus scroll. Then, beingmad, he learned real love for the first time,and in the night, being poisoned, he learneddeath.[73]

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C L O D I A

Impure Woman••*CLODIAShe was a daughter of Appius ClaudiusPulcher, consul. When only a few years oldshe was distinguished among her brothersand sisters by the burning brightness of herlarge eyes. Tertia, her older sister, marriedearly, and the youngest submitted herselfentirely to Clodia’s caprices. Her brothers,Appius and Caius, were already greedy forleather frogs, nutshell chariots and othertoys; later they grew avaricious for silversesterces. Pretty and feminine, Clodiusbecame the companion of his sisters, andClodia persuaded him to don a long-sleevedtunic, a little cap with golden strings, and asupple girdle. Then they tossed a flamecolored veil over him, carrying him away totheir own chamber, where he remained withall three. Clodia was his favorite, but he[77]IMAGINARY LIVEStook also the innocence of Tertia and of theyoungest girl.When Clodia was eighteen her fatherdied. Appius, her brother, then ruled thedomain from their palace on Mount Palatin,while Caius prepared for public life. Deli¬cate and beardless, Clodius remained withhis sisters, who were both called Clodia.They took him secretly to the baths withthem, buying the silence of the slave attend¬ants for a few gold pieces. Clodius wastreated like his sisters in their presence.Such were their pleasures before mar¬riage.The youngest married Lucullus, who tookher to Asia where he was fighting in the warsagainst Mithridates. Por husband, Clodiachose her cousin Metellus, a dull, honestman. In those spendthrift times he pre¬served a spirit frugal and dour, and Clodiacould not abide his simple rusticity. She wasjust beginning to dream of new things forher dear Clodius when Caesar’s disapproval[78]CLODIAcame to dampen their pleasure, for Clodiaguessed he might compel them to separate.To evade this she made Pomponius Atticusbring Cicero to see her. Hers was a titter¬ing, flirtatious circle. Around her werefound such men as Licinius Calvus; youngCurion (nicknamed “Girlie”); Sextius Clodius who followed the races; Ignatius andhis band; and Catullus of Verona and Caelius Rufus who were both in love with her.While they recounted the latest scandalsabout Caesar and Mamurra, Clodia’s hus¬band sat silent in his chair.Elected proconsul, Metellus departed atonce for Cisalpine Gaul, leaving Clodia inRome with her sister-in-law, Murcia. Cicerowas soon thoroughly charmed by Clodia’sbig blazing eyes. He dreamed of divorcingTerrentia, his wife, supposing Clodia wouldleave her husband and come to him in thatevent. But Terrentia discovered the design,promptly terrifying Cicero with her discov¬ery and its possible consequences until he[79]IMAGINARY LIVESdropped all association with Clodius andClodia.Meanwhile Clodius had busied himselfmaking love to Pompeia, Cresar’s wife. Onthe night celebrating the divinity of theirpatron goddess, women only were permittedin Cgesar’s house, for Caesar was praetorand Pompeia alone offered the sacrifice.Disguised in the feminine garments of azither player (just as his sister used to dresshim) Clodius made his way to Pompeia, buta slave recognized him and Pompeia’smother gave the alarm. The scandal wassoon public. Clodius attempted to defendhimself by vowing he had spent the nightwith Cicero, but Terrentia forced her hus¬band’s denial and Cicero testified againstClodius.Thereafter Clodius had no place amongthe nobles. Now past thirty, his sister wasmore ardent than ever. Clodius, she thought,might be adopted by some plebeian and sobecome a tribune of the people. Metellus,[80]CLODIAnow returned to Rome, saw through herschemes and mocked her with them. Inthese days when she had no Clodius, she letherself be loved by Catullus. Metellusseemed odious to her. Resolved to be rid ofhim, she met him one day as he returnedfrom the senate, presenting him a cup toquench his thirst. Metellus drank and felldead, and Clodia was free. Then she fledher husband’s house, shutting herself up atonce with Clodius on Mount Palatin, wherethe youngest sister came to join them afterdeserting her husband, Lucullus. Theyresumed their old manner of life, all three,and unleashed their spite.When he turned plebeian Clodius wasknown almost from the first as a tribune ofthe people, for notwithstanding his femi¬nine graces, he had a strong, penetratingvoice. He obtained Cicero’s exile, destroyedthe statesman’s house before his eyes andswore ruin and death to all his friends. Thenserving as proconsul in Gaul, Caesar was[81]IMAGINARY LIVESpowerless to interfere. Through Pompey,Cicero gained new influences during the fol¬lowing year, thus contriving to have himselfrecalled, whereupon the fury of the youngcommoner leaped to extremes. He firstlaunched a violent attack against Cicero’sfriend, Milon, who was then hinting at am¬bitions for the consulate. Apostle of night,Clodius tried to murder Milon after over¬powering his torchbearers, but the scandalof that scene marked the end of the youngplebeian’s popularity, for obscene songsabout Clodius and Clodia were soon sung inthe streets, while Cicero denounced themboth in a violent discourse, comparing Clodiato Medea and Clymenestra. The rage of thebrother and sister ended by consuming them.Clodius was killed in the dark by guardianslaves while attempting to burn Milon’shouse.Clodia was desperate. She took and re¬jected Catullus, Cadius Rufus and Igna¬tius, but she loved only her brother Clodius.[82]CLODIAIt was for him she had poisoned her husband,for him she hired the incendiaries. Whenhe died the object of her life vanished,though she remained beautiful and passion¬ate. She had a country villa on the road toOstia, a summer place with gardens on theTiber, and another at Baja. In that lastresort she sought refuge, endeavoring to finddistraction through lascivious dancing withher women. But it was not enough. Herspirit was filled with the stupors of Clodius,whom she saw forever beardless and femi¬nine. She recalled a time long ago when hehad been captured by Sicilian pirates, andhow they had used his soft body. She re¬membered a certain tavern where she hadgone with him; how the doorway had beenscribbled over with words written in char¬coal, what a stench had come from the menwho drank there, and how their chests werematted with hair.Rome attracted her again. At early duskshe walked through the wide squares and[ 83]IMAGINARY LIVESthoroughfares, the blazing insolence of hereyes unchanged. Nothing now appeasedher though she tried all . . . even standingin the rain and sleeping in the mud. Shebathed in the deep caverns where slaves gam¬bled at dice. She was known in those cellarsfrequented by scullions and teamsters. Shewaited on the curb for any man who passed.She perished towards the morning of a suf¬focating night, after a strange return to ahouse that had once been her own. Sorrybecause he had given her so much as a quar¬terns, a workman trapped her at dawn inan obscure alley, and strangled her to gethis money back. He threw her body, withher large eyes still open into the yellowVvaters of the Tiber.[84]

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PETRONIUS

R omancer

PETRONIUSHe was born in the days when greengarbed clowns used to sit around a fire roast¬ing young pig; when bearded porters incherry-colored tunics squatted by the gaymosaics at villa gates, shelling peas intosilver platters; when rich freedmen playedpolitics in the towns of Provence; whenminstrels sang their epic poems to the desert;and when the Latin language was stuffedwith redundant words and puffed-up namesfrom Asia.Among such elegances he passed hischildhood. His garments of Tyrian woolwere never worn a second time, and if asilver vessel chanced to fall from the tableit was swept away with the rest of thedebris. Delicate, unexpected viands wereserved at every meal, the cooks never ceas-[ 87]IMAGINARY LIVESing to vary the architecture of their dishes.To open an egg and find a fig in it was nocause for astonishment, nor was it unusualto slice a foie-gras statuette modeled in imi¬tation of a Praxiteles. Plaster seals overthe mouths of the wine amphorae werebrightly gilded. Phials of Indian ivory heldardent perfumes for convivial folk, whileewers, pierced in many intricate patternsand filled with colored waters, sent down apretty shower as they swung gently to andfro. All the glasses were iridescent mon¬strosities. Urns there were with handlesmade to turn in the fingers so that the sidesopened out, letting fall a spray of paintedflowers. African birds with scarlet cheekscackled from their golden cages. Dog-facedEgyptian monkeys chattered incessantly be¬hind gold-incrusted grilles set into the sidesof the rich walls, while scampering aroundin precious boxes were slim little scaly beastswith azure eyes.Here Petronius lived, believing the very[88]PETRONIUSair he breathed to be perfumed for his spe¬cial use. When he arrived at the age ofadolescence he did up his beard in an ornatesheath and began to look about him. Then aslave named Syrus, who had served in thearenas, showed him some things he had neverseen before. Not of noble race, Petroniuswas a swarthy little squint-eyed fellow withthe hands of an artisan and cultivated tastes.It pleased him to fashion words togetherand to write them down, though they resem¬bled nothing the old poets had imagined, forthey strove only to imitate the things Petro¬nius found around him. Later he developeda grievous ambition for making verses.Through Syrus he came to know bar¬barian gladiators, braggarts of the streetcorners, shifty-looking men of the market¬places, curly-headed boys on whom thesenators leaned during their promenades,curbstone orators, pimps with their upstartgirls, fruit vendors, tavern landlords, shab¬by poets, pilfering servants, unauthorized[ 89]IMAGINARY LIVESpriestesses and vagabond soldiers. With hissquint-eyes he saw them all, catching theprecise manner of them and their ways.Syrus took him down to see the slaves intheir baths, to the dens of the prostitutesand through those underground cells wherethe circus gladiators practiced with woodenswords. Sitting by the tombs beyond thecity gates, he heard tales of men who changetheir skins—tales and stories passed frommouth to mouth by blacks and Syrians andinnkeepers and guardians who carried outthe crucifixions. Absorbed in these vividcontrasts which his free life allowed him toexamine, he began, when about thirty, towrite the story of those errant slaves anddebauchees he knew. In the luxurioussociety of the city he recognized their morals,though transformed, and he found theirideas and their language among the politeconversations at high ceremonies. Alone,bent over his parchment at a table of odor¬ous cedar, with the sharp point of his calm[90]PETRONIUSdetachment he pictured the adventures of anignored people. Under the painted ebonywainscoting, by the light of his tall windows,he imagined smoky torch-lit taverns, absurdnocturnal struggles, the twisted candelabrasof carved wood, the locks suddenly forcedby the axes of police slaves, and the harshcommands of slave drivers shrill above theshuffling rush of miserable people clad intorn curtains and filthy rags.When his six books were finished Petronius read them to Syrus. And the slave issaid to have howled his laughter aloud andclapped his hands for glee. At that mo¬ment they conceived the notion of puttingthose adventures into practice. Tacitus hasfalsely written that Petronius was presentat Nero’s court, telling how his death wasbrought about by the jealousy of Tigillinus.But Petronius did not vanish murmuringlewd little verses as he stepped delicatelyinto a marble bath. He ran away with Syrusto end his life on the roads.[91]IMAGINARY LIVESHis appearance made disguise easy. Turnby turn, he and Syrus carried the leathersack containing their money and clothing.They slept in the open air, on hillocks besidethe crossroads, often watching the dismalcemetery lamps twinkling among the tombs.They ate their bread sour and their olivesrancid. They became wandering magicians,vagabond fakirs, companions of runawaysoldiers. Petronius dropped his writingcompletely, for he now lived the life hehad once imagined. They had treacherousfriends whom they cared for, he and Syrus,and who left them at the gates of townsafter borrowing their last coin. They car¬ried on all sorts of debauches with escapedgladiators: they became barbers and scrubmen. For several months they lived oncrusts stolen from the graves of the dead,and all who saw Petronius were terrifiedby his wry eye and the swart cast of him.One night he disappeared. Syrus expectedto find him in a dirty hovel where he had[92]PETRONIUSbeen with a tangle-haired girl, but a drunkensquatter had sunk a knife in his neck whilethey were lying together on the floor of anabandoned cave in the open country.

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S U F R A H

Geomancer

SUFRAHThe story of Aladdin is in error when ittells how the African magician was poisonedin his palace and how his body, burned blackby the drug, was thrown to the dogs andcats. His brother was so deceived by theseappearances that he stabbed himself afterdonning the robes of the blessed Fatima,but it is nevertheless certain that MoghrabiSufrah (for that was the magician’s name)only slept under the influence of the power¬ful narcotic. He escaped through one ofthe twenty-four windows of the great hallwhile Aladdin was tenderly embracing theprincess.Hardly had he reached the ground aftersliding down easily enough by one of thegolden drain pipes to the terrace, when thepalace disappeared completely, leaving Suf¬rah alone on the open desert. Nothing re-[ 97]IMAGINARY LIVESmained, not even one of the bottles of Afri¬can wine for which he had gone to the caveat the command of the treacherous princess.Desperate, he sat down under the fierce sun,knowing well how infinite was the torridexpanse of sand in every direction, so hewrapped his head in his cape, waiting fordeath. Not one magic charm was left tohim, no spell-casting perfumes, nor even adancing ring with which he might havesought some hidden source of water toquench his thirst. Night came on blue andhot, but it relieved the inflammation in hiseyes a little, then he decided to trace onemagic figure on the sand to learn if he weredestined to perish so, lost in the desert. Hedrew the four main lines with his finger, setout the points for the invocation of Fire,Water, Earth and Air, then for the Equa¬tor, the Orient, the Occident and the Septentrion. At the end he collected all thepoints, odd and even, arriving finally at thefirst figure. To his joy he saw it was For-[98]SUFEAHtune Major. And he knew then that hisescape was certain.Now the first figure must be placed inthe first house of astrology, the house of theGeomancer. In that house, called the Houseof Heaven, Sufrah found again the figureof Fortune Major pronouncing success andglory to his ventures. But in the eighthhouse, the House of Death, he came uponthe figure of the Red One, messenger ofblood, fire and omen sinister. When Sufrahhad conjured the figures of the twelvehouses he took two proofs and from theseproofs one judgment, thus testing well theaccuracy of his calculations. The Prisonwas the figure in the Judgment, so Sufrahknew by that he would find glory at greatperil in some shut and secret place.Since he was not to die, the magicianmeditated now in confidence. The lamp hadbeen transported to the very center of Chinawith the rest of the palace. He could nothope to retrieve it. He recalled the fact[99]IMAGINARY LIVESthat he had never discovered the identity ofthe lamp’s first master, who was also theowner of the treasure and of the garden ofprecious fruits. On the sand he traced asecond figure, reading it by the letters ofthe alphabet. First the characters S.L.M.N.were revealed, and when the tenth figureconfirmed them Sufrah knew at once thatthe magical lamp had been part of KingSolomon’s treasure. He continued to studyall the signs attentively until the Dragon’sHead gave him the information he sought,for it was joined by the figure of The Boy,emblem of riches hidden in the earth, andby the figure of The Prison, where the posi¬tion of any hiding place may be deciphered.Sufrah clapped his hands for happiness.Now the geomancy showed King Solomonburied under those very sands of Africa,while on his finger was the all-powerful sig¬net ring that gives immortality to its wearer.So King Solomon slept on as he had sleptthrough the myriad ages.[ ioo]SUFRAHSufrah waited eagerly for the dawn. Inthe blue half-light he saw Bedouins ridingby. When hs hailed them they pitied hisdistress, giving him a little sack of datesand a gourd of water. He started then onfoot, traveling steadily until he came to anarid stony place between four bare cliffswstretching like fingers toward the four cor¬ners of the heavens. There he drew a circleand pronounced certain words; the fearthtrembled, opened, showed a marble slabwith a bronze ring in it, and Sufrah seizedthe ring, calling out three times in Solomon’sname. As the stone swung from its placeSufrah went down a stair into the earth.Two fiery dogs bounded from niches oppo¬site him, spitting tongues of flame as theysprang, but Sufrah had only to say the magicname again to make them disappear. Hefound an iron door, it turned silently at histouch and he passed through it into a deepcorridor carved out of living porphyry. Aneternal glow was there, emitting from num-[ 101 ]IMAGINARY LIVESberless seven-branched candelabras, whileat the end of the long corridor Sufrah sawa room with jasper walls. A golden brazierburned richly in the center. On a couch,hewn like a block of frozen fire out of onesingle diamond, stretched the form of anold, white-bearded man who wore a crown.Near the King stood a mummy, her thinhands still graciously extended, though thewarmth of her kisses was long gone. Andan the fallen hand of the King Sufrahbeheld the great shining seal.He crawled to it on his knees, raised theshriveled fingers and snatched off theprecious seal.So were the predictions of the unknownGeomancer fulfilled and the immortal sleepof Solomon brought to end. In less than amoment the King’s body crumbled to a littlehandful of dust and bones, which the gra¬cious form of the mummy seemed still towatch over.Crushed at that same instant by the Red[ 102]SUFRAHOne from the House of Heath, Sufrah spentall the blood of his life in one vermiliongush before the deep sleep of earthly immor¬tality swallowed him up. With Solomon’sring on his finger, he laid him down on thediamond couch to be preserved from corrup¬tion during the myriad years, in that shutand secret place disclosed to him by thefigure of The Prison. The iron door of theporphyry corridor fell closed as the fierydogs took up their guard over the immortalGeomancer.[103J

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FRA DOLCINO

Heretic

FRA DOLCINOHe first learned of holy things in thechurch of San-Michele at Orte, when hismother held him so his little hands mighttouch the pretty wax figures hanging beforethe Virgin. His parents’ house adjoinedthe baptistry. Three times a day, at dawn,at noon and at nightfall, he saw two Fran¬ciscan monks go by begging bread for theirbasket, and often he followed them to theconvent door. One of these two was veryold, having been ordained by Saint Francishimself, so he said. He promised to teachDolcino the language of the birds and howto talk with all the beasts of the fields. SoonDolcino spent his days in the convent, add¬ing his fresh young voice to the songs of thebrethren. When the bell called them towork he would help wash their greens andvegetables around a big bucket. Robert, the[ 107]IMAGINARY LIVEScook, loaned him an old knife to scrape thebowls. Dolcino liked to visit the refectory;he loved to see the fine lamp they had there,and the painted shade with its pictures ofthe Twelve Apostles in wooden sandals andlittle capes that fell over their shoulders.But to go to begging from door to doorwith the monks was his greatest pleasure.On such occasions he was permitted to carrytheir napkin-covered basket while they askedfor bread. The sun was high in the sky asthey walked along one day after several poorhouses along the river bank had refusedthem. The heat was intense, and the twofriars were hungry and very thirsty whenthey entered a courtyard they had nevervisited before. Dolcino exclaimed in sur¬prise as he set the basket down, for this placewas all tapestried with fresh green vinesand transparent verdure. Leopards andother strange beasts from across the seawere romping together, while youths andgirls in gay clothing made sweet music on[ 108]FRA DOLCINOpipes and with zithers. A deep tranquillitypervaded the cool and odorous shade. Sing¬ers were singing strange songs to which theothers listened in silence. The monks utterednot a word. Their hunger and their thirstwere sated. They no longer wanted for any¬thing. They decided at last to go, but whenthey reached the river bank not a sign of theentrance to the mysterious court remainedbehind them. The opening in the wall hadvanished. Until Dolcino found the basketthey believed it had all been a vision or anecromancy. But there lay the basket filledwith bread—bread so white that Jesus Him¬self might have given it out of His ownhands.Thus was the miracle of begging revealedto Dolcino. He took no holy orders afterthat, having conceived a stranger, loftierideal. The brethren carried him over theroads of Italy from one convent to another,from Bologna to Modena, to Parma, toCremona, to Pistoja and to Lucques. At[ 109]IMAGINARY LIVES'Pisa he had his great revelation of the truefaith. As he slept one night atop the wallof the Episcopal palace, he was awakenedby the sound of a drum. A host of childrencarrying lighted tapers were circling arounda savage man who blew on a brazen trumpet.Dolcino believed this man he saw must beJohn the Divine, for he wore a long blackbeard and a rough haircloth garment markedfrom collar to hem with a large red cross.The pelt of a wild beast was around hiswaist. In a loud, terrible voice he exclaimed:“Laudato et benedetto et glorificato sio loPatre ” and all the children repeated hiswords. Then he cried “sia lo Fijo” and thechildren repeated that. When he chanted“sia lo Spiritu Sancto” they said the wordsafter him. Together they ended with thecry: “Alleluia, alleluia, alleluia!” and aftera huge blast of his trumpet he began topreach. His words were harsh as mountainwine but they held Dolcino, most of all,when the man in haircloth thumped the[110]FRA DOLCINOdrum. Admiration and envy filled Dolcino’s soul. This man was ignorant andviolent—he knew no Latin (he pronouncedthe penitence “penitenza”) but he repeatedsinister predictions of Merlin and Sibyl andJoachim of Floris, all in the Book of Fig¬ures. He prophesied the Anti-Christ in theperson of Emperor Frederick Barbarossawhose ruin would he complete until theseven orders were taken from him accord¬ing to the Writings. Dolcino followed thestrange man all the way to Parma wherethe full understanding came to him.The announcer shall proceed the founderof the seven orders, Dolcino was given toknow. So there at Parma, on the ancientstone from which the magistrates addressedthe people, he proclaimed his new faith. Itsfollowers must dress, he said, with littlewhite capes over their shoulders like theapostles on the lamp-shade in the refectoryof the Franciscans. Baptism was notenough, he declared. True believers must[ in ]IMAGINARY LIVESreturn to the complete innocence of children.He made a cradle and got in it, calling forthe breast of some pious woman who criedwith pity. To test his chastity he persuadeda woman to have her daughter come nakedto his bed. He begged a sack of money,distributing it among the poor, to thievesand to women of the streets. Work mustcease, he cried, for all could live like thebeasts of the fields. Robert, the conventcook, ran away to follow Dolcino, feedinghis new leader out of a bowl stolen from thepoor brethren. Folk believed the days ofGerardino Secarelli, the mad vagabond, andhis Chevaliers of Jesus, had come back outof the past. Blissfully they followed Dol¬cino, murmuring: “Father, father, father!”The monks of Parma finally drove himout of the city. Margherita, a girl of noblefamily, ran down the road after him, joininghim on his march to Plaisance. He caughtup a sack marked with the red cross andthrew it over her and took her with him.[112]FRA DOLCINOSwineherds and drovers saw them sleepingin the fields. Many left their flocks to fol¬low. Captive women whom the men ofCremona had cruelly mutilated by cuttingoff their noses, implored them and camewith them, hiding their faces behind whiteshrouds. Margherita instructed them in thenew faith. On a wooded mountain not farfrom Novara they established themselvesfor a communal life, though Dolcino set upneither rule nor order: according to his doc¬trines all would be found in charity. Thosewho wished fed on berries and herbs. Othersbegged in the towns and some stole cattle.The life of Dolcino and Margherita was freeunder the sky, but the people of Novaracould not understand. When the peasantscomplained of thieving and scandal soldierywas sent to clear the mountain and the apos¬tles were driven away. As for Dolcino andMargherita, they were tied to the back ofan ass, facing tailward, and led into Novarawhere they were burned in the market place,[ ns]IMAGINARY LIVESboth on the same pyre by order of the law.Dolcino made only one request. He askedthat they should not be stripped, but burnedin their white mantles, like the apostles onthe lamp-shade in the refectory of the Fran¬ciscans.[ 114]

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CECCO ANGIOLIERI

Poet of Hate

CECCO ANGIOLIERICecco Angiolieri was born hateful. Hisbirth at Sienna coincided to the very daywith the birth of Dante Alaghieri at Flor¬ence. Cecco’s father was a rich wool mer¬chant whose sympathies inclined toward theempire. From his earliest childhood the boymuttered scornful, jealous things againsthis sire. In those days many of the nobleshad reached a point where they were nolonger willing to serve the Pope, the Ghibellines having already rebelled while even theGuelphes were divided into factions desig¬nated as the Whites and the Blacks. Im¬perial intervention was not distasteful to theWhites, but the Blacks remained staunchlyloyal to Rome and the Holy See. Cecco feltinstinctively Black, perhaps because hisfather was a White.He hated his father almost from the first[ 117]IMAGINARY LIVESbreath he drew. When he was fifteen hecalled for his share of the family fortunejust as if old Angiolieri were dead. At therefusal of this request he left the paternalhouse in a furious wrath, complaining of hiswrongs to high heaven and all the world,as he walked the roads to Florence where theWhites were again in power after routingthe Ghibellines. Cecco begged bread, toldof his father’s cruelty, and settled downfinally in a cobbler’s hut. The cobbler hada daughter named Becchina with whomCecco at once considered himself in love.He was a simple man, this cobbler, a con¬stant worshiper of the Virgin, whose imagehe always wore, persuaded that his devotiongave him the right to mend boots with badleather. Evenings before bedtime, he wouldsit with Cecco in the candlelight, chattingabout the saints and their goodness whileBecchina washed the dishes, her hair in aneverlasting tangle as she made fun of Ceccofor the crooked mouth he had.[118]CECCO ANGIOLIERIAbout that time all Florence began totalk of Dante’s, wild love for Beatrice,daughter of Folco Ricovero de Portinari,lettered folk having discovered the secret inthe songs the poet wrote to his lady. Ceccoheard these songs and scoffed at them.“Oh, Cecco,” said Becchina, “you mockDante but you cannot write such prettyverses for me.”“We shall see,” replied young Angiolieriwith a sneer. First he set about composinga sonnet in which he criticized the measureand the sentiment of Dante’s songs. Thenhe wrote his verses to Becchina. She couldnot read a word of them, but she shriekedwith laughter at the amorous contortions ofhis mouth when he read them to her.Poor and bare as a stone in a church,Cecco loved the Mother of God with a truefervor that won the cobbler’s heart. To¬gether they yearned for shabby sacred relicspeddled by the bankrupt Blacks. Fired ashe was with ardent devotion, Cecco looked[ U9]IMAGINARY LIVESlike a promising customer at first, but hehad no money. And in spite of Cecco’sadmirable piety the cobbler betrothed hisdaughter to a fat neighbor named Barberino,a vender of oils. “Holy oils, perhaps,” ex¬plained the cobbler by way of excuse toCecco. The wedding took place about thesame time Beatrice married Simone deBardi, and Cecco imitated Dante’s woe.But Becchina did not pine away and die.On June the ninth, 1291, Dante sat idlytracing a picture on a tablet. It was the firstanniversary of the death of Beatrice. Gaz¬ing at the tablet the poet saw he had drawnthe figure of an angel whose face resembledhis beloved. On June the twentieth, elevendays later (Barberino being busy amonghis vats), Cecco Angiolieri obtained fromBecchina the favor of a kiss on the mouth—and wrote a burning sonnet.Hatred sat undiminished in his heart, fornow he wanted money with his love and hecould not get it from the money-lenders.[ 120]CECCO ANGIOLIERIHoping to wheedle some from his father, hedeparted for Sienna. Old Angiolieri refusedhim even so much as a glass of sour wine,leaving him perched on the road in front ofthe house.While in his father’s rooms Cecco hadseen a sack full of new-struck florins, rev¬enue from their estates in Montegiovi andArcidosso. Here was he, perishing of thirstand hunger, his clothes in tatters, his shirtdripping! Back he tramped to Florence,arriving so completely worn and disrepu¬table that Barberino put him out of his shopfor his raggedness.So Cecco returned that night to the hutof the cobbler whom he found sitting in thecandlelight singing a docile song to theVirgin Mary.They wept and embraced and Cecco toldthe cobbler how desperately he hated hisfather—that old man who threatened to liveas long as Botadeo the Wandering Jew. Afriar who came for alms persuaded Cecco to[ 121 ]IMAGINARY LIVESawait his deliverance in the monastic state,so young Angiolieri followed the pious manto the abbey where they gave him a cell andan/old robe, and the prior named him FraHenri. In the choir at evensong he wouldtouch the bare stones under him, as cold andgrim as himself. Rage choked him whenhe thought of his father’s wealth. It seemedto him as if the sea would surely go drybefore that old man died. There weremoments when he even envied the kitchenscullions.At other times he indulged his pridegrandly. “If I were fire,” he thought, “Iwould burn up the world. Were I the windI’d smother it with hurricanes. If I werewater I’d drown it in a deluge; were I GodI’d hurl it into space. If I were the Popethere would he no more peace under the sun;were I the Emperor I’d cut off heads allaround. If I were Death I’d find my father,and were I Cecco. . . .No, there is all mywish!” But he was only Fra Henri.[ 122]CECCO ANGIOLIERIThen he remembered his other hate. Pro¬curing a copy of Dante’s songs to Beatricehe compared them diligently to his ownverses written for Becchina. When a wan¬dering monk told him how Dante hadspoken of him disdainfully he set aboutsearching for some revenge. To him thesuperiority of his sonnets appeared mostevident. The songs to Bice (he gave herthat vulgar name) were abstract and whitewhile his songs were strong and colorful.First he sent his insulting verses to Dante,then imagined himself denouncing that poetbefore the good King Charles, Count ofProvence. Finally, when neither letters norpoems consoled him, he threw off his holygarb, put on his old shirt, his worn jacketand weatherbeaten cape and left the monas¬tery, returning to Florence and the Blackcause.A great joy awaited him there. Dantewas exiled and only a few of the great poet’sfollowers were left. Cecco found the cobbler[ 123]IMAGINARY LIVESwhispering humbly to the Virgin of thenext Black triumph and young Angiolieriforgot Becchina in his gratification. Eat¬ing dry crusts, he walked the streets all dayor ran behind the Church messengers ontheir way to or from Rome. When theviolent Black chief, Corso Donati, becamea power in Florence he employed Ceccoamong others. On the night of June thetenth a mob of cooks, blacksmiths, friars andbeggars invaded the aristocratic section ofthe city where the fine palaces of the Whiteswere. While the cobbler followed at a dis¬tance, admiring the holy sight, Cecco bran¬dished a torch. They burned all. Ceccohimself set fire to the wooden balconies onthe palace of the Cavalcanti, who had beenDante’s friends. That night he fed his hatewith fire and the next day sent his insultingverses to Dante “the Lombard” at the courtof Verona where he had taken refuge. Dur¬ing the same day he became at last the Cecco[ 124]CECCO ANGIOLIERIof his heart’s desire. Old as Eli or Enoch,his father finally died.Speeding to Sienna Cecco threw open thecoffers, plunging his hands deep into bagsof new-struck florins, repeating a hundredtimes over now he was no more Fra Henribut Lord of Arcidosso and Montegiovi,richer than Dante and a better poet. Thenthe sin of having desired his father’s deathbeset him so he repented. There in the fieldshe scribbled a sonnet demanding a Pope’scrusade against all who should henceforthinsult their parents so. Eager for confes¬sion, he returned in haste to Florence andbesought the cobbler to intercede in hisbehalf with the Virgin.From a dealer in holy waxes he bought atall taper which the cobbler lighted unctu¬ously. Together they wept over theirprayers to Their Lady. Until a very latehour the voice of the cobbler was heard sing¬ing songs of praise and rejoicing in his finecandle, as he wiped away his friend’s tears.[ 125]

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PAOLO UCCELLO

Painter

PAOLO UCCELLO

His real name was Paolo di Dono, but the Florentines called him Uccelli or Paul of the Birds because of the many bird figures and painted beasts in his house, for he was too poor to feed live animals or to obtain those strange species he did not know. At Padua he was said to have executed a fresco of the four elements, with an image of a chameleon representing the air. He had never seen one, so he made it a sort of pot-bellied camel with a gaping snout (while the chameleon, explains Vasari, resembles a small dry lizard and the camel is a great humped beast). Uccello was not concerned with the reality of things but in their multiplicity and the infinity of their lines. He made fields blue, cities red, and cavaliers in black armor on ebony horses with blazing mouths, the lances of the riders radiating toward every quarter of the heavens. He had a fancy for drawing the mazocchio, a headdress made of wooden hoops so covered that the cloth fell down in pleats all about the wearer’s face. Uccello drew pointed ones and square ones and others in pyramids and cones, following every intricacy of their perspectives so studiously as to find a world of combinations in their folds. The sculptor Donatello used to say to him: “All, Paolo, you leave the substance for the shadow.” The Bird continued his patient work, assembling circles, dividing angles, examin¬ ing all creatures under all their aspects. From his friend Giovamii Manetti, the mathematician, he learned of the problems of Euclid, then shut himself up to cover panels and parchments with points and curves. Aided by Filippo Brunelleschi, he perpetually employed himself at the study of architecture, but he had no intention to build. He wanted only to know the direc¬ tions of lines from foundation to cornice, the convergences of parallels together with their intersections, the manner in which vaulting turns upon its keys and the perspective of ceiling beams as they appear to unite at the ends of long rooms. He drew all beasts, all their movements and all the gestures of men, reducing these things to simple lines. Then like an alchemist who mixes ores and metals in his furnace, watching their fusion in hope of finding the secret of gold, Uccello would throw all his forms into a crucible, mix them, mingle them and melt them, striv¬ ing to transmute them into one ideal form containing all. That was why Paolo Uccello lived like an alchemist at the back of his little house. He believed he might find the knowledge to merge all lines into a single aspect; he wanted to see the universe as it should be reflected in the eye of God, all figures springing from one complex center. Near him lived Ghiberti, della Robbia, Bru¬ nelleschi and Donatello, each one proud and a master of his art. They railed at poor Uccello for his folly of perspectives, with his house full of cobwebs—empty of provisions. But Uccello was prouder than they. At each new combination of lines he imagined he had discovered the way. It was not im¬ itation he sought, but the sovereign power to create all things, and his strange drawings of pleated hats were to him more revealing than magnificent marble figures by the great Donatello.

That was how The Bird lived: like ahermit, with his musing head wrapped in hiscape, noting neither what he ate nor whathe drank.

One day along a meadow, near a ring ofold stones deep in the grass, he saw a laugh¬ing girl with a garland on her head. Shewore a thin dress held to her hips by a paleribbon and her movements were supple asthe reeds she gathered. Her name was Selvaggia. She smiled at Uccello. Noting theflexion of her smile when she looked at him,he saw the little lines of her lashes, the pat-[ 132]PAOLO UCCELLOterned circles of the iris, the curve of herlids and all the minute interlacements of herhair. Considering the garland across herforehead, he described it to himself ina multitude of geometric postures, but Selvaggia knew nothing of all that for she wasonly thirteen. She took Uccello by the handand he loved her. She was the daughter ofa Florentine dyer, her mother was dead andanother woman had come to her father’shouse and had beaten her. Uccello took herhome with him.Selvaggia used to kneel all day by thewall whereon Uccello traced his universalforms. She never understood why he pre¬ferred to regard those straight and archedlines instead of the tender face she raised tohim. At night, when Manetti or Brunel¬leschi came to work with Uccello she wouldsleep at the foot of the scaffolding, in thecircle of shadow beyond the lamplight. Inthe morning she arose before him, rejoicingbecause she was surrounded by painted birds[ 133]IMAGINARY LIVESand colored beasts. Uccello drew her lips,her eyes, her hair, her hands; he recorded allthe attitudes of her body but he never madeher portrait as did other painters when theyloved a woman. For The Bird had no pleas¬ure imitating individuals. He never dweltin the one place—he tried to soar over allplaces in his flight. So Selvaggia’s formswere tossed into his crucible along with themovements of beasts, the lines of plants andstones, rays of light, billowings of cloudsabove the earth and the rippling of seawaves. Without thought for the girl, helived in eternal meditation upon his crucibleof forms.There came a time when nothing remainedto eat in Uccello’s house. Selvaggia did notspeak of this to Donatello or the others; shekept her silence and died. Uccello drewthe stiffening lines of her body, the unionof her thin little hands, her closed eyes. Heno more realized she was dead than he had[ 134]PAOLO UCCELLOever realized she was alive. But he threwthese new forms among all the others he hadgathered.The Bird grew old. His pictures were nolonger understood by men, who recognizedin them neither earth nor plant nor animal,seeing only a confusion of curves. For manyyears he had been working on his suprememasterpiece which he hid from all eyes. Itwas to embrace all his research and all theimages he had ever conceived. The subjectwas Saint Thomas, incredulous, temptingthe wrath of Christ. Uccello completed thiswork when he was eighty. Calling Dona¬tello to his house he uncovered it piouslybefore him and Donatello said: “Oh, Paolo,cover your picture!” Though The Birdquestioned him, the great sculptor wouldsay no more, then Uccello knew he hadaccomplished a miracle. But Donatello hadseen only a mass of lines.A few years later they found PaoloUccello dead in his bed, worn out with age.[ 135]IMAGINARY LIVESHis face was covered with wrinkles, his eyesfixed on some mysterious revelation. Tightin his rigid hand he clutched a little parch¬ment disc on which a network of lines ranfrom the center to the circumference andreturned from the circumference to thecenter.[136]

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NICOLAS LOYSELEUE

Judgel

NICOLAS LOYSELEURBorn on Ascension Day, he was dedicatedto the Virgin, whose aid he invoked at alltimes during his life until he could not hearher name without his eyes would fill withtears. He was first schooled by a lean manin a little loft on the rue Saint-Jacques,where, after learning his psalms, donats andpenitences with three other children, helaboriously acquired the logic of Okam. Hesoon became bachelor and master of the arts,for the venerable instructors found his gentlenature charmingly unctuous, as sweet wordsof adoration slipped easily from his fat lips.No sooner had he obtained his baccalaureatethan the Church had its eye on him. Heserved first in the diocese of the Bishop ofBeauvais who recognized his talent, usingit to inform the English before Chartreshow certain French captains were deploying.[ 139]IMAGINARY LIVESWhen he was about thirty-five years oldthey made him a canon of the Cathedral ofRouen, where he struck up a friendshipwith another canon and chorister, JeanBruillot, with whom he psalmed fine litaniesin honor of Mary.Now and again he saw fit to remonstratewith Nicole Coppequesne, one of the monksof his chapel, taking that brother gently totask for his unseemly devotion to SaintAnastasia. Transported at the thought ofa clever girl so beguiling a Roman magis¬trate, Nicole Coppequesne had a habit ofcarrying his ecstasies to the kitchen, flinginghimself upon the pots and pans until hisardent embraces left him black in the faceand smudgy as a demon. But Nicolas Loyseleur showed Nicole Coppequesne howmuch brighter was the power and the gloryof Mary when she chose to resuscitate adrowned friar—a lewd friar surely, whoseonly salvation lay in his reverence to theVirgin. One night as Nicole Coppequesne[ 140 ]NICOLAS LOYSELEURleft his cell bent on celebrating one of hisodious kitchen orgies, his course led him pastthe altar of the Blessed Lady, where hepaused perforce in pious genuflection. Andthat night his lubricity was drowned in theriver. The evil spirits who threw him in didnot return to rescue him, but when the monkshauled his body out of the water the follow¬ing day he opened his eyes after a time,revived by the grace of Mary. “Ah, what achoice remedy is such devotion!” breathedcanon Nicolas Loyseleur. “How venerable,Coppequesne, and how discreet. Surelyfrom this day you will renounce your Anas¬tasia!”When the Bishop of Beauvais opened theprocess against Jeanne la Lorraine at Rouenthe graceful persuasiveness of Nicolas Loy¬seleur was not forgotten. Dressed as a lay¬man, his shaven pate covered by a hood,Nicolas entered the small circular cell underthe staircase where the prisoner was con¬fined.[ i«]IMAGINARY LIVES“Jeannette,” he began, drawing back wellinto the shadows, “Sainte Katherine has sentme to you, Jeannette.”“And you,” said Jeanne, “in God’s namewho are you?”“I am a poor cobbler from Greu,” Nicolasreplied. “Alas for our unhappy country!The ‘Godons’ have taken me, too, my girl.I know you well, Jeanne. How many, manytimes have I seen you kneeling before theHoly Mother of God in the Church ofSainte-Marie of Bermont! I have often satthere with you while our good cure, Guil¬laume Front, has said the mass. Do youremember Jean Moreau and Jean Barre ofNeufchateau, Jeanne? They were my com¬rades.”Jeanne wept.“Trust me, Jeannette,” urged Nicolas.“They made me a priest years ago. See?See my shaven head? Confess yourself tome, my child. Confess freely. Our graciousKing Charles is my friend.”[ 142]NICOLAS LOYSELEUR“I will confess to you gladly,” saidJeanne.A small hole had been secretly cut in thewall beforehand. Outside the cell GuillaumeManchon and Bois-Guillaume prepared towrite down the confession as Nicolas Loyseleur whispered:“Jeannette, tell me the truth. Tell meall . . . the English will not dare to harmyou.”On the following day Jeanne was takenbefore her judges. Hidden by a thick sergecurtain Nicolas Loyseleur sat with a notaryin the hollow of a casem*nt window. Thenotary was there to elaborate all chargesagainst Jeanne in the record, and to leaveher answers blank. When Nicolas appearedin the open court he made a little sign toprevent her from showing her surprise.Then he assisted the severe examination.On the ninth of May, in the main towerof the Chateau, he declared that the needfor torture was urgent.[ 143]IMAGINARY LIVESOn May the twelfth all the judges assem¬bled with the Bishop of Beauvais to decideif Jeanne should be tortured. GuillaumeErart thought it unnecessary. Enough ma¬terial had been obtained without that meas¬ure, he said. In Master Nicolas Loyseleur’sopinion it would be well to torture her forthe good of her soul, but his advice was notfollowed.On the twenty-fourth of May they led herto the cemetery of Saint-Ouen, where theytied her to a scaffold with her feet on a pileof fa*ggots. While Guillaume Erart prayed,Nicolas Loyseleur was close beside her,whispering in her ear. Menaced by the fire,she grew deathly white as Nicolas caughther in his arms and with a quick glance atthe judges, cried out: “She will confess.”When she passed him again at the low doorof the prison he kissed her fingers.“Please God, Jeannette,” he said, “thisday has been well for you. Your soul hasbeen saved, Jeanne. Only trust me and you[ 144 ]NICOLAS LOYSELEURshall be free. Resume the modest garmentsof your proper sex. Do as you are toldelse you are still in danger. Obey me,Jeanne, and you shall be saved. You are agood girl; there is no evil in you. But youare in the power of the Church. You mustremember that.”After dinner he visited her in her newprison, an apartment in the Chateau, reachedby eight stairs. Nicolas sat down on thebed to which a heavy block was fastened byan iron chain.“My Jeannette,” he began, “God andOur Lady have been merciful to you thisday, for they have shown you the grace andmercy of our Holy Mother the Church.When the judges and holy men commandyou must obey humbly. You must give upyour old ideas or the Church will abandonyou forever. See, Jeanne—here are honestgarments of a modest girl. Be quick toshear those boyish locks.”Four days later Nicolas returned while[ 145 ]IMAGINARY LIVESJeanne was asleep and stole the skirt andsmock he had given her. When they toldhim she was again in man’s clothing he ex¬claimed:“Alas, I fear she’s sunk too deep in evil.”And to the Archbishop in his chapel herepeated the words of Doctor Gilles ofDuremort:“We, her judges, have but to declareJeanne d’Arc a heretic, abandoning her tosecular justice; praying they shall deal withher leniently.”Before they led Jeanne to the stake Nico¬las reached her side with Jean Toutmouille.“Oh, Jeannette,” he pled, “hide thetruth no longer for now you must thinkonly of your soul’s salvation. Trust me, mychild! Here, before all eyes, you must godown on your knees in public confession.Public, Jeanne! Humble and public . . .for the good of your soul.”Jeanne begged his help, fearing her cour¬age there before the mob.[ 146 ]NICOLAS LOYSELEURHe stayed to see her burn. It was thenhe manifested his devotion to the Virgin sovisibly. When Jeanne began to scream outin the name of Mary, Nicolas wept hot tears,strongly moved as he was at the very soundof Our Lady’s name. The English soldiersthought he cried out of pity for Jeanne, sothey struck him and threatened him withtheir swords. Ifthe Count of Warwick hadnot protected him they would have cut histhroat then and there. As it was he mountedone of the Count’s horses and rode away.For many long days he wandered overthe roads of France, avoiding Normandyand the king’s men. Finally he reachedBale. Standing on a wooden bridge betweentall pointed houses with blue and yellow tur¬rets, roofed with arched, striated tiles, he wassuddenly dazzled 15y the glare of the Rhine.He saw himself drowning like the lewd friar,Nicole Coppequesne, in the green waterwhirling before his eyes, and Mary’s namechoked in his throat as he died with a sob.[ 147 [

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KATHERINE THE LACEMAKER

Girl of the Streets

KATHERINE THE LACEMAKERShe was born about the middle of thefifteenth century, in the rue de la Parcheminerie near the rue Saint-Jacques, duringa winter so cold that wolves ran over Parison the snow. An old woman with a rednose under her hood took Katherine in andbrought her up. At first she played in thedoorways with Perrenette, Guillemette,Ysabeau and Jehanneton, who wore littlepetticoats and gathered icicles, chilling theirsmall red fists in the icy gutters. Theywould watch the neighborhood boys whistleat passers-by from the tables of the SaintMerry tavern. Under open sheds they sawbuckets of tripe, long fat sausages and bigiron hooks from which the butchers hungquarters of meat near Saint-Benoit leBetourne, where the scriveners lived. Theyheard the scratching of quills in little shops,[151]IMAGINARY LIVESand in the evening saw clerks snuff out theirflickering candles. At Petit-Pont theymocked the sidewalk orators, then scam¬pered away to hide among the angles ofthe rue des Trois-Portes. After that theywould sit together along the fountain’s curband chatter until nightfall.So Katherine passed her first youth, be¬fore the old woman taught her to sit infront of a lacemaker’s cushion, patientlycrossing the threads from the bobbins.Later on she wrorked at that trade. Jehanneton became a capemaker, Perrenette awasherwoman, while Ysabeau made glovesand Guillemette, happiest of all, was a sau¬sage-maker, with her little face crimson andshining as if it had been rubbed in freshpork blood. For the boys who played atthe Saint-Merry new enterprises began.Some went to study on Mount Sainte Gene¬vieve, some drove carts to Trou-Perrette,some clinked goblets of Aunis at the Pommede Pin, others quarreled at the Hotel de la[ 152]KATHERINE THE LACEMAKERGrosse Margot. At noon they were seenin the tavern entrance on the me aux Feves;at midnight they left by the other door onthe rue aux Juifs. As for Katherine, shecontinued to interwork the threads of herlace. On summer evenings she found itpleasant sitting on the church steps wherethey let her laugh and gossip.Katherine wore an unbleached dress witha green jacket over it. Absorbed in theproblems of clothes, she hated nothing somuch as the padded garments worn by girlsnot of noble birth. She was fond of money—equally fond of the silver testons or tensou pieces, the blancs, and above all of thegolden ecus. That was how she made theacquaintance of Casin Cholet, sergeant ofthe yard at Chatelet, one evening in theshadow of his little office. Casin was poorlypaid. Katherine often had supper with himat the Hotel de la Mule, opposite the Churchdes Mathurins, and after supping Casinwould go out to steal chickens around the[ 153]IMAGINARY LIVESmoats and ditches of Paris, bringing themback under the folds of his wide tabard,selling them very fairly to Machecroue,widow of Arnoul, who kept the poultry shopat the Petit-Chatelet gate.Soon Katherine gave up her lacemaking,for the old woman with the red nose wasnow rotting her bones in the Cemetery desInnocents, and Casin Cholet had found hislittle friend a basem*nt room near TroisPucelles, where he came to her late at night.He did not care if she showed herself at thewindow, her eyes blackened with charcoal,her cheeks smeared with white lead—henever forbade it; and all the pots, cups anddishes offered by Katherine to those whopaid well, were stolen by Casin from variousinns—from the Chaire, the Cynges orfrom the Hotel du Plat d’Etain. The dayhe pawned Katherine’s belted dress atthe Trois-Lavandieres Casin Cholet disap¬peared. His friends told her he had beencaught snooping in the bottom of a cart,[ 154 ]KATHERINE THE LACEMAKERthat he had been soundly beaten and drivenout of Paris by the Baudoyer gate at theorder of the provost. She never saw himagain. Having no heart to earn her livingalone, she became a girl of the streets, dwell¬ing wherever she could.At first she waited by the tavern doors,and those who knew her took her behindwalls, under the Chatelet or around by theCollege of Navarre. When it grew too coldfor this, a complaisant old woman let hercome into a bath-house where the madamegave her shelter. She lived there in a stoneroom strewn with green rushes, and they lether keep her name, Katherine the Lacemaker, though she made no more lace.Sometimes they gave her liberty to walkthrough the streets if she promised to returnby the hour the men were accustomed toarrive, then Katherine would go peering intothe glove shops and the lace shops, but mostof all she envied the red face of the littlesausage-maker, laughing among her chunks[ 155 ]IMAGINARY LIVESof pork. Afterwards she would go backto the house, which the madame lighted atdusk with candles that melted and drippedthickly behind black panes.Finally Katherine grew tired of livingshut up in a square room. She ran away tothe roads. From that time on she was nolonger Parisienne or lacemaker, but one ofthose women who haunt the outskirts ofFrench towns, waiting by cemetery wallsfor any man who passes. These womenknow no names but those which suit theirfaces, and they ' called Katherine “TheSnout.” She tramped the fields, where herwhite face was often seen peeping betweenthe mulberry trees or over the hedges.Evenings, she sat by the roadside, and shelearned to control her fear of the dark inthe midst of the dead, while her feet shiveredagainst the stone-marked graves. No morewhite money, no more silver testons, nogolden ecus; Katherine lived thinly now on[ 156]KATHERINE THE LACEMAKERbread, cheese and a jug of water. She hadvagabond friends who cried, “Snout!Snout!” at her from afar—and she lovedthem.The chapel bells were her greatest loss,dfor The Snout would remember June nightswhen she had spread her green jacket outon the church steps. Those were the dayswhen she had so envied young ladies in theirgay dresses. But now there remained toher neither cape nor jacket. Bareheaded,she crouched on the stones waiting for herbread. In the thick shadows of the ceme¬teries she regretted those red candles at thehouse with the square room, and the greenrushes underfoot, instead of black mud stick¬ing to her boots.One night a tramp came along dressed uplike a soldier. He cut The Snout’s throatto get her purse, but he found no moneyin it.[ 157 ]

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ALAIN THE GENTLE

Soldier

ALAIN THE GENTLEFrom the age of twelve he served CharlesVII as an archer, for he was brought up bymen-at-arms in the flat country of Nor¬mandy and the circ*mstance of his adoptionwas the following. When the armies camethrough that region, burning barns, skinningthe legs of peasants with their sheath-knivesand flinging young girls down broken ontheir beds, Alain was hid in an empty caskat the door of a wine press, and when thesoldiers tumbled the cask upside down theyfound him. They carried him away just ashe was, in his shirt and his perky petticoat,to the captain of the troop, who gave him alittle leather jacket and a cape that hadbeen through the battle of Saint-Jacques.Perrin Godin taught him how to draw a bowand how to gamble at cards. In this com¬pany he passed through Bordeaux, Angou-[161]IMAGINARY LIVESleme and Poitou to Bourges; saw SaintPourcain where the king sat beyond themarches of Lorrain; visited Tout; returnedto Picardy; entered Flanders; crossed SaintQuentin and turned again toward Nor¬mandy. During his twenty-three years ofmilitary travel he met the Englishman,JehanPoule-Cras, from whom he learned Britishcurses; Chiquerello the Lombard, who in¬structed him in the cure of Saint-Anthony’sfire; and young Ydre de Laon, who taughthim how to pull down breastworks.At Ponteau de Mer his comrade, Bernardd’Anglades, persuaded him to quit the royalcourtage. Together, declared Bernard, heand Alain could make a fat living cheatingwith loaded dice, which they called “gourds.”They deserted their command forthwith, noteven pausing to discard their uniforms, andset up their game on the head of a stolendrum behind a cemetery wall. After watch¬ing them a while, a rascally sergeant of theguard named Pierre Empongart told them[ 162]ALAIN THE GENTLEthey were sure to be caught and caught soonunless they became priests in order to escapethe king’s men and claim the protection ofthe Church. They must clip their pates, heexplained, and throw away their slasheddoublets and colored sleeves if cornered.After shearing themselves then and there,he made them repeat a Dominus pars. Theystrutted away, one on each side of the road,Bernard with Bietrix la Claviere and Alainwith Lorenette la Chandeliere.Lorenette wanted a green cloth jacket, soAlain went back to the White Horse tavernat Lisieux where they had recently boughta jug of wine. That night he crept into thegarden, made a hole in the wall with hispike, and so gained the hall of the inn wherehe found seven brass ecus, a red hat and agold ring. Jaquet le Grand, pawnbrokerof Lisieux, changed this assortment for ajacket such as Lorenette desired.When they reached Bayeaux Lorenettewent to live in a small painted house of none[ 163 ]IMAGINARY LIVEStoo scrupulous reputation. Alain the Gentlewanted her back again, but when he wentfor her the mistress of the house showed himthe door, candle in one hand, a dangerouslooking rock in the other, asking him if hewould like to have his muscles rubbed todrive away the boils. Alain ran away, buthe knocked the candle out of the woman’shand as he went, grabbing what he thoughtwas a precious ring from her finger. Itturned out to be only a big pink pebble ina brass setting.Alain left Lisieux to wander aimlesslyalong the roads. In the Hotel de Papegautat Maubusson he found one of his old com¬rades in arms, Karandas, eating tripe withanother fellow by the name of Jehan Petit.Karandas was still carrying his halberdwhile Jehan Petit wore a purse in his beltwith pretty silver trinkets dangling from it.His belt buckle was solid silver too. Aftersome drinking all three decided to walkthrough the woods to Senlis. It was late[ 164 ]VALAIN THE GENTLEwhen they took the road, and when they weredeep in the darkness of the wood Alain theGentle prepared himself. Jehan Petitwalked just ahead of him; there in the darkAlain let him have the pike straight betweenthe shoulders while Karandas brought hishalberd down across his head. Jehan fellflat on his face, then Alain was over himat a stride, cutting his throat from ear toear. Afterwards Alain stuffed the hole inhis neck with dry leaves to avoid leavinga marsh of blood on the path. The moonrose clear above the trees. Alain cut thesilver buckle from the dead man’s belt andclipped the pretty silver trinkets danglingon his purse. There were sixteen lyons,gold, in the purse, with thirty-six patars.Alain kept the lyons, tossing the purse andthe trinkets to Karandas for his pains, butholding his pike well poised as he did so.There in the bright moonlight they parted,each his own way, Karandas swearing bythe blood of God.[165]IMAGINARY LIVESSince Alain the Gentle dared not go onnow to Senlis he returned to the city ofRouen. He spent the night under a blos¬soming hedge and woke surrounded bymounted men who bound his hands and ledhim off to prison. As they neared the gateshe contrived to slip behind one of the horses,making a dash for the church of SaintPatrice, where he managed to gain the sanc¬tuary of the High Altar. His captors of amoment before were not permitted to passthe door of the sacred building. Safe whilehe remained there, Alain walked freely upand down the nave and the choir, admiringthe fine chalices of rich plate and the othervessels, thinking how nice they would bemelted down. The following night he hadtwo companions, Denisot and Marignon,thieves like himself. One of Marignon’sears had been cropped off. Soon theythought of nothing but food, envying thelittle prowling mice that nested between theflagstones and fattened on crumbs of holy[ 166]ALAIN THE GENTLEbread. When the third night came hungerdrove them out, all three, and the waitingguardsmen seized them. Alain cried “clerk”—but forgot to take off his green sleeves.Gaining a moment’s retirement for anurgent purpose, he tried to disguise thosetelltale sleeves by plunging his arms up tothe elbows in manure. The sergeant of theguards caught him at it, however, and toldthe magistrate. A barber shaved Alain’shead clean, effacing his priestly tonsure.The judges laughed at the grotesque Latinof his psalms, though he had the audacity toswear a bishop had ordained him with a boxon the ear when he was ten years old. Hecould not begin to say his pater-nosters.They put him to the question like a layman,first on the greater question, then on thelesser. Down by the fires in the kitchenprison he declared all his crimes, his limbsswollen by shackles and his throat racked.A lieutenant pronounced his sentencethrough the town. Tied to the tail of a[ 167]IMAGINARY LIVEScart, he was dragged all the way to thegallows and hanged. His body grew sun¬burned after a time, for the hangman tookhis jacket, his green sleeves and the finecloth cape trimmed with fur which he hadstolen out of a tavern.[ 168]

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GABRIEL SPENCER

Actor

GABRIEL SPENCERHis mother was a woman named Flumwho had a little basem*nt in Piked-Hatchat the end of Rotton-Row. After suppera captain with brass rings on his fingersused to come to see her, along with twogallants in loosened doublets. Flum lodgedthree girls named Poll, Doll and Moll, andnone of them could stand the smell of to¬bacco. Frequently when they retired to therooms above, the polite gentlemen wouldaccompany them after first taking a glassof Spanish wine to wash away the taste oftheir pipes. Little Gabriel used to sit onthe hearth watching them roast apples toput in their ale-pots. Actors of all sortscame there too—actors who dared not showthemselves in the big taverns where thefamous entertainers went. Some of themboasted in the grand manner, others stuttered[ 171]IMAGINARY LIVESlike idiots. They often played with Gabriel,teaching him tragic verse and rustic jokes,and once they gave him a scrap of giltfringed crimson drapery with a velvet maskand an old wooden dagger. Then heparaded up and down all alone in front ofthe fireplace until his mother’s triple chinsshook in a quiver of admiration for her pre¬cocious child.Later on the actors took him to the GreenCurtain in Shoreditch, where he trembled tosee the excessive rage of a little comedianhurling his way through the role of Jeron¬imo. They showed him old King Lear withhis wild white beard, kneeling for pardonbefore his daughter Cordelia. A clown imi¬tated the follies of Tarlton, while another,wrapped in a bed-quilt, terrified PrinceHamlet. Sir John Oldcastle made every¬body laugh with his fat belly, most of allwhen he snatched his hostess around thewaist while she permitted him to rumple herbonnet and slide his fat fingers into the[ 172]GABRIEL SPENCERbuckram sack hanging from her belt. Thefool sang songs the idiot never could under¬stand. A clown in a cotton hat kept stick¬ing his head out from behind the wings tomake faces. They had a juggler, too, withmonkeys, and a man dressed up like awoman, whom Gabriel thought looked likehis mother, and whom the beadles with theirtall maces came stalking to at the end of thepiece, dressing him in a rich blue robe, de¬claring they would carry him off to Bride¬well.When Gabriel was fifteen the Green Cur¬tain players noticed that he was pretty andslim enough to play the parts of women oryoung girls. He had very white skin andlarge eyes under fine arched brows. Comb¬ing down his unruly black hair, Flum piercedhis ears to hold a pair of imitation doublepearls. He joined the Duke of Notting¬ham’s troupe where he was given dresses oftaffeta and damask with spangles of goldand silver foil, laced corsets, and hempen[ 173]IMAGINARY LIVESwigs with long curls. During rehearsalsthey taught him to act. He blushed at firstwhen he found himself on the stage, but hewas soon responding mincingly to gallan¬tries. Bustling with excitement, Flumbrought Poll, Doll and Moll to see him.He must really he a girl, they declared,laughing, and they said they certainlymeant to unlace him after the play. Theytook him back to Piked-Hatch, where hismother made him put on one of his dressesto show the captain, who begged him a thou¬sand mock pardons as he placed a cheapgold-plated ring set with a glass carbuncleon his finger.Gabriel Spencer’s best friends wereWilliam Bird, Edward Juby and the twoJeffs. One summer they toured the coun¬tryside with a company of vagabond actors,traveling in a tilt-covered wagon that servedthem also as a shelter when they halted forthe night. On the way to Hammersmithone evening, a man stepped out of the road-[ 174]GABRIEL SPENCERside ditch and showed them the muzzle of apistol.“Your money!” he demanded. “I amGamaliel Ratsey, highwayman, by the graceof God . . . and I don’t like to wait.”The two Jeffs responded with a wail:“Money we have not, your grace . . .only a few brass spangles and tinted rags.We are poor wayside actors, like yourpatron lady herself.”“Actors!” said Gamaliel. “Now this iswell met. No rogue nor gamester I, but agood friend of these spectacles. Had I nota certain respect for Old Derrick, waitingto drag me up the ladder and stretch myneck for me, I’d never quit the river banksand happy taverns where you, my sirs, arecustomed to display such spirit. Welcomeye are this fine night, so up with your stageand give me your best. . . . GamalielRatsey listens. That’s not a common thingand you can tell it in the towns.”[ 175]IMAGINARY LIVES“But it will cost us money,” ventured thetwo Jeffs timidly.“Money!” exclaimed Gamaliel. “Whospeaks to me of money? I am king here asElizabeth is queen in the city, and I’ll payyou royally. Forty shillings for you.”Trembling, the actors came down fromtheir wagon.“Please your majesty,” asked Bird, “whatwould you have us play?”With his eyes on Gabriel Spencer, Gama¬liel Ratsey reflected.“Faith,” he said at last, “a pretty piecefor this missy, and damn well melancholy.She’ll make me an Ophelia with those flowerfingers . . . true fingers of death, she has.‘Hamlet,’ that’s what ye’ll do, for well I likethe humors of that composition. Were Inot Gamaliel I might be Hamlet himself.”They lighted the lanterns. Gamalielwatched the performance attentively. Whenit was over he said to Gabriel Spencer:“Sweet Ophelia, I will excuse you from[ 176}GABRIEL SPENCERfurther compliment. You are free, actors ofKing Gamaliel. His majesty is satisfied.”Whereupon he disappeared into the dark¬ness.As the wagon started off at dawn theyfound him again barring the way, pistol inhand.“Gamaliel Ratsey, highwayman,” he said,“has come for King Gamaliel’s forty shil¬lings.”The two Jeffs promptly gave it over.“Now get on with you!” ordered Gama¬liel. “My thanks for the play; decidedlythe humors of Hamlet please me infinitely.All courtesies to Ophelia.” And with thathe galloped away.Following this adventure the troupe re¬turned to London, where they told a greattale of a mistaken robber stealing theirOphelia, skirts, wig and all. A girl namedPat King, who often came to the GreenCurtain, declared she was not a bit surprised.She had a plump face and a round body.[ 177]IMAGINARY LIVESWhen Flum invited her home to meetGabriel she found him pretty and kissed himsweetly. After that she came back fre¬quently. Pat was the mistress of a brickmaker who disliked his trade, having anambition to become an actor at the GreenCurtain. His name was Ben Jonson andhe was very proud of his education, beinga clerk with some knowledge of Latin. Hewas a big square man, scarred by scrofula;his right eye was higher than his left andhe had a loud harsh voice. This colossushad seen service as a soldier in the LowCountries. One day he followed Pat King,seized Gabriel by the scruff of the neck anddragged him out to Hoxton field, wherehe made him stand up and face him, swordin hand. Flum managed to slip Gabriel ablade ten inches the longer, and this passedthrough Ben Jonson’s arm. Stabbed throughthe lung, Gabriel died there on the grass.Flum ran for the constables, who carried[ 178]GABRIEL SPENCERBen Jonson off swearing to Newgate. Flumhoped they would hang him but he recitedhis Latin poems to show he was a clerk, sothey only branded him on the hand with ared-hot iron.[ 179]

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POCAHONTAS

Princess!I

POCAHONTASPocahontas was the daughter of KingPowhatan who ruled from a couch-likethrone draped in coon-skin robes with allthe tails hanging down. She was raised ina house made of plaited reeds, among priestsand women whose faces and shoulders werepainted vivid red, and who amused her withleather toys and snake rattles. Namontak,a faithful old servant, watched over the prin¬cess while she played; sometimes they tookher into the woods beside the wide Rappa¬hannock River where thirty young girlswould dance for her. They would he tintedbright colors and girdled with green leaves,having goats’ horns on their heads and otterskins in their belts as they shook their clubs,leaping around a crackling fire. The dancethey would stamp out the fire and[ 183]over,IMAGINARY LIVESreturn with the princess in the glowing lightof smoldering embers.During the year 1607 the land of Poca¬hontas was troubled by Europeans. Ruinedgentlemen, criminals and gold seekers camedown the Potomac and built log cabins. Tothis scattered group of huts they gave thename Jamestown and they called their col¬ony Virginia. In those first years Virginiawas no more than a small impoverished forton Chesapeake Bay, surrounded by thedomains of the great King Powhatan. Fortheir leader the colonists chose Captain JohnSmith, who earlier had sought adventurein the East among the Turks. Under hiscommand they wandered along the rocks,living on shellfish together with what littlegrain they were able to secure throughtraffic with the Indians.At first they were received with greatceremony. A native priest came to themplaying a reed flute, his braided lockscrowned by a diadem of elk hair tinted red[ 184]_POC AHONTAS1and arranged in rosettes. His body waspainted crimson, his face blue, and he glit¬tered from head to foot with ornaments ofnative silver. Straight and grim, he squat¬ted on a carpet of mats, smoking a pipefilled with tobacco.Then others came, forming a solid squarearound the white men. Some were paintedblack, others red or white or in variegatedcolors. They sang and danced before theiridol, which they called Oki—an image madeof snake skins stuffed with mosses and hungwith copper chains.In spite of this show of friendliness, Cap¬tain Smith was assailed a few days laterwhile exploring the river, and was taken andbound. Amid wild war-cries he was carriedaway to a long-hut to be left there undera guard of forty savages. Priests with eyesmade red and black faces crossed by broadwhite bands circled around the fire sprin¬kling grains of wheat on the ground. ThenJohn Smith was conducted to the house of[ 185]IMAGINARY LIVESthe King. Powhatan sat cloaked in his furrobes; near him were other chieftains,their locks filled with feathers. A womanbrought water for John Smith to bathe hishands, and another dried them on a tuft ofdown. Meanwhile two red giants placedflat stones at Powhatan’s feet, and the Kingraised his hand in a sign for John Smith tokneel there and be beheaded.Advancing timidly through the circle ofpainted chiefs, Pocahontas threw herself be¬fore the Captain, her head against his cheek.She was only twelve years old. John Smithwas twenty-nine. On his aquiline face hewore big straight mustaches and a fan¬shaped beard. Pocahontas, they told him,was the name of the princess who had savedhis life. But that was not her real name.Powhatan made peace with John Smith andset him free.A year later Captain Smith camped withhis men in a dense woodland one night whena penetrating rain deadened all sound.[ 186]POCAHONTASSuddenly Pocahontas touched his shoulder.Alone she had come through the dark towarn him how her father planned an at¬tack, intending to kill the English whilethey sat at supper. She begged him to goat once if he wished to live. Captain Smithoffered her beads and ribbons but she onlycried, telling him she did not want them.Then she went away alone into the forest.The following year found Smith in dis¬grace among the colonists and in 1609 heembarked for England. There he wrotebooks about Virginia, explained the colonialsituation, recounted his adventures. About1612 a certain Captain Argali, having goneto trade among the Potomacs (Powhatan’stribe), took Pocahontas away as hostage.Her father was furious but she was notgiven back. She remained a prisoner untila gentleman of the court, one John Rolfe,became fascinated with her and married her.They say Pocahontas confessed her love forJohn Smith to a priest who visited her in[187]IMAGINARY LIVESher prison. In June, 1616, she reachedLondon where her advent aroused muchcuriosity at court. Good Queen Anne re¬ceived her kindly, ordering her portrait en¬graved by a great artist.About to return to Virginia, CaptainJohn Smith called to pay his respects beforeembarking. He had not seen Pocahontassince 1608; she was now twenty two. Whenhe entered she turned her face away, re¬plying neither to the words of her husbandnor her friends, remaining alone and silentfor several hours. Then she called for Smith,and raising her eyes she said to him:“You promised Powhatan whatever be¬longed to you was his and he promised youthe same. A stranger in his country, youcalled him father—I am a stranger in yourcountry and I shall call you that.”Captain Smith excused himself from thefamiliarity, for, he explained, she was thedaughter of a king.She replied:“You were not afraid to come to my[ 188]POCAHONTASfather’s country, and he dreaded you, he andall his people . . . excepting me. Here, doyou think I shall not call you my father?I will say ‘my father’ and you shall say ‘mychild’ and I will belong to your people al¬ways. . . . They told me over there thatyou were dead.”Her name, she confided secretly to JohnSmith, was Matoaka. Fearing witchcraft,the Indians had falsely reported it to bePocahontas.John Smith sailed for Virginia. He neversaw Matoaka again. When she sickened atGravesend shortly after the beginning ofthe following year, she soon grew pale anddied. She was not quite twenty-three.Her portrait carries this inscription:“Matoaka alias Rebecca filia potentissimiprincipis Powhatani imperatoris Virgince ”It shows poor Matoaka in a high felt hatwith two garlands of pearls, a ruffed col¬larette of lace and a plumed fan. Her faceappears wan, her cheekbones are high andher large eyes are soft.[ 189]

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CYRIL TOURNEUR

Tragic Poet

CYRIL TOURNEURCyril Tourneur was born out of theunion of an unknown god with a prostitute.Proof enough of his divine origin has beenfound in the herioc atheism to which he suc¬cumbed. From his mother he inherited theinstinct for revolt and luxury, the fear ofdeath, the thrill of passion and the hate ofkings. His father bequeathed him his de¬sire for a crown, his pride of power and hisjoy of creating. To him both parentshanded down their taste for nocturnalthings, for a red glare in the night, and forblood.The exact date of his birth is not known,though we are told that he appeared onedark day during a pestilential year.No celestial protector watched over thewhose body was swollen with this[ 193]womanIMAGINARY LIVESinfant god, for the plague touched her sev¬eral days before her confinement, and thedoor of her little house was marked with ared cross. At the moment when CyrilTourneur was coming into the world thesexton at the cemetery began to toll the bellfor the burial of the dead. Then, quite ashis father had disappeared into that heavencommon to all gods, so a green cart draggedhis mother away to the common grave ofmen.That night is said to have been so darkthat the sexton had to hold a torch by thepesthouse door while the grim cartergathered his load. Another historian tellsus how the mists upon the river Thames(by Cyril Tourneur’s birthplace) were shotwith scarlet rays while the sound of the bellswas like the barking of cynocephales. Thereis little doubt but that a real star rose flam¬ing over the house-tops. The new-bornchild shook his feeble fists as its fiery, malev¬olent gleams mottled his upturned face.[ 194 ]CYRIL TOURNEURSo came Cyril Tourneur into the emptyvastness of the Cimmerian night.It is impossible to discover what were histhoughts or habits before he reached the ageof thirty. The signs of his latent divinityhad no record, nor do we know how he firstrecognized his hidden sovereignty. An ob¬scure list of his blasphemies has come tolight. From this document we know that hedeclared Moses nothing more than a jug¬gler, while one named Heriot, he said, wasan infinitely cleverer juggler than Moses.The beginning of religion, according toCyril, consisted in terrorizing man. Christ,he held, merited death more than Barabbas,though Barabbas were thief and murderer.Should he, Cyril Tourneur, write a new re¬ligion, he said, he could vow to establish itupon a finer, more admirable basis. Hethought the style of the New Testamentwholly repugnant. He declared that hisright to coin money was as good as thequeen of England’s, and furthermore, that[ 195]IMAGINARY LIVEShe knew a man named Poole, a prisoner atNewgate, with whose aid he meant some dayto strike gold pieces in his own image. Apious soul has erased the more terrible af¬firmations from this document.Cyril Tourneur’s words have been over¬heard and his gestures thought to indicatean atheism even more vindictive. He hasbeen represented to us cloaked in a longblack robe, a glorious twelve-starred crownon his head, his feet resting on the celestialsphere while he holds the terrestrial globein his right hand. Pale as a wax taper onan altar, with eyes deeply aglow like burningincense, he walked the streets on stormynights when the pest was over the city.Some have said he had a strange mark likea seal on his right thigh, but the point willnever be verified since no one saw his bodynaked after death.For mistress he took a prostitute fromBankside, a girl who had haunted the water¬front streets. He called her Rosamonde.[ 196]CYRIL TOURNEURHis love for her was unique. On her blonde,innocent face the rouge spots burned likeflickering flames, and she was very young.Rosamonde bore Cyril Tourneur a daughterwhom he loved. Having been looked at bya prince Rosamonde died tragically, drink¬ing emerald-colored poison from a trans¬parent cup.Vengeance merged with pride in Cyril’ssoul. Night came ... he walked the Mall,down the full length of that royal prome¬nade, flourishing a torch of burning horse¬hair to illuminate his face, this poisonerprince. Hatred of all who reign was in hismouth and on his hands. So he became ahighwayman, not to steal but to assassinatekings. Various princes who disappeared inthose days were lighted to their death byCyril Tourneur’s torch before he killedthem.He would lie in wait along the queen’shighway, hiding near some gravel pit or limekiln. Selecting his victim from a group of[ 197]IMAGINARY LIVEStravelers he would offer to guide the gentle¬man through the quagmires. At the mouthof the pit he would extinguish his torch andhurl the unsuspecting man into the blackhole. The gravel always gave way undertheir feet and Cyril would roll two enormousstones down to stifle the cries. In the dullglow of the kiln, he would sit through thenight watching the cadaver as the lime con¬sumed it.When Cyril Tourneur had thus satisfiedhis hatred for kings he was assailed by hishatred of the gods. The divine spark withinhim urged him on to original creation. Hedreamed of founding an entire generationout of his own blood—a race of gods onearth. He looked at his daughter. She waspure and desirable. To carry out his planunder the eyes of heaven he chose a cemeteryas the most appropriate scene. Vowing tobrave death and create a new humanity inthe heart of that destruction decreed by the[ 198]CYRIL TOURNEURgods, Cyril Tourneur sought among old,dead bones to engender new ones. He car¬ried out this project on the roof of a charnelhouse.The end of his life is lost in a haze of ob¬scurity. We may not be sure what pen hasgiven us the The Atheist’s Tragedy and theThe Revenger’s Tragedy. One legend pre¬tends that the pride of Cyril Tourneur wentstill farther. He is said to have raised ablack throne in his garden. Several personshave seen him sitting there with his goldcrown on his head, though they all ran away,frightened by the long blue aigrettes wavingto and fro above him. He read the poemsof Empedocles in the manuscript. He oftenexpressed his admiration for the manner inwhich the ancient poet died. No one sawthe manuscript of Empedocles after CyrilTourneur disappeared. That year theplague was come again, and the people ofLondon took refuge on barges floating mid¬stream in the Thames. One night a meteor[ 199 JIMAGINARY LIVESflashed across the face of the moon. Movingwith a sinister roar it whirled like a globe ofwhite fire toward Cyril Tourneur’s house.On his black throne, in his black robes andhis golden crown, the man waited for thecomet. Like a battle on the stage, an omi¬nous blast of trumpets sounded a funerealfanfare across the night. In a shimmering,sanguine blaze, Cyril Tourneur was borneaway to some unknown god in the somber,stormy regions of the sky.[ 200 ]

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WILLIAM PHIPS

Treasure Hunter

WILLIAM PHIPSWilliam Phips was bom in 1651 nearthe mouth of the Kennebec River and thoseforests from which the shipbuilders cut theirlumber. In a Maine village, poor and small,he dreamed his dreams of fortune huntingand adventure for the first time. There, inthe sight of ships and makers of ships, theshifting, changing light from the New Eng¬land seas brought to his eyes a gleam ofsunken gold—a gleam of silver buried be¬neath the sands. Wealth was out thereunder the sea, he believed, and he wanted it.He learned shipbuilding, earned a smallstake, journeyed to Boston. Strong in hisfaith, he repeated this prophecy: “Someday I’ll command a king’s ship and own afine brick house on Green Street.”In those days numerous shipwreckedSpanish galleons laden with gold lay rotting[ 203 ]IMAGINARY LIVESat the bottom of the Atlantic. Rumors ofthem stirred William Phips to the soul.When he learned of a mighty one, wreckedyears ago near Port de la Plata, he sailedfor London after scraping together all themoney he could command, planning to fitout an expedition. He besieged the admi¬ralty with petitions. They finally gave himThe Rose of Algiers, carrying eighteenguns, and in 1687 he set sail for the un¬known. He was thirty-six years old.The Rose of Algiers was manned by acrew of ninety-five. Adderly, the first mate,came from Providence. When the men firstlearned that Phips had set his course for theisland of Hispaniola they were not over¬joyed, for Hispaniola was a pirate strong¬hold while The Rose of Algiers had everyappearance of an honest craft.When they first touched land the sailorscalled a council between themselves with theintent of becoming gentlemen of fortune.While they were assembled on a little beach,[ 204 ]

WILLIAM PHIPSPhips stood at the prow of The Rose of Al¬giers, scanning1 the sea. The ship’s carpen¬ter chanced to overhear the crew’s con¬spiracy and carried the tale at once to thecaptain’s cabin. Phips ordered one broad¬side discharged at his mutinous men, thensailed away with several faithful sailors,leaving the rest marooned there, on a barrenstretch of the archipelago. Adderly, themate from Providence, managed to regainthe vessel by swimming.They came to Hispaniola on a calm seaunder a burning sun. Phips asked questionsabout all the vessels that had foundered inthese waters during the past half century, insight of Port de la Plata. An old Spaniardremembered one, showing Phips the veryreef. It was a long, round rock with sidessloping away, down to the far depths of theclear, vibrant water. Perched in the rig¬ging, Adderly laughed to see the waves gowhirling in little ripples and eddies, as TheRose of Algiers made a slow tour of the[ 205 ]IMAGINARY LIVESreef, while all the men examined the trans¬parent sea in vain. Phips stood on thefo’castle, tapping his foot, pacing up anddown between the winches and spars. Oncemore The Rose of Algiers made a turn ofthe reef, but the ocean floor was all alike,with its wet sand patterned in concentricwaves, and its feathery sea-verdure movinggently to the wash of the current. WhenThe Rose of Algiers came about for herthird tour of the reef the sun went down andthe sea grew black.Then it grew phosphorescent. “There’sthe treasure,” shouted Adderly throughthe darkness, pointing to the smoky goldstreaking the surface of the sea. But thehot dawn of the tropics revealed an oceanclear and tranquil, and The Rose of Algierscontinued her monotonous course. Eightdays she held to it, until the men’s eyesburned red from their constant scrutiny ofthe limpid depths. Phips ran out of pro¬visions. There was nothing to do but de-[ 206 ]WILLIAM PHIPSpart, so he gave the order and The Rose ofAlgiers came about. At that moment Adderly spied an unusual cluster of pure whiteseaweed growing on a side of the reef. Hewanted it, so one of the Indians plunged,plucked the thing and brought it up, hang¬ing straight and heavy from his hand. Itwas strangely heavy, the twisted roots seem¬ing to entwine themselves around some formnot unlike a pebble. Adderly swung theroots down against the deck to rid them ofthis weight, and a bright object rolled outsparkling in the sunlight. Phips yelledaloud. It was a lump of silver worth threehundred pounds. Adderly waved the whiteseaweed stupidly while the Indians began todive. Within a few hours the deck wascovered with old sacks as hard as stone, pet¬rified, grown over completely with barnaclesand little shells. When they were split openwith cold chisels and mallets a stream ofgold and silver nuggets and pieces of eightcame pouring out of the holes. “God be[ 207 ]IMAGINARY LIVESpraised!” cried Phips, “our fortune is made.”In all, the treasure amounted to three hun¬dred thousand pounds sterling. Adderlykept repeating, “and all that came out ofthe root of a white seaweed!” He died atBermuda several days later, raving mad.Phips brought his treasure back. TheKing of England made him Sir WilliamPhips, naming him High Sheriff of Boston.There he realized his dreams when he builta fine house of red brick on Green Street.He became a man of some importance. Itwas he who led the campaign against theFrench possessions, taking Arcadia from deMeneval and de Villebon, whereupon theking made him Governor of Massachusettsand Captain-General of Maine and New¬foundland. His strong-boxes were nowheaped with gold. Then he set out to cap¬ture Quebec after gathering up all the loosemoney in Boston to fund his project. Theenterprise failed and the colony was ruined.Phips tried issuing paper money, giving out[ 208 ]WILLIAM PHIPShis own gold in exchange, hoping by thatmeasure to increase the value of the paper.But fortune had turned. The paper couldnot be upheld and Phips lost everything.Soon he found himself poor, in debt, har¬assed by his enemies. His prosperity hadonly lasted eight years. As he was embark¬ing miserably enough, for London, he wasarrested in default of twenty thousandpounds at the request of Dudley and Brenton, and was taken to Fleet Prison.They locked Sir William Phips in a barecell. The only thing he had saved was thesilver nugget that brought him his fortune—the silver nugget from the white seaweed.Fever and despair were on him: death tookhim by the throat. He struggled, hauntedby visions of treasure. The galleon of theSpanish governor Bobadilla had gone down,loaded with gold and silver, in the vicinityof the Bahamas. Gaunt with fever and hislast, furious hope, Phips sent for the keeper[ 209 ]IMAGINARY LIVESof the prison. Holding out his silver nuggetin his shriveled hand, he mumbled crazily:“Let me dive—here, see? Here is one ofthe nuggets of Bo-ba-dil-la!”Then he died. The nugget from the whiteseaweed paid for his coffin.[210]

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CAPTAIN KIDD

Pirate\CAPTAIN KIDDHow this pirate came by the name ofKidd is not altogether clear. The actthrough which William the Third of Eng¬land granted him his commission of the Ad¬venture in 1695 began with these words:“To our faithful and well loved captain,William Kidd, commander . . . greetings.”Certainly from that time on it was a nameof war. In battle or maneuver some sayhe always had the elegant habit of wearingdelicate kid gloves with revers of Flanderslace. Others declare he would cry out dur¬ing his worst butcheries: “Me?—why, I’mas meek and mild as a new-born kid!” Stillothers there are who say he stored his treas¬ure in sacks made from the skins of younggoats, the custom dating from the time hepillaged a ship laden with quicksilver, emp¬tying a thousand bags of this metal which[213]IMAGINARY LIVESremain buried even now on the slopes of alittle hill in the Barbadoes. It is enough toknow that his black silk flag was blazonedwith a death’s head and the head of a goat,and his seal graven with the same emblems.Some who have hunted the numerous treas¬ures Kidd buried in Asia and America havedriven a little goat before them, thinking itwould bleat if it crossed the Captain’s path,but no one has ever found his hidden gold.Guided by Gabriel Loff, one of Kidd’sold sailors, Blackbeard himself searched thedunes where Fort Providence now stands,finding no more than a few traces of quick¬silver oozing up through the sand. All thisdigging has been useless, for Kidd himselftold how his secrets would remain eternallyundiscovered because of the “man with thebloody bucket.” He was haunted by thisman all his life, and his treasures have beenhaunted and defended by him ever since.Irritated by the enormous amount of pi¬racy in the West Indies, Lord Bellamont,[214]CAPTAIN KIDDgovernor of the Barbadoes, fitted out thegalley Adventure, obtaining a commander’scommission for Captain Kidd. Long en¬vious of the famous pirate, Ireland, Kiddpromised Lord Bellamont he would captureIreland’s sloop-o’-war together with the per¬son of its master and all his crew, and bringthem back for execution. The Adventurecarried thirty guns and one hundred andfifty men. Kidd first put in at Madeira totake on wine; he then touched at BuenaVista for a supply of salt, and at last reachedSantiago where he provisioned his ship com¬pletely. From that point he set sail for themouth of the Red Sea, the Persian Gulf anda little island called the Key of Bab.It was there he raised the skull and crossbones and reorganized his crew. Assembledon the ship’s hatch, he swore them all toabsolute obedience of the rules of piracy.Each man had a right to vote and a rightto equal shares of fresh provisions andstrong liquors. Cards and dice were for-[ 215]IMAGINARY LIVESbidden. All lights out by eight at night; ifa man would drink later he must drink ondeck under the open sky. The company re¬ceived neither woman nor boy. Should theybe found in disguise death was the penalty.Guns, pistols and cutlasses always to be heldin readiness. Quarrels to be settled on landwith saber or pistol. Two parts of the spoilswere for captain and quartermaster, one anda half parts for mate, bos’un and gunner,one part and a quarter for other officers.Rest for the musicians on the Sabbath Day.The first ship encountered was Dutch,commanded by Skipper Mitchel. Kiddbroke out the French flag and gave chase.The other vessel raised the same colors, atwhich Kidd hailed her in French, and whenthe pirate boarded the Dutch ship with hiscrew, Skipper Mitchel called out a French¬man from among his own men to act as inter¬preter. Kidd asked him if he had a passport,and to his affirmative, replied: “Well, byGod, if you’ve got a passport I’ll make you[ 216]CAPTAIN KIDDcaptain of this ship.” Then he had himhanged from the yard-arm, afterwardsbringing the Dutchmen up one by one,questioning them, pretending not to heartheir Flemish names and condemning themwith these words: “French?. . . the plank J”A plank was swung over the side. All theDutchmen walked it naked, stepping intothe sea at the point of the bos’un’s cutlass.Moore was Kidd’s gunner. Moore wasdrunk. Raising his voice he asked: “Cap¬tain, why are you killing these men?”Kidd picked up a heavy bucket and went forhim, and Moore fell with his brains spillingout of a skull split wide. There were mat¬ted hairs glued to the bucket in a curd ofblood, so Kidd ordered it washed, but noneof the crew would ever use it again. Theyleft it hanging in the rigging.A voice unheard by any save himselfcried out behind Kidd’s shoulder: “Fill abucket!” He whirled on it but his cutlass[217]IMAGINARY LIVESslashed only empty air, and he wiped a fleckof foam from his lips. Then he hangedsome Armenians. When Kidd attacked theLark he slept stretched out on his bunk afterthe division of the loot. Waking in a heavysweat he called for water to bathe himself.A sailor brought it in a pewter basin. Star¬ing at that common receptacle Kidd ex¬claimed: “Is that what you bring a gentle¬man of fortune ... a bucket of blood?”The sailor fled; later Kidd drove him fromthe ship, marooning him on a remote rockwith a rifle, a powder-horn and a flask ofwater. When Captain Kidd buried hisfamous treasures in so many lonely places hehad no other reason but the persuasion thathis murdered gunner came every night withhis bloody bucket to dig up the gold andhurl it into the sea.Captured at last in New York, Kidd wassent by Lord Bellamont to London wherehe was tried and hanged on Execution Dockin his red cloak and his gloves. When the[218]CAPTAIN KIDDhangman placed the black Milan cap overhis eyes, Kidd cried out: “Great God! he’sputting his bucket over my head!” Theblackened corpse hung in chains for morethan twenty years.[219]

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WALTER KENNEDY

Unlettered PiratesWALTER KENNEDYCaptain Kennedy was an Irishman. Hecould neither read nor write. Under thegreat Roberts he rose to the lieutenant gradeby merit of his talent for torture. He wasperfection itself at the art of tightening acord around a prisoner’s brow until his eyespopped out, or of tickling his face with aflaming palm leaf. When Darby Mullinwas tried for treason aboard the CorsaireCaptain Kennedy’s reputation became as¬sured. Seated in a semicircle behind thewheel house, the judges assembled with theirlong tobacco pipes around a bowl of punch.Then the process began. They were aboutto vote the verdict when someone suggestedanother pipe before concluding the business.Kennedy rose, drew his clay from his pocket,spat and delivered himself of the followingsentiments:[ 223 ]IMAGINARY LIVES“Great God, sirs, devil take me if we don’thang me old comrade Darby Mullin. Dar¬by’s a good lad and-the man who sayshe ain’t. And we’re gentlemen o’ fortune.Hell, Darby and me has bunked together:I love him with all me heart, I do. ButGreat God, sirs, I know him, the- He’llnever repent, devil take me if he will, eh,ain’t that so, Darby me lad? Good God, goahead and hang him! Hang him by allmeans. And now, sirs, with the leave o’ thehonorable company I’ll just step up andtake a good swig to his health.”This discourse was considered admirable—as great as any of those noble militaryorations reported by the ancients. Robertswas enchanted, and from that day Kennedybecame ambitious. Near the BarbadoesRoberts embarked in a sloop to pursue aPortuguese vessel. During his absence Ken¬nedy forced his shipmates to elect him cap¬tain of the Corsaire, then sailed away on anenterprise of his own making. He looted[ 224 ]WALTER KENNEDYand scuttled numerous brigantines and gal¬leys carrying cargoes of sugar or tobaccofrom Brazil, not to speak of the gold dustand sacks of doubloons and pieces of eight.His black silk flag displayed a death’s head,two cross-bones, an hour-glass and a heartpierced by an arrow from which fell threedrops of blood. With that insignia flying,he one day encountered a peaceable shipfrom Virginia, under the command of aQuaker named Knot. The pious man hadneither rum, pistol, cutlass nor saber aboard.He was dressed in a long black coat toppedby a broad-brimmed hat of the same color.“Great God!” exclaimed Kennedy.“Here’s a gay fellow! Now that’s what Ilike to see. No harm to my friend CaptainKnot who wears such a joyful uniform.”“Amen,” responded Knot, “so be it.”Then the pirates threw gifts to theQuaker: thirty moidors, ten rolls of Bra¬zilian tobacco and several packets of[ 225 ]IMAGINARY LIVESemeralds. Brother Knot picked up themoidors, the gems and the tobacco.“These be welcome gifts,” he said, “forthey may be put to pious use. Ah, wouldto heaven all our friends who scour the seaswere moved by such sentiments! The Lordaccepts all restitutions. These are the fleshof the calf and the limbs of the idol Dagonthat you offer, my friends, as sacrifice. Da¬gon still rules in these wicked lands and hisgold brings evil temptations.”“Dagon be damned,” roared Kennedy.“Great God, shut that snout of yours andhave a drink.”Brother Knot bowed peacefully, thoughhe refused the rum offered him.“My friends . . he began.“Great God,” interrupted Kennedy, “callus gentlemen of fortune!”“Friends and gentlemen,” Knot beganfor a second time, “strong liquors be goadsof temptation our feeble flesh cannot endure.As for you, my friends . .[ 226 ]WALTER KENNEDY“Gentlemen of fortune, Great God!” cor¬rected Kennedy.“As for you, friends and fortunate gentle¬men,” continued Brother Knot, “you whobe hardened by long years of strife againstthe Tempter, it is possible, nay, even prob¬able I shall say, that you no longer feelhis sting. But we, your friends, should betroubled, gravely troubled . < .”“To the devil with your troubles,” saidKennedy. “This man can talk, but I candrink better. He’ll fetch us to Carolina tosee his fine friends who probably own somemore limbs of the calf,” the pirate went on.“Eh, Captain Dagon?”“So be it,” agreed the Quaker. “But myname is Knot.”And he bowed again, the broad brim ofhis hat shaking in the wind.The Corsaire dropped anchor in a creekwell known to the Quaker man, who prom¬ised to return and bring his friends. He didreturn, that same night, leading a company[ 227 ]IMAGINARY LIVESof military sent by Governor Spotswood ofCarolina. The man of God swore to hisfriends, those fortunate gentlemen, that hisonly motive was to prevent the introductionof tempting liquors into this profane land.When the pirates were arrested he said:“Ah, my friends, how mortified I am thatthis must be!”“Great God!” said Kennedy. “Mortifiedis the word.”He was put in irons and taken to Londonfor trial. Old Bailey got him. He madehis mark on all the questionnaires and onthe receipt for his capture. His last dis¬course was delivered on Execution Dock,where the wind from the sea swayed all thecorpses of former gentlemen of fortune, stillhanging in their chains.“Great God! what an honor,” said Ken¬nedy, staring at the dangling cadavers.“They’re going to stick me up beside Cap¬tain Kidd. He ain’t got any eyes left, but[ 228 ]WALTER KENNEDYit’s him all right—who else would be wear¬ing such a grand crimson coat? He waselegant, Kidd was. And he could write. Heknew his letters, he did;-me, what a finehand! Pardon, Captain (he saluted theshriveled corpse in crimson). They, too,were gentlemen of fortune.”[ 229 ]

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MAJOR STEDE-BONNET

Pirate by Fancy

MAJOR STEDE-BONNETMajor Stede-Bonnet was a gentlemanand a retired soldier living on his planta¬tion in the Barbadoes in the year 1715. Hisfields of sugar-cane and coffee brought hima good income, and he had the pleasure ofsmoking tobacco he himself had cultivated.He had been unhappily married, for hiswife, it was said, had driven him slightlymad, though his aberrations were only mildones until after the quarantine. At first,his servants and neighbors humored them asmere childish fancies.Major Stede-Bonnet’s peculiarity was thefollowing: on every possible occasion hemade a scathing denouncement of all wholived and fought on land, then launchedforth a flood of praise for seafaring men.The only names sweet in his mouth werethose of Avery, Charles Vane, Benjamin[ 233 ]IMAGINARY LIVESHornigold or Edward Teach, good hardynavigators, in his opinion, true men of en¬terprise. They were all infesting the seasin the vicinity of the Antilles at that time,but if anyone called them pirates in his hear¬ing the Major would exclaim:“Thank God, then, for these pirates, asyou say, who give us an example of suchfree lives as our forefathers led. They hadno rich men in their days, no women coddlers, no slaves to fetch them sugar andcotton and indigo, but one generous Goddistributing all things and to each man hisjust part. That’s why I like these fine freefellows who live as companions in fortune,dividing the prizes between them.”Tramping over his plantation, the Majoroften stopped to thump some laborer on theshoulder, saying:“Wouldn’t you be better off now, youfool, if you was stowing those bales awayin the hold of a tidy brigantine instead ofspilling your sweat in this dust?”[ 234]MAJOR STEDE-BONNETNearly every evening he called his serv¬ants together under a grain shed to readthem stories of the great exploits achievedby the pirates of Hispaniola or TurtleIsland, for all the gazettes and journals ofthe day were telling how these men ravagedvillages and farms along the coast. TheMajor read by candlelight, while big blueflies droned around his head.“Excellent Vane,” he would cry. “BraveHornigold, a real horn of plenty full ofgold! Sublime Avery, loaded with the jew¬els of the Great Mogul and the kings ofMadagascar! Admirable Teach—you whoruled fourteen wives, one after the other,then got rid of them all—you, Teach, whohanded over your last one (she was onlysixteen) to your friends every night (outof pure generosity, grandeur of the soul andsheer love of science), at Okereco*k, that fineisland of yours! How happy are they whofollow your wake, who drink their rum with[ 235 ]IMAGINARY LIVESyou, Blackbeard, master of the QueenAnne’s Revenge!”The Major’s servants listened to thesediscourses in silent surprise. His only in¬terruptions were soft little noises when smalllizards fell down from the roof, the suctiongrip of their tiny cupped feet loosened byfright. Shielding the candle with his hand,the Major reviewed famous naval maneu¬vers with the point of his cane, tracing plansand positions among the tobacco leaves onthe floor. He threatened the cradle (thatwas what the pirates called forty strokes ofthe lash) to any listener who failed to un¬derstand and grasp the finesse of those fili¬bustering tactics.At last Major Stede-Bonnet could resistno longer. He bought an old sloop with tenguns mounted on her, and took on all theessential paraphernalia of piracy, includingcutlasses, cross-bows, ladders, planks, grap¬pling hooks, hatches, Bibles (to take oathby), kegs of rum, lanterns, soot for black-[ 236 ]MAJOR STEDE-BONNETening faces, pitch, wicks to burn under thefingernails of rich merchants, a mighty sup¬ply of black flags with skulls and cross-boneson them, and the name of the vessel—TheRevenge. After driving seventy of his do¬mestic servants aboard to be his pirate crew,he set sail in the night, heading due westwith the intention of skirting Saint Vincent,tacking back by way of Yucatan and pillag¬ing all the coast as far as Savannah—wherehe never arrived.Major Stede-Bonnet knew nothing of thesea or its language. Between the compassand the astrolabe he began to lose his reasoncompletely; he confused mizzen with bos’un,the jib with the brig, the foresail with thefo’castle; he called the wheel the keel, saidstarboard when he meant larboard and aftwhen he meant abaft. All those strangewords and the disquieting motion of the seacombined to upset him until he wished him¬self safe ashore on his plantation in theBarbadoes, and would probably have re-[ 237 ]IMAGINARY LIVESturned without further adventure were it notfor his glorious desire to raise the skull andcross-bones at sight of the first vessel en¬countered. He had neglected to put aboardany provisions, counting as he did on ampleloot, but since not a single sail was spiedthe first night, Major Stede-Bonnet decidedto attack a village.Hailing all his men to the bridge-headhe handed out the brand-new cutlasses, urg¬ing the crew to their utmost ferocity. Froma bucket of soot he proceeded to black hisown face, commanding the others to followsuit, which they did with some gayety.Recalling his pirate lore, he judged it bestto stimulate his men with a few drinks ofsome reliable pirate beverage, so he doledout to each one a pint of rum and gun¬powder mixed (wine, he knew, was theproper ingredient, but he had none). Theservant sailors drank their rations down,though contrary to rule, their faces werenot instantly suffused with fury. There was,[ 238 ]MAJOR STEDE-BONNETin fact, a concerted movement both to portand to starboard as they hastened their sootyfaces over the rail, offering the mixture tothe depths of that villainous sea. By thistime The Revenge was all but stranded onthe beach of Saint Vincent, so the pirateswent staggering ashore.It was morning. The astonished faces ofthe villagers somehow failed to excite a greatdeal of piratical frenzy; even Major StedeBonnet was not overmuch disposed to doviolence. He showed his ferocity, however,by purchasing rice, vegetables and salt porkwhich he paid for (in a noble buccaneermanner, it seemed to him) with two kegs ofrum and some old rope. When his crewhad humbly pushed The Revenge afloat theMajor again set out to sea, proud of hisfirst conquest.He sailed all that day and all that nightwithout the faintest notion what wind pro¬pelled him. Towards the dawn of the sec¬ond day, while he slept propped up against[ 239 ]IMAGINARY LIVESthe wheel-house, much discomforted by hiscutlass and blunderbuss, Major StedeBonnet was aroused by a shout.“Sloop ahoy!”Rising, he saw another ship standing offat about one cable length. In her prow wasa man with a big full beard. A small blackflag floated from her pinnacle.“Hoist our death flag! hoist our deathflag!” commanded the Major hurriedly. Ashe thought it over, his proper title was thetitle of a landlubber soldier, so he decidedto take a new name immediately, followingthe illustrious example set by famous lead¬ers of his new profession. He answeredwithout further delay:“Sloop The Revenge, commanded by me.Captain Thomas, with my companions infortune.”The man with the beard burst out laugh¬ing.“Well met,” he roared. “Comrade, wecan both drift awhile. Come, have a go of[ 240 ]MAJOR STEDE-BONNETrum with me aboard The Queen Anne’sRevengeAnd Major Stede-Bonnet realized he wasabout to meet Captain Teach, alias Blackbeard, most famous of all the pirates he hadso admired. But the Major’s joy was notnow as acute as he thought it would be, forhe had a notion that he might presently belosing his splendid piratical liberty. Hewent rather grimly over to Teach who re¬ceived him with much ceremony, glass inhand.“Comrade,” Blackbeard began, “youplease me infinitely, but your navigatingshows no prudence. So if you trust me.Captain Thomas, you will stay here whileI send a brave able fellow by the name ofBichards to sail your sloop for you. OnBlackbeard’s ship you will find all the free¬dom due a gentleman of fortune.”Major Stede-Bonnet dared not refuse.They took away his cutlass and his blunder¬buss. He was sworn in on a hatch (Black-[ 241 ]IMAGINARY LIVESbeard could not suffer the sight of a Bible),given his ration of biscuits and rum, prom¬ised his share in future prizes. The Majorhad never dreamed a pirate’s life could beso orderly. When he sailed away from theBarbadoes he had been a gentleman fancy¬ing himself a pirate. Now that he was tobecome a real pirate aboard The QueenAnne's Revenge he no longer fancied thelife so ardently.Submitting to Blackbeard’s rages andthe ocean’s terrors he led that existence forthree months, assisting his master in thir¬teen captures; finally returning to his ownsloop, The Revenge under Richard’s com¬mand. It was a fortunate and prudentchange, for the following night Blackbeardwas attacked at the entrance of Okereco*kIsland by Lieutenant Maynard of Bathtown. Blackbeard was killed in the result¬ing combat and the Lieutenant sailed awaywith the pirate’s head swinging from hisbowsprit.[ 242 ]MAJOR STEDE-BONNETFor several weeks poor Captain Thomasfled in the direction of South Carolina.Advised of his coming, the governor ofCharlestown sent a Colonel Rhet with ordersto effect his arrest at the Sullivan Islands.Captain Thomas allowed himself to betaken. Under the name of Major StedeBonnet (which he speedily resumed), he wasled back to Charlestown in some pomp.Held in jail until November the tenth, 1718,he appeared at that date before a court ofthe admiralty. Chief Justice Nicholas Trotcondemned him to death with the delightfuladdress that follows:“Major Stede-Bonnet, you have beenconvicted on two charges of piracy. In asmuch as you have pillaged something likethirteen ships you could easily be convictedon eleven additional charges. Two, however,have been found sufficient (said NicholasTrot) for those two are contrary to ourdivine law, ‘Thou shalt not steal’ (Ex. 20,15) and the apostle Saint Paul expressly[ 243 ]IMAGINARY LIVESdeclared: ‘Nor thieves, nor covetous, nordrunkards, nor revilers, nor extortioners,shall inherit the kingdom of God’ (I Cor.6, 10). You are further guilty of homicide(said Nicholas Trot), and assassins ‘Shalldwell forever in a burning lake of fire andsulphur’ (Apoc. 21, 8) (said Nicholas Trot),‘shall dwell with the devouring fire’ (Is. 33,14.) Ah, Major Stede-Bonnet, I havereason to fear the religious principles im¬bued in your youth (said Nicholas Trot),have been sadly corrupted by your wickedlife and your too nice application to theliterature, and the vain philosophy of ourtime, for had your delight been in ‘The lawof the Lord’ (said Nicholas Trot), had you‘Meditated upon it night and day’ (Ps. 1, 2),you would have found by now that ‘Hisword is a lamp unto your feet and a lightunto your path’ (Ps. 119, 105.) But sinceyou have not minded this you must fly to the‘Lamb of God’ (said Nicholas Trot), ‘whichtaketh away the sin of the world’ on the[ 244 ]MAJOR STEDE-BONNETpromise that ‘Him that cometh to me I willin no wise cast out* (Jno. 6, 37). If youreturn to him now (said Nicholas Trot),like the vineyard laborers in the parable ofthe eleventh hour (Mat. 20, 6, 9), he canyet receive you. But for the present (saidNicholas Trot), the court pronounces thatyou shall be hanged by the neck until youare dead.”Major Stede-Bonnet, having listened withall compunction to this discourse by thechief justice, was hanged that same day atCharlestown as a thief and a pirate.[ 245 ]

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BURKE AND HARE

— ..Assassins

BURKE AND HAREMe. William Btjeke rose from themeanest obscurity to eternal renown. Bornin Ireland, he started life as a shoemaker,later practicing his trade for several yearsin Edinburgh where he made the acquaint¬ance of Mr. Hare, on whom he had thegreatest influence. In the collaboration ofMessrs. Burke and Hare the inventive andanalytic powers belonged, no doubt, to Mr.Burke, but their two names remain insep¬arable in art, as inseparable as the names ofBeaumont and Fletcher. Together theylived, together they worked and they werefinally taken together. Mr. Hare never pro¬tested against the popular favor particu¬larly attached to the person of Mr. Burke.Disinterestedness so complete seldom has itsrecompense. It was Mr. Burke who be¬queathed his name to the special process that[ 249 ]IMAGINARY LIVESbrought the two collaborators into fame.The monosyllable “Burke” will live long onthe lips of men, while even now Hare’spersonality seems to have disappeared intothat oblivion which spreads unjustly overobscure labors.Into his work Mr. Burke brought thefairie fancy of the green island where he wasborn. His soul was evidently steeped in oldtales and folklore, and there was somethinglike a far-away, musty odor of the ArabianNights in all he did. Like a caliph pacinga nocturnal garden in Bagdad, he desiredmysterious adventures, curious for the glam¬our of strange people and unknown things.Like a huge black slave armed with a heavyscimitar, he found for his voluptuousness nomore fitting conclusion than the death ofothers, but his Anglo-Saxon originality ledhim to succeed in drawing the most practicalends from his fanciful Celtic prowlings.When his artistic joy is sated what does theblack slave do with his headless carcasses?[ 25Q]BURKE AND HAREWith barbarity entirely Arab, he slices theminto quarters and salts them down in thecellar. What good does he get from that?Nothing. Mr. Burke was infinitely supe¬rior.Somehow Mr. Hare served him as a sortof Dinarzade. It seemed as if the inventivepowers of Mr. Burke were especially excitedby the presence of his friend. The broadillusion of their dream permitted them tolodge their most pompous visions in a garret.Mr. Hare had a small chamber on the sixthfloor of a tall house filled very full of Edinburghers. A sofa, a large desk and sev¬eral toilet utensils were undoubtedly all thefurnishings, including a bottle of whiskywith three glasses on a little table. It wasMr. Burke’s rule to invite some passerby atnightfall, but he never received more thanone at a time and never twice the same.He would walk through the streets exam¬ining all faces that piqued his curiosity.Frequently he chose at random, addressing[ 251 ]IMAGINARY LIVESthe stranger with as much politeness as onecould ask of a Haroun-al-Raschid. Thestranger would then stumble up six flightsof stairs to Mr. Hare’s garret where theygave him the sofa and offered him Scotchwhisky to drink. Then Mr. Burke wouldask him about the most surprising incidentsof his life. He was an insatiable listener,was Mr. Burke. The stranger’s recital wasalways interrupted before daybreak by Mr.Hare, whose manner of interrupting was in¬variably the same and very impressive. Hehad a habit of passing behind the sofa andputting his hands over the speaker’s mouthwhile Mr. Burke would suddenly sit downon the gentleman’s chest at the same mo¬ment. The two of them would remain thus,motionless, imagining the conclusion theynever heard. In this manner Messrs. Burkeand Hare terminated a large number ofhistories the world has never learned.When the tale was definitely stopped withthe suffocation of the teller, they would ex-[ 252 ]BURKE AND HAREplore the mystery, stripping the unknownman, admiring his jewelry, counting hismoney, reading his letters. Certain items ofcorrespondence were often not without in¬terest. Then they would lay the corpseaway to cool in Mr. Hare’s big desk. Andnow Mr. Burke would demonstrate the prac¬tical force of his genius.To waste none of the adventure’s pleasure,he held that the body should be fresh butnot warm.In the first years of the nineteenth centurymedical students had a passion for anatomy,though religious prejudices made it difficultfor them to secure subjects for dissection.Mr. Burke’s clear mind had taken note ofthis scientific dilemma. No one knows howhe first established an alliance with that ven¬erable and learned practitioner, Dr. Knox,of the faculty of Edinburgh. Perhaps Mr.Burke had followed his public lectures inspite of the fact that his imagination inclinedrather to artistic things. It is certain, how-[ 253 ]IMAGINARY LIVESever, that he promised to aid Dr. Knox asbest he could, and that Dr. Knox agreedto pay him for his pains. The scale of pricesvaried, declining from the choice corpses ofyoung men to the less desirable remains ofthe aged. The latter interested Dr. Knoxonly moderately and Mr. Burke held thesame opinion, for old men, he claimed, al¬ways had less imagination. Dr. Knox cameto be known among his colleagues for hissplendid knowledge of anatomy. This dil¬ettante life, led so enjoyably by Messrs.Burke and Hare, brought them to what wascertainly the classic period of their career.For the power of Mr. Burke’s geniussoon led him beyond rules and regulationsof a tragedy in which he had always a storyto listen to and a confidence to keep. Alonehe progressed (it is useless to consider theinfluence of Mr. Hare) towards a sort ofromanticism. No longer satisfied with thesetting provided by Mr. Hare’s garret, heinvented a procedure to make use of the[ 254 ]BURKE AND HAREnocturnal fogs. Numerous imitators havesomewhat sullied the originality of his man¬ner, but here is the veritable tradition of themaster.Mr. Burke’s fertile imagination hadgrown weary of tales eternally revertingto human experiences. The result neverequaled his expectation. So he came at lastto value only the actual aspect of death . . .for him unfailingly varied. He concentratedhis drama in the denouement. The qualityof the actors no longer mattered; he trainedthem at random, and his only property ofthe theater was a canvas mask filled withpitch. Mask in hand, he would walk out onfoggy nights accompanied by Mr. Hare.Approaching the first individual whochanced to pass, he would walk a few stepsin front, then turn and place the maskquickly and firmly over the subject’s face.Immediately Messrs. Burke and Harewould grasp the arms of their actor, oneon each side. The mask full of pitch pre-[ 255 ]IMAGINARY LIVESsented simply a genial instrument for stiflingcries and strangling. It was tragic. Thefog muffled the gestures of the role andsoftened them. Some of the actors seemedto mimic drunken men. This short sceneover, Messrs. Burke and Hare would takea cab in which they would disrobe theirguest, Mr. Hare caring for the costumeswhile Mr. Burke delivered the cadaver freshand clean to Dr. Knox.Unlike most biographers it is here I leaveMessrs. Burke and Hare, at the peak oftheir glory. Why destroy such an artisticeffect by requiring them to languish alongto the end of their lives, revealing their de¬fects and their deceptions? We need onlyremember them, mask in hand, walkingabroad on foggy nights. For their end wassordid like so many others. One of them,it appears, was hanged and Dr. Kncx wasforced to quit Edinburgh. Mr. Burke leftno other works.

THE END

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See also

  • Biography
  • Imaginary

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